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TUTSI GÉNOCIDE DES

La RTLM ou l'état-major de la parole

Fondée en avril 1993, cette première radio privée dont les émissions ont débuté en juillet 1993, appartient à la société RTLM SA, dont les actionnaires sont en majorité des officiers, des hommes politiques et des commerçants hutu du nord. La RTLM n'a pas été le seul média compromis dans le génocide. Si elle a été particulièrement dénoncée, c'est non seulement à cause de ses appels au meurtre et du pouvoir de pénétration de toutes émissions de radio dans les esprits d'une société dominée par l'oralité, mais surtout parce qu'à la différence de la presse extrémiste, elle a fonctionné sans discontinuer pendant les trois mois qu'a duré le génocide. L'analyse du contenu de la presse rwandaise, notamment de l'hebdomadaire Kangura, montre bien que la RTLM a mis en ondes un discours et une propagande bien rodés. Dès le début, la fonction qu'elle s'assigne est de relayer en amplifiant le travail accompli jusque-là par le journal Kangura dans l'intérêt des Bahutu contre la Radio des rebelles, radio Muhabura. Dès le soir du 6 avril 1994, cette fonction se précise. De l'analyse du contenu de ses émissions, il ressort que son rôle consistait à susciter, à organiser la chasse à l'homme.

Aussitôt après sa formation, le 8 avril 1994, le gouvernement intérimaire rwandais quitte la capitale et s'installe dans la ville voisine de Gitarama, le berceau de la République. À partir de cette petite ville située à environ 40 kilomètres à l'ouest de Kigali, le GIR gouverne, effectue des visites dans les différentes régions du pays à la rencontre des autorités locales et des populations, envoie des émissaires à l'étranger pour plaider sa cause, solliciter un appui diplomatique, demander de l'aide et acheter des armes. Dans la capitale Kigali, lieu habituel d'exercice du pouvoir, c'est la RTLM qui occupe le haut du pavé et exerce heure par heure, jour après jour, de semaine en semaine le ministère de la Communication politique. Elle rappelle aux paysans qu'ils ont une mission cruciale dans la défense de la paix contre un « ennemi » qui s'est faufilé partout dans le pays. Elle exhorte à la vigilance et indique les lieux où sont cachés les Tutsi. Dès que les massacres sont commis, elle se fait un devoir de les justifier. Ainsi, le 20 mai 1994, l'animatrice vedette de la RTLM, Valérie Bemeriki, justifie le massacre des Tutsi qui s'étaient réfugiés dans l'église de Kibeho, au sud-ouest du Rwanda, comme un acte de légitime défense.

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Pour citer cet article

Marcel KABANDA. TUTSI GÉNOCIDE DES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Génocide au Rwanda - crédits : Scott Peterson/ Liaison/ Getty Images

Génocide au Rwanda

Autres références

  • UNE SAISON DE MACHETTES (J. Hatzfeld)

    • Écrit par Mona CHOLLET
    • 988 mots

    « Nous connaissons mieux les victimes, nous les avons écoutées, alors qu'il ne nous reste presque rien des bourreaux, constatait un jour l'écrivain biélorusse Svetlana Alexievitch. Ils ont dissimulé et laissé sous scellés dans leurs archives secrètes l'expérience la plus importante du siècle passé. »...

  • AUDOIN-ROUZEAU STÉPHANE (1955- )

    • Écrit par Paula COSSART
    • 922 mots
    • 1 média
    À partir de la fin des années 2000, Stéphane Audoin-Rouzeau dirige un séminaire de recherche sur les pratiques et les imaginaires du génocide des Tutsi perpétré par les Hutu au Rwanda en 1994. Y sont privilégiées les études de terrain, celles qui placent la focale sur les pratiques, les gestuelles...
  • DANS LE NU DE LA VIE. RÉCITS DES MARAIS RWANDAIS (J. Hatzfeld)

    • Écrit par Mona CHOLLET
    • 995 mots

    « En 1994, entre le lundi 11 avril à 11 heures et le samedi 14 mai à 14 heures, environ 50 000 Tutsi, sur une population d'environ 59 000, ont été massacrés à la machette, tous les jours de la semaine, de 9 h 30 à 16 heures, par des miliciens et voisins hutu, sur les collines...

  • DES FORGES ALISON (1942-2009)

    • Écrit par Catherine CHOQUET
    • 943 mots

    Née le 20 août 1942 à Schenectady, dans l'État de New York, Alison Bowe Des Forges, née Liebhafsky, a disparu le 12 février 2009. Cette historienne, spécialiste de la région des Grands Lacs, était une femme extraordinaire, au sens littéral du mot, une personnalité hors du commun, d'une rare intelligence...

  • FRANCE - L'année politique 2021

    • Écrit par Nicolas TENZER
    • 6 168 mots
    • 5 médias
    À la suite du rapport de la commission présidée par l’historien Vincent Duclert, le chef de l’État se rend à Kigali le 27 mai pour reconnaître la « responsabilité accablante » de la France dans le génocide rwandais, tout en se refusant à employer le terme de « complicité ».
  • Afficher les 8 références

Voir aussi