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BETHE HANS (1906-2005)

Le physicien nucléaire américain Hans Bethe, qui a mené la plus grande part de ses recherches à l'université Cornell (État de New York), a été l’un des derniers acteurs de la révolution quantique qui a transformé profondément la physique fondamentale pendant les premières décennies du xxe siècle.

Né le 2 juillet 1906 à Strasbourg, dans une Alsace alors allemande, Hans Albrecht Bethe fait ses études universitaires à l'université de Francfort puis à celle de Munich. Sa thèse de doctorat (1928), élaborée sous la direction d'Arnold Sommerfeld (1868-1951), aborde l'étude théorique de la diffraction des électrons par les solides cristallins dans le cadre de la nouvelle mécanique quantique. Après avoir travaillé avec Enrico Fermi (1901-1954), Bethe est nommé professeur à l'université de Tübingen. Chassé de son poste par les lois racistes nazies – ses grands-parents maternels sont juifs –, il rejoint l'Angleterre en 1933 où il enseigne quelques semestres à Manchester puis à Bristol. Sa recherche s'oriente alors vers la physique nucléaire et il développe avec Rudolf Peierls (1907-1995) le premier modèle décrivant de façon cohérente le deutéron, noyau formé d'un proton et d'un neutron, qui vient d'être découvert – c'est cet élément qui, associé à l'oxygène, forme l'« eau lourde » dont l'usage se répandra dans l'industrie nucléaire. Bethe s'installe aux États-Unis en février 1935 et poursuit ses recherches à l'université Cornell, qui l'accueille chaleureusement. C'est alors qu'il écrit ses articles les plus influents, fondant l'astrophysique nucléaire, nouveau domaine scientifique, à la frontière de l'astronomie et de la physique microscopique. Il développe en particulier un modèle cohérent des processus nucléaires dans les étoiles : le « cycle de Bethe » (ou cycle carbone-azote) est une série de six réactions nucléaires successives qui explique la production d'énergie et le destin des étoiles les plus massives. Il étudie également en détail le cycle proton-proton, plus adapté au Soleil, et montre qu'aucun autre cycle n'est possible. Ce sont ces travaux qui lui vaudront le prix Nobel de physique en 1967.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Bethe, qui a adopté la citoyenneté américaine en 1941, travaille d'abord au Massachusetts Institute of Technology au développement des radars, puis est nommé en 1943 directeur de la division théorique du projet Manhattan à Los Alamos (Nouveau Mexique). Ses travaux sur les ondes de choc, avec Edward Teller (1908-2003), seront déterminants pour l'achèvement du programme de conception et de construction des premières bombes atomiques. Le physicien assiste à la première explosion d'un de ces engins, le 16 juillet 1945, lors d'un essai dans le désert du Nouveau-Mexique.

Il reprend ses recherches théoriques à Cornell dès la fin de la guerre ; en 1947, son étude du calcul quantique des niveaux d'énergie atomiques contribue de façon essentielle à l'élaboration de l'électrodynamique quantique, dont l'expression sera achevée peu après par Richard Feynman (1918-1988), Julian Schwinger (1918-1994) et Shin'ichirō Tomonaga (1906-1979). Avec Edwin Salpeter (1924-2008), Bethe invente en 1951 une méthode qui permet pour la première fois dans le cadre quantique de décrire un état lié de particules relativistes (équation de Bethe-Salpeter).

Sans exprimer de regret quant à son rôle dans l'élaboration de la bombe atomique, qu'il considérait comme le « meilleur moyen d'empêcher Hitler de répandre la terreur dans le monde entier », Bethe a adopté dès 1946 une ferme position contre les armements nucléaires. En désaccord avec les positions ultraconservatrices d'Edward Teller, principal artisan de la conception de la bombe H,[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

Classification

Pour citer cet article

Bernard PIRE. BETHE HANS (1906-2005) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ÉTOILES

    • Écrit par André BOISCHOT, Jean-Pierre CHIÈZE
    • 13 456 mots
    • 8 médias
    ...d'une certaine masse de matière en énergie, suivant la loi d'Einstein W = mc2, mais le processus de cette transformation était ignoré. C'est Hans Bethe qui montra, en 1939, que la source principale d'énergie, pour la majorité des étoiles, était due à la réaction transformant quatre atomes...
  • FEYNMAN RICHARD PHILLIPS (1918-1988)

    • Écrit par Alain LAVERNE
    • 2 180 mots
    • 3 médias
    ...participe, à Shelter Island, en juin 1947, à l'une des rencontres de physiciens les plus importantes de l'après-guerre. Au retour de cette conférence, Bethe parvient à expliquer le « déplacement Lamb » entre les niveaux excités de l'atome d'hydrogène ; il s'agit là du premier calcul, encore...
  • NEUTRINOS

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 4 031 mots
    • 2 médias
    Dès 1939, Hans A. Bethe (1906-2005) avait énoncé sa théorie de la production de neutrinos dans le Soleil et les étoiles, qui lui vaudra le prix Nobel de physique en 1967. On a vu l’importance de l’observation des neutrinos solaires et on comprend comment celle des neutrinos atmosphériques nous renseigne...
  • NUCLÉOSYNTHÈSE

    • Écrit par Jean AUDOUZE
    • 5 418 mots
    • 6 médias
    ...de l'hydrogène sur lui-même ; par catalyse indirecte de l'hélium lui-même ; par les réactions du cycle carbone, azote, oxygène, découverts dès 1938 par Hans Bethe et Carl von Weizsäcker. Pour une étoile comme le Soleil, 60 p. 100 de l'énergie vient du premier cycle, 25 p. 100 du deuxième cycle et 15...

Voir aussi