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MOSER KOLOMAN (1868-1918)

Des fresques manquées au retour à la peinture de chevalet

Dans sa tentative pour lier peinture et architecture, Koloman Moser connaît deux échecs : celui de la décoration de l'église du Steinhof édifiée par Otto Wagner (1904-1907), où seul son vitrail est réalisé, et celui de l'église Heiliger Geist (1907) où, en dépit du fait qu'il avait reçu le premier prix du concours ouvert à cette occasion, ses propositions n'aboutirent pas.

Le projet de décoration de l'église Heiliger Geist mérite une attention particulière. De 1907 à 1909, Moser conçoit une décoration habillant entièrement l'intérieur de l'édifice. Les murs auraient dû être recouverts de symboles religieux enserrés dans des motifs floraux, géométriques – croix divisées en carrés –, des spirales s'étageant en bandes verticales dans le prolongement des colonnes. Ces projets plusieurs fois corrigés ne sont finalement pas acceptés. Ils ont empêché Moser de participer au grand œuvre de Hoffmann et Klimt : l'édification et la décoration du Palais Stoclet, à Bruxelles.

Sont-ce ces échecs qui poussent Moser à renouer avec la peinture de chevalet ? Ou bien a-t-il le sentiment d'en avoir fini avec le caractère « appliqué » de la Sécession et de la Wiener Werkstätte ? Quoiqu'il en soit, son activité de peintre ne retiendra guère l'attention des critiques de son temps ni celle, par la suite, des historiens. Aujourd'hui encore, il est tenu pour un disciple d'Hodler. S'il prend effectivement appui sur l'œuvre de Hodler, c'est pour critiquer, en premier lieu, chez ce dernier, le parti pris de « parallélisme » des figures qui vise à donner au tableau un caractère monumental. Or Moser refuse de faire l'impasse sur la relation chromatique qui s'établit entre les figures. Dans Deux Jeunes Filles (1913-1915, Kunstmuseum, Bern) et Trois Femmes accroupies (1914, Museum moderner Kunst, Vienne), il refait, à sa manière, Le Sommeil, la toile majeure que Hodler réalisa en 1890, en lui donnant un rayonnement chromatique. Ses figures ne sont pas, comme celles d'Hodler, enfermées dans un état onirique individuel mais réunies dans une dimension vibratoire qui transcende leurs formes. Il est dans la même disposition d'esprit que lorsqu'il traitait le blanc de la feuille de papier comme source de son graphisme. Il s'interroge : « Au stéréoscope, les tons clairs semblent cerclés de jaune par rapport aux tons sombres, les sombres bordés par rapport aux clairs. Pourquoi ? » Il s'aide du Traité des couleurs (Farbenlehre, 1810) de Goethe. Mais les découvertes le débordent plus qu'il ne les maîtrise. Wotan et Brünnehilde (1914-1915), sous son pinceau, devient un hymne où domine la gamme des roses, avec pour complémentaire un bleu profond, abyssal. Le Voyageur (Wotan, 1918, Wien Museum, Vienne), inspiré également de la Tétralogie de Richard Wagner, voit une partie de sa musculature en mouvement cernée par des traits qui, dans la peinture médiévale, marquent aussi bien les drapés que les différentes parties du corps. Ici, ces accentuations, qui forment un réseau turquoise, ne soulignent pas seulement l'effort du marcheur tendu vers son but mais contrastent avec le rose terreux de la chair. Sa Vénus dans la grotte (1913, Leopold Museum, Vienne) dont il existe plusieurs versions, depuis celle traitée exclusivement avec des terres jusqu'à celle, ultime, où il multiplie les glacis pour faire affleurer en surface roses, bleus et verts nous donne à voir une naissance dont le corps de la déesse n'est que le lieu qui sert de prétexte à la transparence.

Entre les corps qui, chez Klimt, sont torturés par le désir d'assouvissement et ceux qui, dans l'œuvre de Hodler, sont le plus souvent séparés et aboutissent au hiératisme, les figures de Koloman Moser s'ouvrent comme des[...]

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Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Marc THIVOLET. MOSER KOLOMAN (1868-1918) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Coffret à bijoux des Wiener Werkstätte, K. Moser - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Coffret à bijoux des Wiener Werkstätte, K. Moser

<it>Les Princesses ensorcelées</it> - crédits :  Bridgeman Images

Les Princesses ensorcelées

Calendrier <it>Fromme</it>, K. Moser - crédits :  Bridgeman Images

Calendrier Fromme, K. Moser

Autres références

  • KLIMT GUSTAV (1862-1918)

    • Écrit par Yves KOBRY
    • 2 681 mots
    • 5 médias
    ...des Wiener Werkstätten (« Ateliers viennois »), qui prendra corps quelques années plus tard (1903) sous l'égide de Josef Hoffmann et de Koloman Moser, est déjà implicitement présente dans le projet sécessionniste. Dans l'esprit du mouvement Arts and Crafts développé en Angleterre par ...
  • SÉCESSION, mouvement artistique

    • Écrit par Yve-Alain BOIS
    • 1 234 mots
    • 3 médias

    Né tardivement par rapport à ses homologues européens, le style sécession, version autrichienne de l'Art nouveau, se cristallise autour d'une vingtaine d'artistes (J. Engelhart, J. Hoffmann, G. Klimt, M. Kurzweil, C. Moll, K. Moser, F. von Myrbach, J. Olbrich et A. Roller...

Voir aussi