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MOUNIER EMMANUEL (1905-1950)

Emmanuel Mounier a donné le nom de «  personnalisme communautaire » au mouvement de pensée groupé autour de la revue Esprit qu'il avait fondée en octobre 1932, à l'âge de vingt-sept ans, et qu'il dirigea jusqu'à sa mort. L'influence qu'il a exercée, au-delà de son équipe, et qui se prolonge aujourd'hui, est due à l'alliance d'une pensée à la fois vigoureuse et ample avec une personnalité rayonnante. Les uns voient en lui le modèle du chrétien « engagé », d'autres le précurseur d'une nouvelle civilisation, cependant qu'on reproche parfois au personnalisme – dont il se refusa à faire un système – de n'être pas une « philosophie », au sens rigoureux du mot, mais plutôt la synthèse généreuse des thèmes révolutionnaires non marxistes qui apparaissent dans les années trente.

La contestation des années trente

La vie d'Emmanuel Mounier commence par des ruptures. Renonçant à la médecine pour la philosophie, il suit à Grenoble, sa ville natale, les cours du bergsonien Jacques Chevalier, puis vient à Paris où, en 1928, il est reçu à l'agrégation. Influencé par Jacques Maritain et par Nicolas Berdiaeff, il est bientôt « saisi » par la pensée de Charles Péguy auquel il consacre son premier essai (La Pensée de Charles Péguy, 1931). À l'instar de Péguy, il quitte « la sale machine universitaire » et décide de fonder une revue qui soit l'organe d'un mouvement de pensée visant à une rénovation totale de la civilisation.

La crise économique qui, partie de Wall Street, secoue alors l'Europe, lui apparaît comme le symptôme d'une autre crise, spirituelle et philosophique. Convaincu que le monde occidental va à la catastrophe, Mounier veut procéder à une révision radicale de ses valeurs et de ses principes. Le monde bourgeois lui répugne : avilissement par la possession, isolement et oppression des hommes dans une société où les vrais besoins sont sacrifiés. Contre ce monde, le marxisme incarne la révolte des pauvres, mais il ne peut le contredire vraiment, car il a subi l'empreinte de son ennemi, le capitalisme : ce matérialisme est l'envers, et la sanction, d'un spiritualisme qui a trahi.

Catholique fervent, Mounier s'indigne particulièrement de ce que « le spirituel » (qui n'est pas seulement le religieux, mais tout rapport vécu aux valeurs) ait été solidarisé avec « le désordre établi ». Mais il ne croit pas à l'efficacité d'une solution politique ; la gauche, contaminée par l'esprit bourgeois, est incapable même de résistance aux fascismes conquérants. Il faut donc libérer l'esprit. « La révolution sera spirituelle ou elle ne sera pas. » Elle exige une conversion et une éducation de l'homme en même temps qu'un changement des structures, parce que l'oppression n'est pas seulement un fait économique et politique, « elle est au tissu de nos cœurs ».

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Écrit par

  • : ancien directeur de la revue Esprit, professeur à l'École polytechnique

Classification

Pour citer cet article

Jean-Marie DOMENACH. MOUNIER EMMANUEL (1905-1950) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DOMENACH JEAN-MARIE (1922-1997)

    • Écrit par Bernard VALADE
    • 957 mots

    Inséparable de la revue Esprit et du mouvement personnaliste qu'Emmanuel Mounier a fondés, le nom de Jean-Marie Domenach restera également associé à une série de refus et d'engagements qui furent ceux d'un homme de foi et de fidélité. Né à Lyon le 13 février 1922, c'est dans cette ville que, au...

  • IZARD GEORGES (1903-1973)

    • Écrit par Paul MORELLE
    • 652 mots

    Né à Abeilhan (Hérault), Georges Izard, ses études de droit terminées, s'inscrit au barreau de Paris en 1932. À cette époque, il fonde, avec Emmanuel Mounier, la revue Esprit, dont il assure la rédaction en chef.

    Trois ans auparavant, il avait épousé Catherine Daniélou, sœur de celui qui...

  • NATURE / CULTURE (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 2 454 mots
    Derrière le masque se trouve donc toujours un autre masque. Au terme de cette étude, il nous faut rejoindre l’affirmation du philosophe Emmanuel Mounier (1905-1950), fondateur du « personnalisme » : « La nature de l’homme, c’est l’artifice. » Ainsi, notre nature consisterait précisément à ne pas posséder...
  • PERSONNALISME

    • Écrit par Lucien JERPHAGNON
    • 2 387 mots
    • 2 médias
    Particulièrement sensible à la dimension communautaire de la vie personnelle, Emmanuel Mounier (1905-1950) appliqua son génie laborieux aux problèmes psychologiques, sociaux et politiques des relations humaines. Le christianisme infléchit sa conviction socialiste dans le sens d'un respect authentique...

Voir aussi