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ESPIONNAGE FILM D'

Sans rompre entièrement avec l'énigme classique chère aux lecteurs d'Edgar Wallace, de Stanley Gardner, de Francis Iles ou de Boileau-Narcejac, la littérature d'espionnage s'est développée en marge du roman policier dont Van Dine avait fixé les règles en 1928. Sans doute l'espionnage est-il ancien et se retrouve-t-il à toutes les époques (ne citons que le réseau royaliste du comte d'Antraigues, sous la Révolution, ou Schulmeister, l'espion de Napoléon, et rappelons qu'on parla beaucoup d'espionnage avant la Première Guerre mondiale, notamment lors de l'affaire Dreyfus), mais ce sont de grands romanciers comme Joseph Conrad ou Graham Greene, plus que les écrivains populaires William Lequeux, Marcel Allain, Léon Groc ou Jean de La Hire, qui lui ont donné ses lettres de noblesse littéraire.

Le cinéma découvre l'espionnage à travers des personnages historiques (Mata Hari avec Greta Garbo, 1932 ; Mademoiselle Docteur, de Pabst, 1937 ; Marthe Richard de Raymond Bernard, 1937 ; il faut aussi mentionner X 27, de Sternberg, 1931, avec Marlène Dietrich) ; les scénaristes adaptent des romans à succès, de John Buchan (Les Trente-Neuf Marches[The Thirty-Nine Steps], de Hitchcock, 1935), Pierre Nord (Double Crime sur la ligne Maginot, de Gandera, 1937) ou Jean Bommart (La Bataille silencieuse, de P. Billon, 1937). Aux États-Unis, les films à épisodes d'English et Witney et les séries policières consacrées à Sherlock Holmes, à Ellery Queen, à Charlie Chan, au Saint, à M. Moto, au Loup solitaire ou à Bulldog Drummond introduisent dans leurs scénarios des espions, généralement allemands. L'entrée en guerre de l'Amérique déclenche une vague de films antinazis parmi lesquels on peut citer : Voyage au pays de la peur (Journey into Fear, 1942), de Norman Foster et Orson Welles, Espions sur la Tamise (Ministry of Fear, 1944), de Fritz Lang, et Les Enchaînés (Notorious, 1946), de Hitchcock. La guerre froide qui, après l'écrasement du fascisme, oppose les deux grands vainqueurs, U.R.S.S. et États-Unis, provoque en Amérique une série de films sur l'espionnage soviétique. Le Rideau de fer (The Iron Curtain, 1948), de Wellman, donne le signal ; suivent Les espions s'amusent (Jet Pilot, 1951), de Sternberg, Courrier diplomatique (Diplomatic Courier, 1952), de Hathaway, Le Port de la drogue (Pick up on South Street, 1953), de Fuller, et de nombreuses œuvres de Sturges, Siegel, Rouse, Neuman, Allen, Rowland, Marton, Neilson. Dans le même temps, la chasse aux sorcières écarte des studios Losey, Endfield et Rossen. La tradition antiallemande se perpétue d'ailleurs, du mélodrame (L'Espionne des Ardennes[Armored Command], 1961, de Byron Haskin ; En pays ennemi[In Enemy Country], 1968, de Keller) à la comédie (Darling Lili, 1969, de Blake Edwards), en passant par l'histoire (L'Affaire Cicéron[Five Fingers], 1952, de Mankiewicz). Le western à son tour découvre l'espionnage : La Mission du commandant Lex (Springfield Rifle, 1952), d'André de Toth.

<it>Bons Baisers de Russie</it>, de Terence Young - crédits : United Artists Corporation/ Collection privée

Bons Baisers de Russie, de Terence Young

Vers 1960, le récit d'espionnage connaît un renouvellement complet avec l'apparition de deux auteurs radicalement opposés, qui vont créer de nouveaux embranchements de la mythologie. Ian Fleming invente le personnage de James Bond et introduit le gadget dans l'espionnage. John Le Carré, lui, dénonce le faux romantisme de l'agent double dans L'Espion qui venait du froid, publié en 1963 ; loin d'être un superman comme James Bond, Leamas n'est qu'un pion que manœuvrent les gouvernements. Les adaptations cinématographiques de Fleming et de Le Carré connaissent un énorme succès : James Bond contre docteur No (1962), Bons Baisers de Russie (From Russia with Love, 1963), de Terence Young ; L'Espion qui venait du froid (The Spy who Came in from the Cold, 1965), de Martin Ritt. Leur[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Pour citer cet article

Jean TULARD. ESPIONNAGE FILM D' [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Bons Baisers de Russie</it>, de Terence Young - crédits : United Artists Corporation/ Collection privée

Bons Baisers de Russie, de Terence Young

Autres références

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Cinéma

    • Écrit par N.T. BINH
    • 3 446 mots
    • 4 médias
    ...révélé, dès les années 1920, le talent de Hitchcock, alors considéré comme le meilleur cinéaste de son pays jusqu'à son départ pour Hollywood, en 1940. Les deux décennies suivantes vont voir se déployer le talent de Carol Reed, qui n'a pas son pareil pour mêler à ses intrigues criminelles les angoisses...
  • CAINE MICHAEL (1933- )

    • Écrit par Universalis
    • 710 mots

    De son vrai nom Maurice Joseph Micklewhite, Jr., Michael Caine est né le 14 mars 1933 à Londres. Le film The Caine Mutiny (Ouragan sur le Caine), sorti en 1954, lui inspire son nom d'artiste. Caine fait ses débuts au cinéma en 1956 en jouant des rôles variés dans des productions britanniques telles...

  • CONNERY SEAN (1930-2020)

    • Écrit par Universalis
    • 900 mots
    • 2 médias

    Sean Connery, de son vrai nom Thomas Connery, est né le 25 août 1930 à Édimbourg, en Écosse. Après trois années dans la marine et une série de petits boulots, il pose pour des étudiants en art et des photographies de mode, et fait de la figuration dans des productions théâtrales. En 1954, il décroche...

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Voir aussi