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JUSTICE ROYALE

Le roi est la source de toute justice et c'est de sa fonction de justicier suprême qu'il tire ses pouvoirs. Cette notion est inséparable de la souveraineté dans les royautés occidentales. La main de justice, qui est une variante du sceptre, est remise au roi le jour de son sacre, et le souverain jure alors de faire respecter les lois. C'est aussi à sa personne que s'achève toute justice puisqu'il peut évoquer n'importe quel procès à l'intérieur des limites de son royaume. La fonction de juge suprême en tant que suzerain et en tant que roi a servi de base aux premiers Capétiens pour asseoir leur autorité et étendre leur pouvoir sur des vassaux plus riches et plus puissants qu'eux-mêmes. Le cas le plus célèbre est peut-être celui de Philippe Auguste, utilisant une procédure féodale, la commise, pour confisquer à son profit les fiefs de son vassal Jean sans Terre. Mais la justice n'est pas seulement un instrument de puissance, elle est aussi une mystique inséparable de la couronne, notamment pour Saint Louis qui écrit pour son fils, le futur Philippe III : « Cher fils, s'il t'advient de devenir roi, prends garde d'avoir les vertus d'un roi, c'est-à-dire d'être attaché à la justice avec une fidélité dont rien ne te puisse détourner. »

Ne pouvant exercer personnellement la justice sur toute l'étendue du royaume, le roi fut rapidement obligé de la déléguer ; ses agents directs, prévôts, baillis, intendants, reçurent tour à tour une délégation de justice en même temps que d'autres pouvoirs. Lorsque la Curia regis dut se diviser, c'est le Parlement qui reçut cette délégation avec le titre de Cour souveraine. Le roi pourtant n'abandonne pas ses droits : jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, il garde la justice retenue en vertu de laquelle il peut arbitrer, trancher en dernier ressort. Toute une série de procédures sont alors prévues (placets, requêtes, oppositions ou sollicitations), qui permettent aux sujets, qu'il s'agisse de groupements ou de particuliers, d'en appeler directement à leur souverain pour demander la révision d'un arrêt de n'importe quel tribunal ou l'annulation d'une décision, même si elle émane du Conseil royal. Pouvoir extraordinaire que celui de la justice retenue, qui permet au roi de grâcier un condamné, mais aussi de réunir à tout moment une juridiction spéciale, de suspendre ou d'éteindre une procédure par lettre patente, d'émettre des lettres de cachet. L'exercice de la justice retenue paraissait normal et même bienfaisant aux Français habitués à concevoir la royauté comme agissant sous l'inspiration divine. Ce n'est qu'au xviiie siècle, sous l'influence de la rationalisation des Lumières, qu'il fut de plus en plus considéré comme un privilège exorbitant dont les lettres de cachet constituaient le symbole détesté.

— Solange MARIN

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Pour citer cet article

Solange MARIN. JUSTICE ROYALE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • ANTIQUITÉ - Le droit antique

    • Écrit par
    • 12 008 mots
    • 1 média
    ...l'offenseur. Avec la monarchie s'instaure une justice d'État, et les textes insistent sur l'obligation pour le roi d'assurer une justice équitable. La justice royale est en fait le plus souvent déléguée à une cour composée de lévites et de juges. Elle a une compétence civile, criminelle et religieuse....
  • APPEL COMME D'ABUS

    • Écrit par
    • 693 mots

    Voie tendant à la cassation ou à l'annulation d'une décision abusive d'une juridiction sortant du domaine de sa compétence, l'appel comme d'abus est un procédé de droit employé par la royauté dans sa lutte pour assurer la suprématie du pouvoir juridictionnel, à l'encontre des juridictions ecclésiastiques,...

  • BANC DU ROI

    • Écrit par
    • 352 mots

    Cour de justice anglaise. À l'origine, à la fin du xiie siècle, section judiciaire du Conseil du roi. Au début du xiiie siècle, le Banc du roi (King's Bench) devient l'une des trois hautes cours royales, avec celles de l'Échiquier et des plaids communs, et reçoit dans...

  • CAS PRIVILÉGIÉS, histoire du droit

    • Écrit par
    • 544 mots

    Affaires judiciaires concernant des membres de l'Église et réservées aux juridictions royales. Celles-ci s'étaient, durant le haut Moyen Âge et pour enlever aux juridictions ecclésiastiques tout monopole de justice, donné trois procédés leur donnant préséance en matière judiciaire : la saisie du temporel,...

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