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JAURÈS JEAN (1859-1914)

Jean Jaurès - crédits : Manuel/ Hulton Archive/ Getty Images

Jean Jaurès

Le réveil des études jaurésiennes a mis en évidence, après une longue période vouée surtout à l'hagiographie, parfois même à l'oubli, l'importance exceptionnelle du fondateur de L'Humanité. Au portrait du vieux socialiste barbu, aux échos de son éloquence chaleureuse, plus ou moins démodée, se substituent peu à peu de nouvelles images. Si l'on s'est mépris sur le personnage, cela tient essentiellement à deux raisons : d'une part, la dualité de la tradition politique issue de Jaurès – tradition social-démocrate, tradition communiste – a longtemps transformé en champ clos l'histoire de sa vie et le sens de son message ; d'autre part, son œuvre écrite, immense, mais fragmentaire, reste dispersée, si bien que son action militante est connue plutôt par la légende que par de solides études. Une fin tragique fait peser sur la vie de Jaurès l'incertitude et l'ambiguïté. Mieux vaut tenter de donner une idée des multiples aspects de la personnalité d'un homme que Barrès admirait, que Péguy aima en sa jeunesse. L'assassinat de Jaurès se heurta d'abord à l'incrédulité, puis à la certitude que, lui mort, la lutte contre la guerre perdait son sens.

Formation d'un militant

Jaurès est né à Castres dans le Tarn, aux confins du Massif central et du Midi languedocien. Le département est essentiellement rural, comme presque tout le sud-ouest de la France : une majorité de petits paysans y vivent, soumis en fait à quelques familles royalistes ou bonapartistes – les Reille, les de Solages. Dans les villes, une moyenne bourgeoisie, généralement catholique et peu portée au socialisme, à laquelle appartiennent les grands-parents de Jaurès, fournit les cadres de la société : il y a même des amiraux dans sa famille. Initié à la langue occitane et à la vie des champs, brillant élève, il échappe bientôt à la condition paysanne et provinciale, sans jamais se dégager vraiment du Midi : il sera professeur à Albi, puis à la faculté des lettres de Toulouse et représentera à la Chambre le département du Tarn.

L'évolution d'un intellectuel

Boursier, il est reçu premier à l'Ecole normale supérieure en 1878 et passe l'agrégation de philosophie en 1881. Sa culture, essentiellement littéraire et classique, l'apparente à ses condisciples : beaucoup resteront ses amis jusqu'à sa mort. La vie politique exerce sur lui un attrait irrésistible : dans les années 1880, il admire Gambetta et Ferry. En 1885, le « canard » se jette à l'eau et entre à la Chambre comme député centre gauche du Tarn. Mais le milieu parlementaire, médiocre, sans idéal, sans perspective, le déprime, l'éloigne de tout désir de se commettre avec la bourgeoisie pour faire carrière. Battu aux élections de 1889, il se consacre pendant trois ans à la rédaction de ses thèses de philosophie. La préparation de sa thèse secondaire, en latin (De primis socialismi germanici lineamentis apud Lutherum, Kant, Fichte et Hegel), sur les origines du socialisme allemand, l'amène à lire Hegel, Fichte, les socialistes prémarxistes, à aborder Lassalle et Marx. Il médite longuement, sans encore s'engager. Sa thèse principale sur « la réalité du monde sensible », apparemment sans relation avec la vie publique, en constitue en fait, pour une grande part, le substrat philosophique : la politique sera aussi pour lui la médiation de la métaphysique dans le monde.

La découverte du prolétariat

Le prolétariat n'est guère présent à Castres. En 1885, sa première campagne électorale conduit Jaurès à Carmaux, ville de verriers et de mineurs récemment venus de la campagne et soumis au bon vouloir du marquis de Solages qui administre la mine et représente la ville au Parlement. En 1892, Jaurès comprend la signification de la lutte des classes en défendant les mineurs en [...]

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Pour citer cet article

Madeleine REBÉRIOUX. JAURÈS JEAN (1859-1914) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Jean Jaurès - crédits : Manuel/ Hulton Archive/ Getty Images

Jean Jaurès

Autres références

  • COLONIALISME & ANTICOLONIALISME

    • Écrit par Jean BRUHAT
    • 6 503 mots
    • 2 médias
    .... Mais, dans la pratique politique, il y a beaucoup de fluctuations. Un socialiste allemand comme Edouard Bernstein justifie l'expansion coloniale. La position de Jaurès a très sensiblement évolué. Il considère d'abord comme un fait que « tous les peuples sont engagés dans la politique coloniale »....
  • DREYFUS (AFFAIRE)

    • Écrit par Vincent DUCLERT
    • 4 892 mots
    • 3 médias
    ...des gauches aux élections de 1902 rendirent possible une relance de l'événement. La troisième affaire Dreyfus éclata véritablement en avril 1903, lorsque Jean Jaurès exposa devant les députés le devoir moral et politique de faire toute la lumière et de parvenir à la réhabilitation du capitaine Dreyfus....
  • GUERRE MONDIALE (PREMIÈRE)

    • Écrit par Marc FERRO
    • 12 473 mots
    • 51 médias
    ...guerres [...], les trusts et les cartels étaient intéressés au maintien de la paix [...], comme la crise du Maroc, en 1911, en avait porté témoignage. En 1913, le Français Jean Jaurès et l'Allemand R. Hasse affirmaient : « La plus grande garantie pour le maintien de la paix repose dans les investissements...
  • MARXISME - Les révisions du marxisme

    • Écrit par Pierre BOURETZ, Evelyne PISIER
    • 3 663 mots
    • 1 média
    ...Kautsky illustre bien ce que sera le contenu d'un révisionnisme assimilé au socialisme démocratique, avec toutes ses ambiguïtés. De même, en France, Jean Jaurès et plus tard Léon Blum, figures emblématiques du révisionnisme social-démocrate, en resteront marqués chacun à sa manière. Ainsi Jaurès,...
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Voir aussi