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KOSUTH JOSEPH (1945- )

La nature de l'art

La première œuvre importante de Joseph Kosuth, One and Three Chairs (1965), illustre parfaitement cette démarche : une chaise est placée devant un mur, à côté d'elle une photographie de cette même chaise est placée au sol, enfin un photostat de la définition du mot « chaise » est accroché au mur. Cette œuvre est typique de la première manière de Joseph Kosuth, période qui va de 1965 à 1975 et pendant laquelle il s'est consacré aux prémices de son travail.

Cependant, l'œuvre n'est ni le support matériel particulier à partir duquel sont émises des évaluations plus générales ni la référence dernière du jugement esthétique. S'il n'a pas recours à une réalisation matérielle extérieure, l'art doit donc puiser en lui-même sa propre définition, ce qui suppose qu'il possède a priori un réseau de propositions grâce auxquelles on peut poser la question de la « nature de l'art ». Pour qu'une telle recherche puisse être menée, il faut disposer d'outils conceptuels issus du langage qui soient hors de toute relation avec l'expérience sensible, indépendants d'une aisthésis à travers un objet : l'art n'est plus un art d'objets et de réalisations matérielles, il devient son propre objet. La logique qui consistera à présenter une œuvre d'art comme une proposition prenant place parmi d'autres œuvres, donc parmi d'autres propositions, conduira Kosuth à affirmer que celles-ci ne parlent de rien d'autre que de l'art : l'œuvre comme proposition n'est qu'une définition de l'art. Les œuvres seront donc considérées comme des « propositions analytiques », c'est-à-dire que leurs propres formulations de départ sont autosuffisantes, ce qui leur confère un statut tautologique. Cette notion de tautologie, empruntée à la logique – centrale pour la « philosophie analytique » et notamment pour Wittgenstein –, sera un outil conceptuel essentiel pour Kosuth, puisque le langage devient à la fois l'agent et le résultat en permettant de concevoir l'art comme une idée qui se comprend et s'appréhende elle-même : en émettant une idée ou une formulation sur l'art, l'œuvre permet de concevoir l'art comme une idée de l'idée. D'où la célèbre formule de Kosuth qui deviendra désormais le titre générique de tous ses travaux : « Art as Idea as Idea ».

En s'interrogeant avec Wittgenstein sur les conditions de possibilité du langage et sur les structures minimales permettant son fonctionnement et sa signification, Joseph Kosuth ne se contenta pas de la simple transposition de cette problématique dans le monde de l'art, même s'il essaya de comprendre quelles étaient les structures minimales qui faisaient d'une « idée » une œuvre d'art.

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Écrit par

  • : professeur en esthétique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art

Classification

Pour citer cet article

Jacinto LAGEIRA. KOSUTH JOSEPH (1945- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DÉMATÉRIALISATION DE L'ŒUVRE D'ART

    • Écrit par Florence de MÈREDIEU
    • 1 630 mots
    ...diminuer l'importance de la chose à regarder ». Pour les tenants ou les proches de l'art conceptuel et du mouvement Art&Language, c'est l'idée qui compte. Joseph Kosuth (né en 1945) travaille sur les relations que les concepts entretiennent avec les objets, juxtaposant par exemple, avec One and Three Chairs...
  • DESSIN CONTEMPORAIN

    • Écrit par Philippe PIGUET
    • 2 084 mots
    • 1 média
    Il en va de même pour l'usage du néon qui permet à certains artistes de constituer aussi bien des phrases que des textes – ainsi de Joseph Kosuth, pionnier de l'art conceptuel, qui a multiplié ce genre de sentences tautologiques –, voire des compositions plus ou moins abstraites qui prennent place...
  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - Les arts plastiques

    • Écrit par François BRUNET, Éric de CHASSEY, Universalis, Erik VERHAGEN
    • 13 464 mots
    • 22 médias
    L'art conceptuel a pour ambition principale de « définir » l'art, selonJoseph Kosuth. Pour reprendre la formule de Sol LeWitt, « c'est l'idée ou le concept qui compte le plus » dans l'élaboration de l'œuvre, les hypothétiques réalisations au sens visuel, tangible et matériel du terme étant secondaires,...
  • LESS IS LESS, MORE IS MORE, THAT'S ALL (exposition)

    • Écrit par Bénédicte RAMADE
    • 1 091 mots

    C'est à la toute fin des années 1960 que la ville bourgeoise et policée de Bordeaux a enfanté Présence Panchounette, un des collectifs artistiques les plus décapants de cette période. Son « noyau dur », formé de Michel Ferrière (1950), Jean-Yves Gros (1947) et Frédéric Roux (1947), a commencé en semant...

Voir aussi