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EXTASE

Dès 1901, l'extase a été décrite comme un état morbide par Pierre Janet. La psychologie pathologique la rattache à des états d'hystérie à composante mystique : immobilité du malade, joie mêlée d'angoisse, contemplation intense, perte de contact avec le monde extérieur en sont les signes apparents. Mais l'extase peut affecter des sujets sains, dont la sensibilité vient à défaillir provisoirement, sans que le retour au réel, l'aptitude à l'action, au raisonnement se trouvent compromis : c'est le cas des vrais mystiques, comme l'ont reconnu Henri Delacroix et Henri Bergson. Ces vrais mystiques, plus rares que les faux, appartiennent au christianisme (dans lequel Bergson trouvait les seuls mystiques qui fussent complets, aussi actifs que contemplatifs), mais aussi à d'autres religions. Le paganisme antique, notamment à la période hellénistique, a pu en connaître. Porphyre, le biographe de Plotin, attribue à son maître trois extases, trois ravissements. En fait, avec le néo-platonisme, dont Plotin est le grand initiateur, le mot extase revêt une acception technique qui, au plan philosophique, signifie autre chose qu'un rapt de l'esprit. Pour Plotin, c'est l'intelligence qui est extasiée en permanence, c'est-à-dire, au sens étymologique, tirée hors de soi, unie à son principe, centrée et ramassée sur l'Un, lequel est supra-intellectuel. C'est pourquoi l'extatique néo-platonicienne ne fait pas allusion à un état second de la conscience éveillée, à des expériences paranormales ; elle renvoie au rapport originaire de l'intelligence à l'ineffable. En dehors du néo-platonisme, l'emploi philosophique des termes extase, extatique est peu fréquent. Il faut cependant signaler le sens phénoménologique : pour Sartre, par exemple, la conscience est ek-statique : elle sort de soi, elle est conscience d'autre chose que soi, d'un au-delà de soi.

— Henry DUMÉRY

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Écrit par

  • : professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Henry DUMÉRY. EXTASE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CHAMANISME

    • Écrit par Roberte Nicole HAMAYON
    • 4 979 mots
    • 1 média
    ...question (1951), proposa de voir dans le chamanisme l'expérience religieuse à l'état brut (reposant sur l'idée de montée au ciel grâce à un axe du monde) et de le définir comme une technique extatique, compatible avec toutes sortes de croyances. Cet ouvrage a développé une vue mystique du chamanisme,...
  • ENFERS ET PARADIS

    • Écrit par Olivier CLÉMENT, Mircea ELIADE
    • 6 311 mots
    • 3 médias
    C'est grâce aux voyages extatiques des chamans qu'on connaît la topographie des enfers en Sibérie et en Asie centrale. Car c'est le chaman qui conduit l'âme du trépassé vers sa nouvelle demeure, et c'est toujours lui qui, en certains cas, descend aux enfers afin d'obtenir la bénédiction...
  • L'EXPÉRIENCE INTÉRIEURE, Georges Bataille - Fiche de lecture

    • Écrit par Francis WYBRANDS
    • 878 mots
    ...pousser la dialectique jusqu'à ses limites : au bout du possible il découvre l'impossible, et le connu reconduit à l'inconnu. « Le non-savoir dénude. » Il mène à l'angoisse et celle-ci à l'extase : « L'angoisse est l'horreur du dénuement et l'instant vient où, dans l'audace, le dénuement est aimé, où je...
  • GRÉGOIRE DE NYSSE saint (330 env.-env. 395)

    • Écrit par Pierre HADOT
    • 1 882 mots
    ...extatique de Dieu. Certains interprètes modernes, notamment E. Mühlenberg, se sont demandé toutefois si les descriptions dans lesquelles Grégoire parle d' extase, d'ivresse mystique, de blessure d'amour, correspondent réellement à une expérience mystique comparable à celles de mystiques du Moyen Âge et des...
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