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INSTITUT DE FRANCE

« La France, seule, a un Institut où tous les efforts de l'esprit humain sont comme liés en un faisceau, où le poète, le philosophe, l'historien, le critique, le mathématicien, le physicien, l'astronome, le naturaliste, l'économiste, le juriste, le sculpteur, le peintre, le musicien, peuvent s'appeler confrère. » Ces propos qu'Ernest Renan tenait en 1867 résument bien le projet qui avait amené les Conventionnels à créer en 1795 l'Institut, alors qualifié de « national ».

En effet, cette institution unique réunit et fédère cinq Académies : l'Académie française, l'Académie des inscriptions et belles-lettres, l'Académie des sciences, l'Académie des beaux-arts et l'Académie des sciences morales et politiques. L'Institut de France est à la fois l'administrateur du palais où siègent les Académies, le gestionnaire du patrimoine commun et l'organisateur du lien entre ces cinq corps, tout en exerçant une mission de mécénat à travers ses propres fondations.

En deux siècles d'existence, la perception de cette institution est devenue très ambivalente. Critiqués, parfois moqués, jalousés, l'Institut de France et les Académies qui le constituent sont en même temps admirés, courtisés et convoités. Pionniers efficaces dans certains domaines et gardiens légitimes de la tradition pour les uns, archaïques et inutiles pour les autres, ils suscitent aujourd'hui des sentiments fortement contrastés. Toutes ces contradictions ne s'expliquent qu'à travers une histoire de la vie intellectuelle française et de cette institution, qui illustre le fait que l'Institut a toujours été de son temps.

Origines et histoire

<it>Triple Portrait de Richelieu</it>, P. de Champaigne - crédits : National Gallery, London, UK/ Bridgeman Images

Triple Portrait de Richelieu, P. de Champaigne

L'Institut de France est né le 25 octobre 1795, mais seule sa généalogie royale permet de comprendre ses origines révolutionnaires. La première des Académies royales est due à la volonté du cardinal de Richelieu, qui, conscient de l'importance des écrivains dans le gouvernement de l'opinion et lui-même non dépourvu d'ambitions littéraires, accorda son patronage à un petit groupe de littérateurs qui avaient pris l'initiative de se réunir régulièrement : l'Académie française fut ainsi créée le 26 janvier 1635 par lettres patentes de Louis XIII. Cette assemblée de quarante membres devait servir le pays et son souverain, en préparant un dictionnaire, une rhétorique, une poétique et une grammaire. Elle devait aussi célébrer les victoires du roi. Richelieu mettait donc la langue française au centre de cette construction centralisée et unitaire de l'État moderne français, dont il allait être un des principaux artisans. C'est à la fin du xviie siècle qu'elle atteignit un sommet, au moment où les Modernes l'emportèrent sur les Anciens, puis un autre, au milieu du xviiie siècle, quand le parti des Lumières s'imposa.

En 1663, Colbert fonda l'Académie des inscriptions. Chargée au départ des inscriptions sur les monuments publics, elle devint un « temple de l'érudition » qui favorisa la naissance de nombreuses disciplines, axées sur le passé (numismatique, archéologie, épigraphie, études médiévales...) mais aussi sur l'orientalisme.

L'Académie des sciences créée en décembre 1666, également sous l'égide de Colbert, était le fruit d'une nouvelle sociabilité savante et d'une volonté de l'État d'assurer un patronage plus constant que le bon vouloir des mécènes sur des activités dont les conséquences pour la richesse du pays devenaient toujours plus évidentes.

Quant à la naissance des Académies artistiques (de peinture et de sculpture en 1648, de musique en 1669, d'architecture en 1671), elle témoignait aussi bien de la volonté d'émancipation et de reconnaissance des artistes que de celle des souverains de s'assurer le[...]

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Écrit par

  • : directeur du Centre français de recherche en sciences sociales, Prague

Classification

Pour citer cet article

Antoine MARÈS. INSTITUT DE FRANCE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Triple Portrait de Richelieu</it>, P. de Champaigne - crédits : National Gallery, London, UK/ Bridgeman Images

Triple Portrait de Richelieu, P. de Champaigne

Tombeau de Mazarin, A. Coysevox - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Tombeau de Mazarin, A. Coysevox

Autres références

  • DAUNOU PIERRE CLAUDE FRANÇOIS (1761-1840)

    • Écrit par Bernard PLONGERON
    • 972 mots

    Ancien oratorien français qui marqua, par une grande activité d'érudit et d'homme politique, la période révolutionnaire et le début du xixe siècle. Né à Boulogne-sur-mer d'un père d'origine agenaise, chirurgien de l'Amirauté, et d'une mère issue d'une famille d'apothicaires boulonnais,...

  • ENSEIGNEMENT DE L'ART

    • Écrit par Annie VERGER
    • 16 115 mots
    ...dans le champ artistique, en matérialisant le système des relations entre les différents pôles de la légitimation par une répartition spatiale : c'est l'Institut – à la place de l'Académie dissoute – qui est chargé d'organiser la Quatrième Classe, à partir de 1803 ; celle-ci doit s'occuper de la formation...
  • FONDATION DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES

    • Écrit par Simone MAZAURIC
    • 1 563 mots
    ...paraît lui porter un coup fatal : en 1793, un décret de la Convention supprime toutes les « académies des rois ». Toutefois, dès 1795, le Directoire crée l’Institut de France, qui reconstitue presque à l’identique l’ancien dispositif académique et regroupe cinq académies, dont l’Académie des sciences. Cependant,...
  • FRANCE (Histoire et institutions) - Formation territoriale

    • Écrit par Yves DURAND
    • 12 902 mots
    • 7 médias
    ...français, et l'on multiplie les « petites écoles » bilingues. À Paris, le testament de Mazarin avait fondé le collège des Quatre Nations (aujourd'hui l' Institut de France), pour des boursiers originaires des provinces qu'il avait gagnées à la France (Pignerol, Alsace, Flandre, Artois et Hainaut, Roussillon),...

Voir aussi