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HÉMOPHILIE

L' hémophilie est une affection hémorragique héréditaire due à la diminution ou à l'absence d'un facteur de coagulation dit facteur antihémophilique. L'existence de facteurs antihémophiliques A et B permet de distinguer deux formes différentes d'hémophilies : l'hémophilie A et l'hémophilie B, la première étant la plus fréquente. Bien que rare, cette affection pose de nombreux problèmes du fait de la gravité du syndrome hémorragique. Certes, aujourd'hui l'hémophilie met rarement la vie en danger, mais la localisation des hémorragies et, en particulier, les hémarthroses risquent trop souvent de transformer le malade en infirme et en inadapté social.

La description, autour des années 1970, de formes modérées de l'hémophilie a posé le problème des méthodes biologiques sensibles nécessaires pour permettre leur diagnostic. Dans le même temps, d'importants progrès thérapeutiques ont été réalisés par la préparation de fractions plasmatiques concentrées contenant l'un ou l'autre des facteurs antihémophiliques, ce qui permet de corriger le trouble de la coagulation par le biais d'un traitement substitutif. Malheureusement, cette thérapeutique transfusionnelle a été, dans plusieurs pays dont la France, à l'origine de la contamination, dans les années 1980, d'un grand nombre d'hémophiles par des virus, ceux des hépatites (B et C) et celui du déficit immunitaire humain (VIH).

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Une utilisation plus précoce des produits chauffés aurait permis de limiter la contamination par le virus VIH. À la suite de ce drame, des progrès considérables ont été réalisés dans la purification et la réduction du risque viral des produits ; aujourd'hui, les produits sont de « très haute pureté » ou « ultrapurs », à risque viral nul vis-à-vis du virus VIH et des virus des hépatites B et C.

Histoire de l'hémophilie

L'hémophilie n'a été acceptée comme entité clinique qu'à partir du xixe siècle. Cependant, cette diathèse hémorragique congénitale et familiale était déjà connue depuis longtemps puisque, dès le iie siècle avant J.-C., le Talmud de Babylone dispensait du rite de la circoncision le troisième d'une fratrie dont les deux frères aînés étaient morts d'hémorragies après circoncision.

La première description de cette affection dans la littérature médicale est due à J. C. Otto (1803). L'auteur évoquait déjà la transmission génétique, qui fut précisée par C. F. Nasse en 1820, et le nom d'hémophilie fut attribué à la maladie par F. Hopff en 1828. Toutefois, ce n'est réellement qu'en 1911 que W. Bulloch et P. Fildes, revoyant les données, souvent confuses, accumulées sur l'hémophilie, en définissent les principaux critères : tendance au saignement excessif depuis l'enfance, existence d'autres cas identiques dans une même famille ; transmission par des femmes apparemment normales, et allongement du temps de coagulation. L'insuffisance des connaissances sur le mécanisme de l'hémostase a, pendant longtemps, conduit à confondre sous le nom d'« hémophilie » toute diathèse hémorragique caractérisée par un trouble de la coagulation in vitro.

La anomalies biochimiques de la coagulation sanguine

Les étapes ultérieures dans l'individualisation de l'hémophilie sont parallèles au progrès de la physiologie de la coagulation. En 1937, A. J. Patek et F. H. Taylor proposent de nommer « globuline antihémophilique » le facteur de coagulation absent ou diminué dans le plasma des hémophiles. Entre 1947 et 1953, différents auteurs (A. Pavlosky, I. Schulman et C. H. Smith, J. C. F. Poole) montrèrent qu'il existait une correction mutuelle entre le sang de deux hémophiles différents ; ils postulèrent de ce fait l'existence de deux types d'hémophilies difficiles à classer, car leurs manifestations cliniques et leur transmission génétique sont identiques dans les deux cas. La mise en évidence et l'étude des caractères de deux protéines plasmatiques permirent en 1954 au Comité international de nomenclature de définir les deux groupes d'hémophilies : hémophilie A liée à un déficit en facteur VIII (facteur antihémophilique A) et hémophilie B due à un déficit en facteur IX (facteur antihémophilique B).

Les mécanismes héréditaires de la transmission de la maladie

Parallèlement, la transmission héréditaire de la maladie fut éclaircie grâce à l'étude des généalogies des familles d'hémophiles et grâce à la découverte d'une affection identique chez le chien, qui a permis de réaliser des croisements multiples.

Le clonage du gène du facteur IX par Choo et ses collaborateurs en 1982 et celui du facteur VIII par Gitschier et ses collaborateurs en 1984 ont permis, d'une part, la détection des conductrices et le diagnostic anténatal par analyse génotypique de l'ADN du chromosome X et, d'autre part, la synthèse du facteur VIII par génie génétique (facteur VIII recombinant).

Hérédité familiale : la descendance de la reine Victoria - crédits : Encyclopædia Universalis France

Hérédité familiale : la descendance de la reine Victoria

L'hémophilie se transmet selon un mode récessif lié au sexe, c'est-à-dire que, le gène anormal étant situé sur le chromosome X-, elle ne s'exprime que chez les sujets de sexe masculin, alors que les femmes « conductrices » transmettent la maladie mais sont cliniquement indemnes. Les études généalogiques ont fait apparaître, par exemple, dans la descendance de la reine Victoria d'Angleterre que la tare peut se transmettre par les femmes pendant plusieurs générations. L'hémophilie féminine reste exceptionnelle ; une femme hémophile, homozygote pour la tare, proviendrait en effet de l'union, très rare, statistiquement parlant, d'un homme hémophile avec une femme conductrice.

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L'hémophilie peut apparaître sporadique, soit parce que l'ignorance des antécédents familiaux ne permet pas de la déceler, parfois du fait du petit nombre de descendants mâles dans une famille, soit parce qu'il y a une néomutation au niveau des gamètes des grands-parents maternels ou de la mère de l'enfant hémophile. Les néomutations sont évaluées à 30 p. 100 des cas environ.

Apports de la biologie moléculaire

L'apport des méthodes de biologie moléculaire a été considérable, permettant l'analyse des défauts géniques – responsables de l'hémophilie A et de l'hémophilie B – et la détection des conductrices. Des mutations ou des délétions ont été identifiées au niveau des gènes du facteur VIII et du facteur IX par amplification génique, électrophorèse en gradient de gel dénaturant et séquençage. Le gène du facteur VIII est situé dans la partie la plus terminale du bras long du chromosome X et comprend 186 kilobases ; l'ARNm mesure 9 kilobases et code pour une protéine de 2 351 acides aminés. Le gène du facteur IX est situé dans la région distale du bras long du chromosome X et s'étend sur 34 kilobases ; la partie codante est constituée de 1 248 paires de bases codant pour 415 acides aminés.

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Écrit par

  • : docteur en médecine, docteur ès sciences, directeur adjoint du Centre de transfusion d'Angers
  • : professeur à l'université de Paris-XI, chef du service d'hématologie à l'hôpital Antoine-Béclère, directeur de l'unité 143 de l'I.N.S.E.R.M.

Classification

Média

Hérédité familiale : la descendance de la reine Victoria - crédits : Encyclopædia Universalis France

Hérédité familiale : la descendance de la reine Victoria

Autres références

  • HÉMORRAGIES

    • Écrit par et
    • 4 291 mots
    • 4 médias
    L' hémophilie représente le type des syndromes hémorragiques constitutionnels par défaut congénital d'un facteur de coagulation. Tare récessive liée au sexe, elle frappe les sujets masculins et se transmet par les femmes qui sont cliniquement indemnes. Biologiquement, on distingue deux types d'hémophilie...
  • TRANSFUSION SANGUINE

    • Écrit par
    • 2 452 mots
    ...prothrombique et facteur IX), préparé pour la première fois en France sous le nom de P.P.S.B. Les concentrés de facteur VIII sont utilisés pour le traitement de l' hémophilie A (85 p. 100 des hémophilies). Ces concentrés sont de plus en plus purifiés, et, depuis peu, on dispose de facteur VIII recombinant. Le P.P.S.B....

Voir aussi