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MONNET JEAN (1888-1979)

Jean Monnet, 1947 - crédits : Bert Hardy/ Getty Images

Jean Monnet, 1947

Jean Monnet, que l'on a pu justement qualifier de « père de l'Europe », est né le 9 novembre 1888 à Cognac (Charente) et mort le 16 mars 1979 à Bazoches-sur-Guyonne (Yvelines), au terme d'une longue existence, extraordinairement variée mais toujours orientée vers la recherche des moyens propres à rassembler les hommes et à les amener à parler un langage commun. Formé très tôt au commerce international – il a à peine vingt ans quand il débute comme négociant à l'étranger pour le compte de sa famille, propriétaire d'une entreprise de cognac – Jean Monnet est un fin connaisseur du monde anglo-saxon, dont il partage l'esprit pragmatique.

Une méthode d’action

Il n'était ni un intellectuel, ni un technocrate, ni un politicien, mais avant tout un homme d'action qui réfléchissait sur son action et avait très tôt élaboré une « méthode ». Durant la Première Guerre mondiale, membre de la mission commerciale française de Londres, il avait été frappé par l'incohérence de la politique des Alliés dans le domaine du ravitaillement. Il suggéra la mise en commun du tonnage maritime, raréfié par la guerre sous-marine, et la coordination des achats. Des comités exécutifs furent formés, composés non de diplomates représentant strictement les intérêts nationaux, mais d'experts ayant une large liberté d'action.

Cette expérience fut décisive dans la conception que Jean Monnet se fit de la coopération internationale ou interne. Au système traditionnel de marchandages et de compromis il cherchera toujours à substituer l'action concertée en vue d'une solution globale. Prise de conscience des solidarités et recherche de l'efficacité seront ses préoccupations essentielles. Il se trouva affermi dans ses convictions par son passage à la Société des Nations dont il fut, encore très jeune, secrétaire général adjoint. Il y réussit le sauvetage financier de l'Autriche grâce à la concertation des grandes puissances, mais constata rapidement que les pays membres, tenus de défendre des points de vue nationaux, ne pouvaient prendre une vision d'ensemble des problèmes, donc trouver des solutions valables. Il se tourna à nouveau alors vers les affaires, en entreprenant une carrière dans la banque aux États-Unis.

La Seconde Guerre mondiale donna à Jean Monnet une nouvelle occasion d'appliquer sa méthode de mise en commun des ressources. Les gouvernements français et anglais le nommèrent président du comité de coordination de l'effort de guerre allié. Après l'armistice de juin 1940, il resta en Angleterre et participa au bureau de guerre anglo-américain. Churchill l'envoya aux États-Unis où il fut l'un des initiateurs du Victory Program qui allait mettre l'immense potentiel industriel américain au service des armées alliées. John Maynard Keynes a pu écrire qu'ainsi Jean Monnet avait abrégé la Seconde Guerre mondiale d'une année. Après la guerre, Jean Monnet devint commissaire général au plan français de modernisation et d'équipement. Il mit en œuvre sa méthode : réunir chefs d'entreprises, techniciens, syndicalistes, fonctionnaires ; leur faire prendre conscience des problèmes communs et définir ainsi un programme accepté par tous. Le plan Monnet permit la reconstitution des industries de base et l'utilisation rationnelle de l'aide américaine.

Pour l'Europe, Jean Monnet était depuis longtemps convaincu qu'il fallait l'organiser, l'unifier au moins sur le plan économique. À plusieurs reprises, il chercha à tirer parti des circonstances pour proposer aux gouvernements de prendre les initiatives nécessaires. À Londres, en juin 1940, il inspira à Winston Churchill l'éphémère projet d'Union franco-britannique, qui aurait comporté des organismes communs pour la défense, la politique étrangère,[...]

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Pour citer cet article

Pierre GERBET. MONNET JEAN (1888-1979) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Jean Monnet, 1947 - crédits : Bert Hardy/ Getty Images

Jean Monnet, 1947

Autres références

  • HIRSCH ÉTIENNE (1901-1994)

    • Écrit par Florence MURACCIOLE
    • 843 mots

    La France et l'Europe lui doivent beaucoup, mais elles le savent peu, tant Étienne Hirsch a traversé le siècle avec discrétion. Ce “grand commis”, pourtant, n'a guère manqué les rendez-vous de l'histoire, mais il répugnait à paraître. L'homme privé, aussi, savait cacher ses blessures : la mort en déportation...

  • LAMOUR PHILIPPE (1903-1992)

    • Écrit par Jacques PELISSIER
    • 906 mots

    Philippe Lamour naît le 12 février 1903 à Landrecies, dans le Nord, d'un père agriculteur et artisan brasseur. Après de brillantes études de droit, à Paris, il participe très jeune aux mouvements d'idées qui foisonnent dans les domaines des lettres, de la musique, du cinéma, de l'architecture....

  • SCHUMAN ROBERT (1886-1963)

    • Écrit par André KASPI
    • 435 mots
    • 1 média

    Il fut l'un des principaux hommes d'État dans la France de l'après-guerre. Né de parents lorrains établis à Luxembourg, après des études dans les facultés de droit allemandes, il entreprit, au lendemain de la Grande Guerre, une carrière politique en France et se vit élire député de la Moselle dès...

  • UNION EUROPÉENNE - Histoire de l'

    • Écrit par Laurent WARLOUZET
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    ...allemands, avant qu’il ne soit obligé de céder aux pressions des États-Unis et aux impératifs de la guerre froide. La vision du commissaire général au Plan Jean Monnet était plus fédéraliste et économique : chargé de la coopération économique entre la France et les alliés anglo-saxons pendant les deux guerres...

Voir aussi