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LANCEUR D'ALERTE

L'encadrement de la liberté d'expression du lanceur d'alerte

Loin d'être conçu comme un substitut au manque de transparence démocratique, le lancement d'alerte est largement encadré, l'alerte au public par voie de presse restant l'exception. Le Conseil de l'Europe indique à cet égard qu'il est nécessaire que les individus fassent état de leurs préoccupations auprès des personnes les plus proches du problème et les mieux placées pour y remédier. Cette approche échelonnée du lancement d'alerte implique qu'un employé souhaitant divulguer des informations doit s’adresser en premier lieu à ses supérieurs, ou à une autre autorité compétente, avant d'envisager de s'adresser au public par voie de presse. Ce choix marque la spécificité du whistleblowing qui, au Royaume-Uni comme aux États-Unis, s’est construit comme un mécanisme de responsabilité démocratique, visant à alerter prioritairement une personne susceptible de mettre fin aux agissements dénoncés. Comme le rappelle le professeur Olivier Leclerc, l'alerte a pour principale caractéristique d'appeler une réponse rapide, ce qui justifie que la liberté d'expression du lanceur d'alerte soit drastiquement encadrée : l’alerte doit être adressée à une personne capable de remédier dans les meilleurs délais à la situation dénoncée. On comprend ce qui différencie la liberté d'expression du lanceur d'alerte d'autres modes d'expression – ce qui n’exclut d’ailleurs pas que l'alerte puisse avoir pour objet principal de contribuer au débat démocratique.

Cette réticence envers l'alerte au public s'explique également par le souci de la préservation des droits d'autres personnes physiques ou morales. Lorsqu’un lanceur d’alerte dénonce des faits, son action est en effet susceptible de porter atteinte à l’honneur de personnes visées directement ou indirectement par la dénonciation. Cette tension est d'autant plus forte que l’alerte expose le lanceur lui-même au risque de voir sa responsabilité civile ou pénale engagée pour diffamation ou dénonciation calomnieuse.

Protéger ou rémunérer les lanceurs d'alerte

L'écrasante majorité des législations qui protègent les lanceurs d'alerte choisissent de leur promettre une protection contre d’éventuelles mesures de représailles. Dans ce modèle, dominant en Europe, les lanceurs d'alerte sont protégés contre diverses formes de représailles, directes ou indirectes (licenciement, harcèlement, poursuites disciplinaires ou pénales). Certaines législations, telles que le Public Interest Disclosure Act britannique, garantissent une réelle immunité au lanceur d'alerte de bonne foi, en le protégeant non seulement contre les mesures de rétorsion internes à l'organisation pour laquelle il travaille, mais également contre les poursuites pénales ou civiles pour diffamation – les « procès baillons ».

Dans ces systèmes de protection, les lanceurs d'alerte sont également libérés de leurs obligations de réserve ou des clauses de confidentialité qui les lient à leurs entreprises ou à l'administration. C’est un cas où l'intérêt général prime les intérêts des employeurs. Toutefois, la protection dont bénéficient les lanceurs d'alerte est dans la plupart des cas incomplète. Nombre de mesures de représailles – atteintes aux biens et à la réputation, etc. – ne sont pas considérées par la majorité des législations encadrant le lancement d'alerte. En outre, la situation de certains tiers – fournisseurs, prestataires – n’est pas prise en compte, alors qu’ils peuvent avoir accès, au même titre que des salariés ou des fonctionnaires, à des informations sur des faits portant atteinte à l'intérêt général.

Le modèle dit des bountylaws est sensiblement[...]

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Pour citer cet article

Jean-Philippe FOEGLE. LANCEUR D'ALERTE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Protestation contre les écoutes de la N.S.A., Washington, 2013 - crédits : Jim Lo Scalzo/ EPA

Protestation contre les écoutes de la N.S.A., Washington, 2013

Manifestants antinucléaires brandissant le portrait de Karen Silkwood, 1978 - crédits : Wally McNamee/ Corbis Historical/ Getty Images

Manifestants antinucléaires brandissant le portrait de Karen Silkwood, 1978

Autres références

  • FRANCE - L'année politique 2016

    • Écrit par Nicolas TENZER
    • 4 170 mots
    • 4 médias
    ...selon lesquelles il ne saurait être prolongé indéfiniment, et une loi organique renforçant la compétence du Défenseur des droits pour la protection des lanceurs d’alerte, parfois jugée insuffisante, a été adoptée. Le 21 juillet était aussi promulguée une loi renforçant les capacités d’action de l’État...
  • RESPONSABILITÉ SOCIALE DES SCIENTIFIQUES

    • Écrit par Jacques TESTART
    • 7 709 mots
    • 4 médias
    ...l'avant-poste du « progrès », les chercheurs en viennent parfois à dénoncer des risques négligés ou camouflés, en particulier pour la santé ou l'environnement. Ces « lanceurs d'alerte » sont presque toujours contrés par ceux qui estiment leurs intérêts ainsi menacés et utilisent alors tous les moyens pour faire...

Voir aussi