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CHARCOT JEAN-MARTIN (1825-1893)

Le crépuscule

La gloire de Charcot se ternit à la fin de sa carrière pour de multiples raisons. Les démonstrations de femmes rendues hystériques lors des leçons du mardi suscitèrent des critiques et des moqueries, y compris de la part de certains élèves dénonçant une forme de théâtre mondain où étaient conviés écrivains et intellectuels. Le film Augustine d’Alice Winocour (2012) atteste de la gêne persistante concernant les pratiques de Charcot quant à l’hystérie. Notons aussi que les vivisections de Claude Bernard attiraient également des célébrités se piquant de s’intéresser à la nouvelle science de la fin du xixe siècle. Néanmoins, Charcot se rendit finalement compte que son approche de l’hystérie par la neurologie et l’hypnose le décrédibilisait. Il en vint alors, un peu tard, à imaginer une signification purement psychologique de l’hystérie, comme dans le cas de l’hystérie masculine chez des soldats traumatisés. L’analyse de liens psychiques directs mis en évidence dans le cas des traumatismes place alors Charcot âgé, lecteur et ami du psychologue Théodule Ribot (1839-1916), proche de Pierre Janet et de son élève Sigmund Freud, dans le domaine de la psychologie et de la psychiatrie cliniques.

Charcot fut aussi vivement attaqué en raison de son anticléricalisme de gauche, entre autres par les écrits célèbres de Léon Daudet, et notamment lors de sa candidature à l’Académie des sciences et même longtemps après sa disparition... Il fut également accusé par la presse de conflit d’intérêts pour une expertise médicale liée au scandale de Panamá. À ce jeu de contradictions, il fut glorifié un temps par ses élèves pour son école et ses travaux, et dénigré pour des raisons politiques et religieuses.

Le souvenir de Charcot s’effaça progressivement avant qu’il devienne un enjeu historique mondial dans l’histoire de la neurologie à partir de la seconde moitié du xxe siècle. Il fut en effet redécouvert dans une perspective historique dans les années 1950 par Jean Lhermitte (1877-1959) et Georges Guillain (1876-1961), puis à partir des années 1980 par Christopher G. Goetz, Toby Gelfand, Mark S. Micale, Alain Lellouch, Michel Bonduelle, Jacques Gasser ou encore Peter K. Köhler. Jean-Martin Charcot est dès lors célébré dans le monde comme le principal fondateur de la neurologie en France, et ses importantes archives personnelles sont source de nombreux travaux. Les analyses historiques dévoilent plusieurs figures de Charcot selon les époques et les milieux de réception de son œuvre. Si la quête d’un « vrai Charcot » reste utopique, les spécialistes développent la critique historique et épistémologique de son œuvre.

— Jean-Gaël BARBARA

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Jean-Gaël BARBARA. CHARCOT JEAN-MARTIN (1825-1893) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Charcot - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Charcot

<em>Une leçon clinique à la Salpêtrière</em>, A. Brouillet - crédits : Photo 12/ Universal Images Group/ Getty Images

Une leçon clinique à la Salpêtrière, A. Brouillet

<em>La Salle des folles</em><em> à la Salpêtrière</em>, D. Vierge - crédits : © Photothèque de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris/ BnF

La Salle des folles à la Salpêtrière, D. Vierge

Autres références

  • J. M. CHARCOT ENSEIGNE LA NEUROLOGIE À LA SALPÊTRIÈRE

    • Écrit par Bruno HALIOUA
    • 187 mots
    • 1 média

    Ayant été nommé, en 1862, à l'hôpital parisien de la Salpêtrière, où il devait rester de longues années, Jean Martin Charcot y ouvrit, en 1882, ce qui allait devenir la plus grande clinique neurologique d'Europe.

    Étudiant l'atrophie musculaire, Charcot avait identifié (1865) la...

  • AUTOMATE

    • Écrit par Jean-Claude BEAUNE, André DOYON, Lucien LIAIGRE
    • 6 648 mots
    • 2 médias
    En 1888, à l'hôpital de la Salpêtrière, l'automate gagne une nouvelle métamorphose. Présentant des vagabonds à ses « leçons du mardi », Charcot crée pour eux le terme d'automate ambulatoire. Cette maladie mentale se définit comme « une impulsion à partir et aller devant soi, dans un état...
  • FREUD SIGMUND (1856-1939)

    • Écrit par Jacques LE RIDER, Marthe ROBERT
    • 16 152 mots
    • 3 médias
    ...Freud n'eut pas tout d'abord à renier les principes méthodologiques qui inspiraient jusque-là sa démarche intellectuelle ; au contraire, l'enseignement de Charcot, auquel il devait en grande partie sa conversion, l'avait fortifié dans cette certitude que l'observation, fût-elle appliquée aux faits cliniques...
  • HYPNOSE

    • Écrit par Léon CHERTOK
    • 3 487 mots
    • 2 médias
    ...ville, qui commença lui-même à expérimenter dans ce domaine et fonda avec Liébeault l'École de Nancy (1884). Face à cette école de tendance psychologique J.-M. Charcot et son École de la Salpêtrière, d'inspiration physiologique, défendaient une théorie somatique de l'hypnose en insistant sur la présence...
  • HYSTÉRIE (histoire du concept)

    • Écrit par Thérèse LEMPÉRIÈRE
    • 7 609 mots
    • 1 média
    ...(Pinel, Carter, Feuchtersleben), un autre courant de recherches et d'idées va se développer parallèlement, celui du magnétisme. Là aussi s'affrontent un courant organiciste (qui soutient la théorie fluidique de Mesmer et qui aura son plein épanouissement avec Charcot et l'école de la Salpêtrière) et un...
  • Afficher les 10 références

Voir aussi