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BLOOMFIELD LEONARD (1887-1949)

Homme réservé, à la personnalité austère et entière, L. Bloomfield marqua de façon déterminante le développement de la linguistique aux États-Unis et dans le monde. Né à Chicago, il étudia la grammaire et la philologie germanique à Harvard et, après avoir passé un an en Allemagne, où il suivit les cours de Brugmann et de Leskien, les grands comparatistes de l'époque, il enseigna dans plusieurs universités américaines de 1909 à 1927. Il fut ensuite professeur de philologie germanique à l'université de Chicago et, en 1940, il se vit confier la succession d'Edward Sapir à la chaire de linguistique de l'université Yale. Il en resta titulaire jusqu'à sa mort, mais dut renoncer à toute activité à partir de 1946, ayant été alors atteint d'une hémiplégie.

Les premiers travaux de Bloomfield, dont sa thèse A Semasiologic Differentiation in Germanic Secondary Ablaut (1909), portent sur le comparatisme indo-européen, ainsi que sur les problèmes généraux du langage : An Introduction to the Study of Language (1914). Puis il entreprend des études sur les langues malayo-polynésiennes et fait œuvre de pionnier avec la publication des Tagalog Texts (1917), où il présente ses recherches sur le tagalog, langue des Philippines. Dès le début des années vingt, il s'intéresse aux langues amérindiennes, en particulier à celles du groupe algonquin. Ses talents de descripteur et de comparatiste lui permettent de produire une œuvre qui, avec les travaux de ses grands contemporains Boas et Sapir, restera parmi les classiques de ce domaine : les Menomini Texts (1928), les Plains Cree Texts (1934), son célèbre ouvrage Linguistic Structures of Native America (1946) et Menomini Morphophonemics (1939). Language (1933) présente la conception que Bloomfield se fait du langage et les tâches qu'il assigne à la linguistique. Par rapport à l'ouvrage de 1914, ce livre constitue à la fois une « remise à jour », comme il le dit lui-même, et un profond changement d'orientation, dû notamment à l'importance que prend pour lui le béhaviourisme.

On a beaucoup parlé de l'« antimentalisme » de Bloomfield, à propos surtout des linguistes qui, autour de 1950, se réclamaient de son héritage en bannissant comme « mentaliste » toute considération de caractère sémantique. Mais l'étude des travaux de Bloomfield montre que, s'il emploie souvent des formulations polémiques, parfois franchement positivistes, on ne saurait rendre compte du rôle qui fut le sien en limitant sa pensée à quelques dogmes, comme l'ont trop souvent fait certains « néo-bloomfieldiens ». En renonçant à faire intervenir dans la description et l'analyse tout ce qui est extérieur aux relations des éléments linguistiques entre eux, il contribua à fonder la méthode distributionnelle, qui caractérise la linguistique structurale américaine. Par son caractère autonome et explicite, cette méthode devait permettre des formulations susceptibles de recevoir un traitement formel, mathématique ; et elle autorisait l'investigation de phénomènes non immédiatement observables en rendant manifestes certaines irrégularités dans le système distributionnel (les neutralisations en phonologie, les morphèmes « zéro » en sont des exemples). C'est à Bloomfield qu'on doit la théorie des « constituants immédiats », qui reste la base de presque tous les travaux américains contemporains dans le domaine de la syntaxe et qu'il conduisit lui-même à un remarquable niveau d'abstraction.

Bloomfield fut l'un des fondateurs de la Linguistic Society of America et de sa revue Language en 1925. Comme d'autres grands linguistes de son temps, il s'intéressa aux applications pratiques de ses recherches théoriques et il écrivit notamment un manuel d'allemand pour débutants, composa une méthode tout à fait révolutionnaire[...]

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Pour citer cet article

C.-H. VEKEN. BLOOMFIELD LEONARD (1887-1949) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DISTRIBUTION COMPLÉMENTAIRE

    • Écrit par Jean-Paul MOURLON
    • 255 mots

    En phonologie, situation dans laquelle deux sons du langage appartenant au même phonème n'apparaissent jamais dans le même contexte. C'est ainsi qu'en français les deux [l] de « lit » et de « balle » sont tout à fait différents ; le [l] sonore de « lit » ne se rencontre qu'avant les voyelles et...

  • DISTRIBUTIONNALISME

    • Écrit par Catherine FUCHS
    • 964 mots

    On désigne sous le nom de distributionnalisme un courant linguistique d'inspiration structuraliste qui s'est développé aux États-Unis à partir des travaux de Leonard Bloomfield (1887-1949), rassemblés dans Language (1933), et qui a dominé la linguistique américaine jusqu'au début des...

  • GRAMMAIRES (HISTOIRE DES) - Du Moyen Âge à la période contemporaine

    • Écrit par Jean-Claude CHEVALIER, Universalis, Jean STÉFANINI
    • 4 799 mots
    ...1920-1930 a des sources multiples, jusque dans l'organicisme du xixe siècle (Koerner), convergeant dans l'œuvre de Saussure et dans celle de Bloomfield. Le premier dégage de la pratique de la grammaire comparée principes et concepts qui la fondent (arbitraire du signe ; prise en considération...
  • LANGAGE PHILOSOPHIES DU

    • Écrit par Jean-Pierre COMETTI, Paul RICŒUR
    • 23 538 mots
    • 9 médias
    ...de la « forme linguistique » (fonction symbolique des mots, structure grammaticale, configuration formelle, référence au monde des concepts, etc.), Leonard Bloomfield (Language, 1933) imposait une conception mécaniste et béhavioriste des faits linguistiques, fondée sur le célèbre schéma stimulus-réponse...

Voir aussi