HERBACÉS GROUPEMENTS

La notion même de plante herbacée est ambiguë : si le bananier est incontestablement une herbe géante par ses parties aériennes à faible longévité, peu lignifiées et issues de bourgeons au ras du sol, que dire des bambous, aux tiges sclérifiées mais sans vrai bois, ou des Lobelia géants des montagnes est-africaines ? Certaines plantes de très faible taille sont en revanche fortement lignifiées : pervenches, saules rampants, etc. ; ces plantes basses étant souvent étroitement associées aux herbes « vraies » dans des formations végétales parfaitement définies (landes, toundras), il est commode, et aussi justifié, de s'en tenir au critère de dimensions (moins de trois mètres, hauteur maximale de la majorité des herbes) et de rassembler les formations végétales herbacées et buissonnantes, c'est-à-dire non forestières.

Bien qu'elles offrent pour la plupart une extrême variété d'espèces, certaines familles riches en plantes sociales y acquièrent une importance particulière : Graminées, dans toutes les formations climaciques et beaucoup de peuplements anthropiques ; Éricacées, dans d'innombrables groupements à arbrisseaux, depuis la toundra jusqu'aux landes atlantiques ou d'altitude ; Chénopodiacées, sur tous les sols à concentration saline élevée. Elles imposent alors à chacune de ces formations un aspect, permanent ou saisonnier, caractéristique. C'est pourquoi on définit celles-ci à la fois par les types biologiques qu'elles renferment et par leur origine : climatique, édaphique, biotique (et notamment anthropique).

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Leur diversité est telle que leur simple mention suffirait à déborder les limites de cet article, ce qui nous conduira ainsi à étudier des exemples précis, ayant valeur générale, de formations non forestières climatiques : toundras et peuplements végétaux de hautes altitudes, prairies climatiques, steppes dont l'appauvrissement extrême conduit au désert ; édaphiques : végétation des sols salés (halophytes) ou inondés (hydrophytes) ; transitoires, enfin, représentant des paliers dans les séries évolutives progressives ou régressives entre le sol nu et la forêt ; dans ce dernier cas, l'homme a une part considérable, directement ou par ses animaux domestiques : les champs et les prairies, de fauche ou de pacage, sont l'expression la plus visible et souvent la plus heureuse de son action ; mais la friche et la lande apportent également le témoignage de l'action incessante de l'homme sur son milieu, et ce sont trop souvent des témoins à charge.

Les formations herbacées ou sous-ligneuses ne diffèrent pas seulement par leur flore, leur structure et leur écologie ; elles sont également caractérisées par leur biomasse et leur productivité (notamment primaire), valeurs qui expriment leur activité en tant qu'écosystèmes fixateurs et transformateurs de matière et d'énergie. Fondamentalement déterminées par les paramètres thermiques et hydriques, biomasse et productivité sont souvent secondairement influencées par les actions humaines (défrichements, utilisation d'engrais et d'herbicides, sélection de variétés à haut rendement dans les cultures...) : voir écosystèmes.

Types biologiques

Le milieu modèle les formes végétales par le jeu des transformations génétiques aléatoires rigoureusement sélectionnées par l'écologie. C.  Raunkiaer, en particulier, a regroupé ces formes en types biologiques dont chacun traduit un équilibre adaptatif avec les conditions de milieu.

Selon le degré décroissant de protection des bourgeons durant la saison défavorable (froide ou sèche), les plantes herbacées sont des cryptophytes ou des hémicryptophytes, plantes généralement vivaces qui développent à la belle saison des organes aériens caducs, et des thérophytes, végétaux annuels persistant sous forme de graine. Ce sont parfois aussi des chaméphytes (végétaux nains) caractérisés par leurs bourgeons dormant au-dessus du sol mais à faible distance ; leur port est érigé (thym vulgaire), prostré (serpolet) ou en coussinet, traduisant dans chaque cas un mode déterminé de résistance aux conditions extrêmes. Un exemple particulièrement remarquable de ces convergences morphologiques (et souvent anatomiques) est fourni par les touffes hémisphériques compactes d'Androsace (Primulacées : Alpes), Silene acaulis (Caryophyllacées : Alpes et Arctique), Azorella (Ombellifères : Andes et îles antarctiques), etc., des milieux froids et physiologiquement secs.

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Les cryptophytes (plantes cachées) supportent les conditions extrêmes sous formes d'organes végétatifs profondément enfouis dans le sol ( géophytes), dans la vase périodiquement exondée ( hélophytes) ou toujours recouverte d'eau ( hydrophytes). Les géophytes sont particulièrement adaptés à une période végétative courte, mais très favorable à la constitution rapide d'abondantes réserves dans leurs rhizomes (sceau-de-Salomon), leurs tubercules (Orchis), leurs bulbes (narcisse). Les hélophytes, dont les convergences morphologiques et biologiques se traduisent par leur port de roseau et leur croissance estivale, forment les peuplements de bords des eaux, des fleuves tropicaux aux mares arctiques. Les hydrophytes, d'une extrême variété contrairement aux précédents, depuis les Victoria regia aux feuilles géantes jusqu'à Wolffia arrhiza, minuscule lentille-d'eau (0,5 mm, le plus petit Spermaphyte connu), n'en présentent pas moins des structures étonnamment semblables : développement de l'appareil lacunaire, réduction des tissus lignifiés, reflets de leur physiologie originale.

Les thérophytes constituent surtout des peuplements ouverts sur sol sec (dunes, cultures).

Les hémicryptophytes (plantes à demi cachées) ont leurs bourgeons dormant au ras du sol, souvent entourés de feuilles protectrices actives ou sèches. Leur développement à la belle saison est rapide, grâce à l'utilisation de réserves contenues dans un appareil souterrain très développé, généralement un rhizome (iris), parfois une racine pivotante (pissenlit) ; les hémicryptophytes sont souvent vivaces, certains bisannuels (carotte).

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Les plantes sous-ligneuses sont des végétaux ligneux bas, classés dans les chaméphytes à feuillage persistant (Empetrum) ou non (myrtille), ou dans les nanophanérophytes (bruyères, saules buissonnants des hautes montagnes).

La proportion des divers types biologiques traduit très souvent le degré d'évolution d'un groupement au sein d'une série de végétation. Ainsi, quand la forêt reconquiert un champ abandonné, les annuelles adventices de cultures sont peu à peu éliminées par les hémicryptophytes bisannuels, puis vivaces (stade friche) ; dans la pelouse herbeuse ensuite constituée s'étendent les chaméphytes, puis des nanophanérophytes formant une fruticée basse, berceau de la forêt. Cette évolution, constante, se termine par un stade forestier stable (climax), sauf sous certains climats dont les caractères s'opposent à l'installation de la forêt.

Enfin, même sous climat forestier, il n'est pas rare d'observer des groupements herbacés, parfaitement permanents, à déterminisme édaphique.

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Groupements alpins - crédits : Encyclopædia Universalis France

Groupements alpins

Aires ombrothermiques - crédits : Encyclopædia Universalis France

Aires ombrothermiques

Variation de la végétation nord-américaine en fonction du sol - crédits : Encyclopædia Universalis France

Variation de la végétation nord-américaine en fonction du sol

Autres références

  • FORÊTS - La forêt, un milieu naturel riche et diversifié

    • Écrit par et
    • 8 184 mots
    • 16 médias
    – la strate sous-ligneuse et herbacée haute (Calluna, Pteris, Teucrium, scorodonia...) comporte des jeunes sujets ligneux ;
  • HALOPHYTES

    • Écrit par
    • 2 669 mots
    À la limite inférieure des basses mers se développent sur substrat sablo-vaseux les prairies de zostères. Lelong des littoraux envasés et soumis aux marées s'observent des auréoles de végétation. Ainsi, dans les régions tempérées, en allant de la limite des marées hautes de morte-eau à celle des...
  • HÊTRAIES

    • Écrit par
    • 2 495 mots
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    ...régulière, due en réalité à l'action du forestier, les arbustes sont rares ou absents, à l'exception parfois de quelques houx ou même de l'if, sempervirents. La strate herbacée, rare ou dispersée dans les hêtraies sèches (parfois presque nues), dense quand elle dispose de plus d'humidité édaphique ou atmosphérique,...
  • PLANTES

    • Écrit par et
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    • 11 médias
    Si les plantes sont majoritairement desherbacées, formées de tiges vertes et souples, certaines sont de petites plantes ligneuses (par exemple, des arbustes nains tels que le thym) à tiges brunes et cassantes du fait de la présence de liège en surface et de bois au cœur de l’organe. Ces tissus...

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