LAQUE
L'emploi du laque est une invention proprement chinoise. Le laque est la sève du Rhus verniciflua, arbre originaire de Chine qui sera transplanté en Corée, au Japon, en Annam. Il est distinct de la gomme-laque, dérivée du dépôt sur les arbres d'une gomme produite par un insecte et qui est à la base des laques de l'Inde, de Ceylan, de la Birmanie, comme des vernis de l'Occident. Les propriétés du laque sont incomparables : résistance à l'eau, à la chaleur, aux acides, solidité, légèreté, brillant. Enduit protecteur tout d'abord, il fut surtout utilisé pour toute une gamme de décors : peints, sculptés, incisés, incrustés.
L'usage du laque remonte à l'époque Shang, où il était appliqué sur des bois sculptés et servait à préserver les parois et les piliers des chambres funéraires. Sous les Zhou, on en revêtait des véhicules, des harnais, des armes. Peut-être en usait-on aussi pour remplir les creux du décor des bronzes rituels. On est mieux renseigné sur la période des Royaumes Combattants et sur l'époque Han qui représentent un sommet dans le domaine des laques peints. Après une éclipse, l'art du laque reparaît sous les Tang et les Song. Puis, à partir des Yuan, on est en présence d'un matériel abondant et varié qui évolue régulièrement sous les Ming et les Qing.
Bien qu'il soit, à l'origine, issu de modèles chinois, l'art du laque, au Japon, a connu des développements très différents et a joué dans la vie artistique un rôle plus important que sur le continent. Son évolution n'a pas connu d'éclipse et les noms d'innombrables artistes jalonnent son histoire. Attachés surtout aux décors rehaussés d'or et d'argent, ils en ont varié les procédés à l'infini et les ont portés à leur plus haut point de virtuosité technique. Le laque est associé à toutes les étapes de l'art japonais : il reflète la sensibilité aristocratique de la cour des Fujiwara, les influences chinoises du xive au xvie siècle, les conceptions décoratives de l'époque Momoyama, l'art plus familier du Japon des xviie et xviiie siècles. Le raffinement des laques japonais, leur perfection minutieuse, le charme de leurs compositions ont émerveillé l'Occident à tel point qu'au xviiie siècle le verbe « japonner » était devenu synonyme de laquer ou vernir.
Laques chinois
Technique
Des incisions pratiquées dans l'arbre à laque laissent suinter une résine visqueuse, qu'on épure par des filtrages et une ébullition lente. À l'état semi-fluide, le laque, prêt à l'emploi, sera coloré, le plus souvent en noir (sulfate de fer ou noir de fumée) ou en rouge (cinabre), parfois en vert, en jaune, en bleu ; il peut aussi être le véhicule de poudres d'or ou d'argent. Il peut s'appliquer sur des tissus, des métaux, le cuir, la vannerie, la porcelaine, mais a surtout été employé sur le bois, directement ou sur une toile interposée. Le laque est posé en couches minces, chacune devant être séchée et poncée avant la pose de la suivante. À l'époque Ming, le nombre de ces couches pouvait atteindre une centaine. Le séchage doit se faire en milieu humide, à l'ombre et à l'abri de la poussière. Il se pratique dans des fosses ou sur des lacs, dans des barques. Devenu dur, soigneusement poli, le laque reçoit un décor. Le plus simple est le décor peint au moyen de laques colorés ou dorés ; il apparaît dès le ve siècle avant J.-C. Le décor sculpté, taillé dans l'épaisseur des couches, est connu dès les Han ; il dominera la production à partir des Yuan. Le laque peut aussi être incisé, les creux, linéaires ou larges, étant emplis d'or ou de couleurs. Enfin, il est souvent incrusté de matières variées : l'argent (à l'époque Han), la nacre, l'argent[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Daisy LION-GOLDSCHMIDT : chargée de mission au Musée national des arts asiatiques-Guimet
Classification
Pour citer cet article
Daisy LION-GOLDSCHMIDT, « LAQUE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
Médias

Miroir, dynastie Tang
Bridgeman Images
Miroir, dynastie Tang
Miroir de bronze en laque noir et décoré d'or et d'argent. Dynastie Tang (618-907).
Bridgeman Images
Autres références
-
BVRB (Bernard Van Risenburgh)
- Écrit par Colombe SAMOYAULT-VERLET
- 241 mots
- 1 média
-
CARLIN MARTIN (1730-1785)
- Écrit par Colombe SAMOYAULT-VERLET
- 225 mots
- 1 média
-
CHINOISE CIVILISATION - Les arts
- Écrit par Corinne DEBAINE-FRANCFORT, Daisy LION-GOLDSCHMIDT, Michel NURIDSANY, Madeleine PAUL-DAVID, Michèle PIRAZZOLI-t'SERSTEVENS, Pierre RYCKMANS, Alain THOTE
- 47 844 mots
- 37 médias
...entrent dans une période très féconde grâce aux multiples effets tirés de l' entrelacs. Cet ornement apparu vers le ix e siècle pourrait émaner du décor des laques au rendu plus fluide. Aussi différente que soit leur expression, les arts du bronze et du laque se font alors écho. De plus, ils bénéficient,... -
CORÉE - Arts
- Écrit par Laurence DENÈS, Arnauld LE BRUSQ, Madeleine PAUL-DAVID
- 10 014 mots
- 4 médias
L'art de l'époque de Koryŏ est essentiellement aristocratique et les ateliers du palais abritent de nombreux artisans. Les textes japonais contemporains ont vanté la beauté de leurs laques incrustés de motifs en nacre : fleurs ou paysage de rivière où évoluent des canards mandarins sous les saules... -
COROMANDEL LAQUES DITS DE
- Écrit par Daisy LION-GOLDSCHMIDT
- 275 mots
- Afficher les 13 références