Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MOUNIER EMMANUEL (1905-1950)

Un chrétien engagé

Le personnalisme n'est pas une philosophie chrétienne, mais un discours sur l'homme qui peut être tenu aussi bien par des incroyants que par des croyants. On y reconnaît cependant l'inspiration évangélique dans l'appel à l'amour et au dépassement ascétique. Les carnets et lettres publiés après la mort de Mounier ont révélé la profondeur de sa foi. Mounier ne cessa d'être fidèle à l'Église catholique, même lorsqu'il faillit encourir sa condamnation à cause de cet « œcuménisme concret » qu'il fut le premier à pratiquer, en rassemblant à Esprit des croyants de diverses religions avec des incroyants, mais surtout à cause de sa lutte infatigable contre « la liaison du spirituel et du réactionnaire » : sa position hostile au franquisme durant la guerre civile espagnole, puis sa campagne en faveur d'une laïcité pluraliste à l'école lui attirèrent la haine des catholiques de droite et la méfiance de Rome.

Révolutionnaire au nom de l'« Évangile des pauvres », Mounier fut le pionnier d'une contestation constructive qui aboutit au concile de Vatican II. Mais son vœu d'une rencontre entre « la masse des chrétiens et la masse des pauvres et des opprimés » se heurta au Parti communiste, avec lequel il ne cessa de mener un dialogue sans concession. Voyant dans les communistes des représentants de la classe ouvrière, il se refusait cependant à tout compromis philosophique avec le marxisme : « Contre Marx, nous affirmons qu'il n'y a de civilisation et de culture humaine que métaphysiquement orientées. » Il mourut en mars 1950, au moment où les communistes refusaient son appel à remplacer le « marxisme scolastique » par un « marxisme ouvert ».

La précipitation des événements politiques ne laissa pas le temps à Mounier de parfaire l'architecture de son personnalisme. Mais elle radicalisa son engagement. Dressé contre les fascismes, contre Munich, emprisonné pendant l'Occupation, puis reprenant la lutte contre les totalitarismes, les colonialismes, et pour la paix, Mounier, suivi par une équipe solidaire, a tracé la ligne cohérente d'un témoignage actif pour les valeurs, qui authentifie son œuvre inachevée.

— Jean-Marie DOMENACH

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : ancien directeur de la revue Esprit, professeur à l'École polytechnique

Classification

Pour citer cet article

Jean-Marie DOMENACH. MOUNIER EMMANUEL (1905-1950) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DOMENACH JEAN-MARIE (1922-1997)

    • Écrit par Bernard VALADE
    • 957 mots

    Inséparable de la revue Esprit et du mouvement personnaliste qu'Emmanuel Mounier a fondés, le nom de Jean-Marie Domenach restera également associé à une série de refus et d'engagements qui furent ceux d'un homme de foi et de fidélité. Né à Lyon le 13 février 1922, c'est dans cette ville que, au...

  • IZARD GEORGES (1903-1973)

    • Écrit par Paul MORELLE
    • 652 mots

    Né à Abeilhan (Hérault), Georges Izard, ses études de droit terminées, s'inscrit au barreau de Paris en 1932. À cette époque, il fonde, avec Emmanuel Mounier, la revue Esprit, dont il assure la rédaction en chef.

    Trois ans auparavant, il avait épousé Catherine Daniélou, sœur de celui qui...

  • NATURE / CULTURE (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 2 454 mots
    Derrière le masque se trouve donc toujours un autre masque. Au terme de cette étude, il nous faut rejoindre l’affirmation du philosophe Emmanuel Mounier (1905-1950), fondateur du « personnalisme » : « La nature de l’homme, c’est l’artifice. » Ainsi, notre nature consisterait précisément à ne pas posséder...
  • PERSONNALISME

    • Écrit par Lucien JERPHAGNON
    • 2 387 mots
    • 2 médias
    Particulièrement sensible à la dimension communautaire de la vie personnelle, Emmanuel Mounier (1905-1950) appliqua son génie laborieux aux problèmes psychologiques, sociaux et politiques des relations humaines. Le christianisme infléchit sa conviction socialiste dans le sens d'un respect authentique...

Voir aussi