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LESS IS LESS, MORE IS MORE, THAT'S ALL (exposition)

C'est à la toute fin des années 1960 que la ville bourgeoise et policée de Bordeaux a enfanté Présence Panchounette, un des collectifs artistiques les plus décapants de cette période. Son « noyau dur », formé de Michel Ferrière (1950), Jean-Yves Gros (1947) et Frédéric Roux (1947), a commencé en semant des tracts et en peignant des inscriptions assassines sur les murs de la ville. « Le manifeste panchounette ne comporte que des premières phrases, les seules qui comptent, les seules que l'on retienne », écrivent-ils en 1969. Les trois jeunes gens se fédèrent sous le nom d'Internationale Panchounette, bientôt rejoints par Christian Baillet (1952), Pierre Cocrelle (1958), Didier Dumay (1950) et Jacques Soulillou (1951). En 1971, l'Internationale devient Présence Panchounette et ira jusqu'à se faire enregistrer au Journal officiel en 1972, avec pour raison sociale d' « encourager les Arts, la Culture et les Loisirs ». Jusqu'en 1990, date de son autodissolution, le collectif va semer la zizanie dans l'art. Mais jamais, depuis lors, une exposition n'avait permis de mesurer l'outrecuidance dévastatrice de ses propositions plastiques.

Le Centre d'art plastique contemporain (CAPC) a invité les membres du groupe à réfléchir à une rétrospective (14 juin - 31 août 2008) qui ne serait pas un enterrement de première classe. Le premier écart du collectif fut son choix de ne pas exposer dans l'enceinte de la prestigieuse institution bordelaise. Il lui a préféré quatorze lieux situés dans le centre de Bordeaux, qui ont accueilli cette rétrospective en forme de puzzle, comme le petit local qui vit leurs débuts avec la première utilisation du papier peint à motif brique. Cette œuvre confronte la prédilection pour la tautologie que l'artiste conceptuel américain Joseph Kosuth manifeste par exemple dans ThreeChairs (1965) – une chaise, une photographie de l'objet et sa définition issue du dictionnaire  – à l'élégie au mauvais goût populaire qui préfère la copie à l'original – le formica au bois. Le parcours ne s'est permis aucune facilité chronologique ou thématique, préférant alterner reconstitutions (Expressions d'Afrique réalisé au Centre régional d'art contemporain de Labège en 1986, mixage d'art africain revu et corrigé par le collectif) et exercice d'exposition avec la gigantesque « foire à la brocante » organisée dans l'ancienne église Saint-Rémi. Dans ce capharnaüm saturé d'œuvres et de becquets jouant le rôle de cartels, l'absolue liberté de Présence Panchounette vis-à-vis des conventions muséales, des critères de bon et de mauvais goût, et même de la glorification du don artistique, a atteint un sommet d'iconoclasme. Quant au cyclomoteur plaqué à l'or fin, Le Vrai classique du vide parfait, qui célèbre en 1989 les vingt ans du collectif, il trônait majestueusement dans le hall de la Caisse d'Épargne de Mériadeck.

Qu'il prenne forme d'un nain géant (DwarfDwarf II, 1989) dans la cour municipale ou d'un tapis de pneus sous les lambris du musée des Arts décoratifs, l'esprit de Présence Panchounette est resté étonnamment vivace. En avance sur leur temps, ses membres ont su trouver dans la culture vernaculaire un terrain de jeu totalement à contre-courant du minimalisme ambiant des années 1970 et de la peinture lyrique des années 1980. Dénoncer « l'arbitraire d'un jugement esthétique qui excluait certains objets de son champ d'intérêt », s'attaquer au métissage des valeurs et des repères, prendre le contre-pied de l'art ambiant dans un déplacement permanent des frontières, tel fut le dessein de ce « collectif d'assimilés-artistes », parfaitement exprimé par cette rétrospective. Et afin de montrer que le chapitre n'était pas clos pour ceux qui ont pratiqué l'art de l’appropriation cultivé[...]

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Écrit par

  • : critique d'art, historienne de l'art spécialisée en art écologique américain

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Pour citer cet article

Bénédicte RAMADE. LESS IS LESS, MORE IS MORE, THAT'S ALL (exposition) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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