GRANDS LACS AFRICAINS
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Les gigantesques effondrements qui ont donné naissance aux fosses tectoniques de l' Afrique orientale sont à l'origine de la formation des grands lacs africains. La fosse orientale, passant, à l'est du lac Victoria, dans une zone climatique à saison sèche marquée, englobe quelques lacs et lagunes aux eaux saumâtres ou salées. Au contraire, la fosse occidentale, nommée aussi Grande Fosse de l'Est africain, abrite de vastes lacs d'eau douce, profondément enchâssés dans la montagne. Les eaux de pluie sont, ici, suffisamment abondantes pour que les lacs aient des émissaires : par le Bahr el Djebel, les eaux des lacs Victoria, Albert et Édouard vont au Nil et à la Méditerranée par la Lukuga, celles des lacs Tanganyika et Kivu se déversent dans le Congo et l'océan Atlantique, tandis que celles du lac Malawi (ancien lac Nyassa) rejoignent, par l'intermédiaire du Chiré, le Zambèze et l'océan Indien.
Les lacs de la fosse occidentale
Caractères physiques
Au sud, le lac Malawi s'allonge sur 580 kilomètres, tandis que sa largeur varie de 30 à 80 kilomètres , le plan d'eau, situé à l'altitude moyenne de 473 mètres, occupant une surface de 26 000 kilomètres carrés. Comme les grands fonds atteignent 706 mètres, le point le plus creux de la cuvette lacustre est donc à 233 mètres au-dessous du niveau moyen des mers.
Le bassin versant, étendu sur quelque 100 000 kilomètres carrés, dirige vers le lac 22,4 kilomètres cubes d'eau chaque année, ce qui représente l'apport d'une tranche de 1 112 millimètres. Les pluies ajoutent une tranche de 1 227 millimètres (52,4 p. 100 de l'alimentation).
L'évaporation prélève sur le lac, en une année, une tranche de 2 134 millimètres, ce qui représente 91,2 p. 100 des apports. Le solde est conduit vers le Zambèze par le Chiré (ou Shire). L'exutoire, dont le débit maximal atteint 240 mètres cubes/seconde, ne fonctionne pas, d'ailleurs, de manière constante : quand le niveau du lac est bas, à 1,50 mètre au-dessous de celui des hautes eaux, l'écoulement s'arrête, et il arrive même que le courant s'inverse, le Chiré conduisant vers le lac les eaux du Zambèze et des affluents supérieurs de ce dernier.
Le lac Tanganyika est le plus étendu des lacs situés dans la Grande Fosse de l'Est africain. Sa longueur atteint 670 kilomètres, sa largeur variant entre 22 et 72 kilomètres, ce qui donne au plan d'eau, dont l'altitude est de 773 mètres, une surface de 31 900 kilomètrescarrés. Il est, après le Baïkal, le lac le plus profond du globe avec une profondeur de 1 435 mètres.
Le bassin versant, qui draine près de 250 000 kilomètres carrés, déverse vers la cuvette 24 kilomètres cubesd'eau par an, soit une tranche de 703 millimètres (37 p. 100 de l'alimentation) ; les pluies fournissent une tranche de 1 204 millimètres (41 kilomètres cubes par an, ce qui correspond à 63 p. 100 de l'alimentation). Comme l'évaporation prélève chaque année une tranche de 1 800 millimètres (94,4 p. 100 des apports), les eaux captives, provenant d'un bassin riche en roches basiques, ont, bien que douces, une teneur en sels dissous non négligeable (598,4 mg/1).
Les variations saisonnières de la pluviométrie entraînent une oscillation régulière de la surface des eaux : leur niveau est au plus haut en avril-mai, au plus bas en novembre, la dénivellation entre les positions extrêmes atteignant 0,80 mètre. En outre, des déformations tectoniques encore actives ajoutent leur effet aux variations inter-annuelles de pluviosité pour engendrer une oscillation à longue période des eaux du lac. Bien qu'elle ait été esquissée à une époque plus ancienne que les autres, la fosse actuelle du Tanganyika est en effet la conséquence d'un des effondrements les plus récents que l'Afrique orientale ait connus. Il est probable que, jusqu'à une époque relativement proche, il n'y avait pas un lac unique, mais deux lacs que séparait un barrage rocheux situé à l'emplacement du détroit qui rapproche les rives du lac actuel au nord de la Lukuga. À cette époque, le lac méridional, dont le plan d'eau était plus élevé que celui du lac septentrional, se déversait seul par cette rivière. La rupture du barrage, intervenue dans un passé tout proche, entraîna l'abaissement du niveau des eaux du lac méridional, interrompant le fonctionnement de l'exutoire.
L'épanchement des eaux vers le Congo ne semble avoir repris qu'à une époque récente : lorsque Stanley découvrit la Lukuga, en 1876, il existait encore un barrage alluvial s'opposant au passage. L'obstacle ayant été rompu en 1878, le niveau du lac s'abaissa progressivement d'une dizaine de mètres jusqu'en 1894.
En dehors du lac Tanganyika, la fosse occidentale renferme un lac d'effondrement très profond : le lac Kivu, dont le point le plus creux est à 780 mètres de la surface du plan d'eau ; situé à 1 460 mètres d'altitude, sa superficie est de 2 650 kilomètres carrés. Le lac Édouard, étendu sur 2 150 kilomètres carrés, à 912 mètres d'altitude, et le lac Albert, couvrant, à 619 mètres au-dessus du niveau moyen des mers, 5 300 kilomètres carrés, ont des cuvettes moins déprimées : 111 mètres, au maximum, pour le premier, 48 mètres pour le second.
Il en est de même du lac Kyoga, lac résiduel, profond de 3 à 5 mètres seulement, qui occupe, comme le lac Victoria dont il est aujourd'hui séparé, l'intervalle compris entre les deux grandes fosses d'effondrement. Tout distingue le lac Victoria : sa surface, égale à 68 000 kilomètres carrés, sa forme arrondie (le lac mesure 320 kilomètres dans le sens nord-sud et 275 kilomètres dans le sens ouest-est), ses rives plates et sablonneuses, surtout aux deux extrémités méridiennes, sa faible profondeur, qui n'excède pas 82 mètres et se maintient, en moyenne, autour de 40 mètres. C'est que le lac Victoria occupe le fond d'une cuvette tectonique lentement subsidente, beaucoup plus semblable à la cuvette du Tchad ou du Congo qu'aux fosses étroites et encaissées du reste de l'Afrique orientale. De là, la présence, au long d'un littoral qui s'étend sur plus de 7 000 kilomètres, de nombreuses îles dont la surface cumulée dépasse 6 000 kilomètres carrés. Tandis qu'un paysage de savane règne sur la plus grande partie des rives, la forêt équatoriale, toujours verte, parvient jusqu'aux berges à l'extrémité nord-occidentale du lac.
Les tributaires, qui drainent un bassin de 200 000 kilomètres carrés, déversent chaque année dans la cuvette 16 kilomètres cubes d'eau, ce qui représente pour le lac l'apport d'une tranche de 237 millimètres. Les précipitations apportent une tranche supplémentaire de 1 453 millimètres, soit 99 kilomètres cubes par an et 86 p. 100 de l'alimentation. Les eaux du lac sont douces.
L'évaporation, responsable principal des variations de niveau des eaux, prélève, en année moyenne, une tranche de 1 374 millimètres, soit 93,5 kilomètres cubes et 81,6 p. 100 des apports. Le solde se déverse, par-dessus les chutes Ripon, dans le Nil victorien, dont le débit moyen est de 580 mètrescubes/seconde.
Ressources et activités
Bien qu'une grande partie des eaux de l'Afrique orientale aille à la mer, les communications du pays des lacs avec la côte restent malaisées. Si le Chiré et le Zambèze permettent l'établissement de relations faciles, par eau, entre le lac Malawi et l'océan Indien, la plupart des autres émissaires lacustres ne sont pas navigables. Ainsi, la Lukuga, qui conduit vers le Congo les eaux du lac Tanganyika, est inutilisable pour la navigation, tandis qu'au nord le Bahr el Djebel, qui sort du lac Albert, ne l'est que de façon discontinue ; quant aux lacs Édouard et Kyoga, ils sont inaccessibles par eau. Aussi a-t-il fallu avoir recours à la voie ferrée pour relier à la côte les nappes lacustres.
Ces dernières forment, au cœur de l'Afrique orientale, des voies navigables de premier ordre, malheureusement fort médiocrement reliées les unes aux autres. À eux six, les grands lacs de la fosse occidentale et le lac Victoria forment une nappe d'eau de près de 150 000 kilomètres carrés de superficie, sur laquelle naviguent les bâtiments de fort tonnage. Le plus vaste, le lac Victoria, est une véritable mer intérieure qui se classe, parmi les lacs d'eau douce, au deuxième rang dans le monde pour son étendue. Outre les services qu'elles rendent à la navigation, les eaux des lacs jouent un grand rôle dans la vie des habitants, par l'influence qu'elles exercent sur le climat et les possibilités qu'elles offrent à l'organisation de genres de vie fondés sur l'exploitation de leurs ressources. Le contraste est saisissant qui oppose ces régions privilégiées aux rives désertiques des nappes d'eau saumâtres occupant les points les plus creux de la fosse orientale.
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Écrit par
- Pierre CARRIÈRE : agrégé de géographie, docteur d'État ès lettres
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