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KEROUAC JACK (1922-1969)

Naissance de la Beat Generation

En 1951-1952, dans le sillage du livre, Kerouac écrit un long texte expérimental, qui ne sera publié intégralement que vingt ans plus tard, en 1972 : Visions of Cody. Cody, c'est toujours Neal Cassady, aimé « comme un frère, comme un amant ». Kerouac, seul à New York, imagine son enfance dans l'Ouest désolé, avant de s'installer à San Francisco avec Neal et sa femme Carolyn. Des nuits durant, ils improvisent un « rap » avant la lettre, que Kerouac enregistre au magnétophone, puis retranscrit et « jazze » jusqu'aux franges du langage, là où commence le babil de l'inconscient, là où il part et parle en lambeaux. On pense au Finnegans Wake de Joyce, ou encore à un paysage américain qui serait passé de Hopper à Pollock et ses fresques allover (avec Sur la route), avant d'approcher quelque chose qui ressemble au pop art (en particulier Rauschenberg).

En octobre 1955, à San Francisco, Kerouac assiste, passablement ivre, à la lecture de Howl par Allen Ginsberg. En juin 1956, il est guetteur de feux à Desolation Peak, dans le Nord-Ouest. Publiés en 1958, Les Clochards célestes feront la chronique de ces années. Au printemps 1957, il rejoint par bateau, à Tanger, l'« internationale beat » partie rendre visite à Burroughs. L'été de 1957 est celui d'un voyage mémorable vers l'Ouest : trois jours en bus Greyhound, en compagnie de « Mémère », « le personnage le plus important de cette histoire » et de tout un capharnaüm de vieille femme qui ne jette rien (Les Anges vagabonds, 1965). Sur la route paraît enfin, en 1957 : la Beat Generation devient un phénomène médiatique qui fait la une de Life. Jack en est le héros. Il est interviewé, souvent ivre, à la télévision. Il enregistre ses Mexico City Blues (1959) accompagné d'Al Cohn et de Zoot Simms, ses saxos ténors favoris. Mais il supporte mal la surexposition qui menace de le transformer en « phénomène de foire ».

En 1960, il part à Big Sur, en Californie, dans le bungalow prêté par le poète Gary Snyder : dans un des plus beaux paysages de la côte Ouest, ce sont trois semaines de « terreur », à la lisière du delirium tremens (Big Sur, 1961). Jack Kerouac est en train de « craquer », à la manière de F. S. Fitzgerald. Il y a encore, en 1965, la pathétique équipée à Paris, puis en Bretagne, à la recherche de ses « ancêtres » (Satori in Paris, 1966). Kerouac vit en Floride, avec sa mère et sa troisième femme, sœur aînée d'un ami de son adolescence à Lowell. Il se replie dans une solitude bougonne, entrecoupée d'éclats et de scandales. Il meurt, d'une hémorragie variqueuse de l'œsophage, le 21 octobre 1969, deux mois après le grand rassemblement hippie de Woodstock, où d'autres que lui verront la floraison de ce que, vingt ans plus tôt, il avait semé. Du trio, c'est désormais Allen Ginsberg qui est à l'avant-scène. Puis, dans les années 1980, viendra le tour de William Burroughs. Avant que, dans les années 1990, alors que les biographies se multiplient, la « génération X » redécouvre Jack Kerouac, son ancêtre.

— Pierre-Yves PÉTILLON

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Écrit par

  • : professeur de littérature américaine à l'université de Paris IV-Sorbonne et à l'École normale supérieure

Classification

Pour citer cet article

Pierre-Yves PÉTILLON. KEROUAC JACK (1922-1969) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Jack Kerouac - crédits : Bettman/ Getty Images

Jack Kerouac

Autres références

  • BEAT GENERATION

    • Écrit par Pierre-Yves PÉTILLON
    • 2 982 mots
    • 2 médias

    Le 24 octobre 1969, on enterrait au cimetière catholique de Lowell, morne petite ville industrielle du Massachusetts, le corps de Jack Kerouac, mort d'une hémorragie abdominale à l'âge de quarante-sept ans. Depuis quelque temps, il n'était plus que l'ombre de lui-même, revenu, auprès de sa « Mémère...

  • BURROUGHS WILLIAM (1914-1997)

    • Écrit par Gérard-Georges LEMAIRE
    • 1 918 mots
    • 1 média
    ...dans une société de dératisation qu'il évoque plus tard dans Exterminator ! (1973). En 1944, Burroughs fait la connaissance d' Allen Ginsberg et de Jack Kerouac. C'est l'époque où se constitue le cercle d'écrivains qui va devenir célèbre sous le nom de Beat Generation. Le meurtre...
  • CASSADY CAROLYN (1923-2013)

    • Écrit par Karen SPARKS
    • 271 mots

    Ex-femme de Neal Cassady, figure tutélaire de la beat generation, Carolyn Cassady relata son expérience du mouvement beat des années 1950 et 1960 et son mariage (1948-1963) peu conventionnel avec l’inspirateur du groupe.

    Carolyn Elizabeth Robinson naît le 28 avril 1923, à Lansing (Michigan). Elle...

  • QUÉBEC - Littérature

    • Écrit par Universalis, Jean-Louis JOUBERT, Antony SORON
    • 11 165 mots
    • 9 médias
    ...dessine l’itinéraire de Jack Waterman à la recherche de son frère Théo comme un hommage tout à la fois aux Indiens d’Amérique massacrés et au roman de Jack Kerouac, On the Road (1957). Moins autocentré sur un espace géographique de référence, le roman québécois s’autorise à dériver loin de son Ithaque...

Voir aussi