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EVANS-PRITCHARD EDWARD EVAN (1902-1973)

Probablement le représentant le plus prestigieux de l'anthropologie britannique, Evans-Pritchard se montre soucieux d'allier le détail recueilli avec soin sur le terrain à l'explication fonctionnelle sans passion. En cela, il fut un élève modéré de Malinowski, mais jamais son disciple. E.-P., comme ses élèves l'appelaient, ajouta à cette tradition de très fortes préoccupations historiques chaque fois que cela était possible.

Il étudia l'anthropologie à la London School of Economics avec Claude Gabriel Seligman. Lorsque ce maître et sa femme Brenda n'eurent plus la force physique de poursuivre leurs recherches dans ce qui fut le Soudan anglo-égyptien, Evans-Pritchard prit leur suite. Entre 1926 et 1936, il mena six expéditions dans ce pays. Il n'intégra dans son œuvre que les recherches détaillées entreprises chez les Nuer et les Azande, portant au crédit de Seligman ce qu'il avait recueilli chez les Luo, les Anuak et les Shilluk.

En 1937, il publia son premier grand ouvrage, Sorcellerie, oracles et magie chez les Azande (trad. L. Evrard, Paris, 1972). De 1931 à 1934, il fut professeur de sociologie à l'université du Caire, puis devint, à Oxford, directeur de recherches en sociologie africaine. Il fut alors en contact suivi avec A. R. Radcliffe-Brown, dont il subit profondément l'influence. Il dirigea avec Meyer Fortes un important recueil d'études sur les Systèmes politiques africains (trad. P. Ottino, Paris, 1964) et publia le premier volume de sa trilogie sur les Nuer, Les Nuer. Description des modes de vie et des institutions politiques d'un peuple nilote (trad. L. Evrard, Paris, 1968).

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'armée britannique utilisa ses compétences pour organiser la révolte des tribus bordières contre les Italiens établis en Éthiopie. En 1942, il devint conseiller politique de l'administration militaire britannique en Cyrénaïque. Il passa deux ans parmi les Bédouins et en tira un grand livre, The Sanusi of Cyrenaica (1949), où une part considérable est accordée à l'histoire dans l'explication d'un processus de changement culturel. En 1945, il occupe la chaire d'anthropologie à Cambridge et, en 1946, il succède à Radcliffe-Brown dans la chaire d'anthropologie sociale d'Oxford. En 1951, il publie Parenté et mariage chez les Nuer (trad. M. Manin, Paris, 1973) et, en 1956, Nuer Religion.

Evans-Pritchard fit beaucoup pour la vulgarisation de l'anthropologie sociale par ses émissions à la B.B.C. (1950), qui furent publiées en 1956 (Anthropologie sociale, trad. M. Manin, Paris, 1969). Il fit paraître en 1956 un recueil d'articles, repris dans La Femme dans les sociétés primitives et autres essais d'anthropologie sociale (trad. C. Rivière, Paris, 1971) ; en 1965, La Religion des primitifs à travers les théories des anthropologues (trad. M. Matignon, Paris, 1965) ; en 1967 enfin, un recueil de l'essentiel de ses travaux dans les années trente au Soudan, The Zande Trickster. Il prit sa retraite en 1970, et fut anobli en 1971.

Anti-organiciste, Evans-Pritchard recourut à l'histoire sans pour autant accepter le déterminisme historique et usa modérément du comparativisme (et à une échelle toujours modeste) ; il se préoccupa néanmoins d'expliquer, montrant la cohérence entre les différents systèmes de croyances dans une culture donnée, d'une part, et les comportements de ceux qui lui appartiennent, d'autre part. L'organisation religieuse, par exemple, est vue de l'intérieur un peu comme un monde clos qui contient en lui-même ses propres explications. Enfin, Evans-Pritchard subordonna toujours ses élaborations théoriques aux résultats de ses enquêtes sur le terrain. Il se montra résolument opposé au cheminement inverse et afficha constamment un aimable scepticisme à l'égard de l'existence éventuelle de lois universelles s'appliquant aux[...]

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Écrit par

  • : assistant à l'U.E.R. des lettres et sciences humaines de l'université de Nice

Classification

Pour citer cet article

Raymond ECHES. EVANS-PRITCHARD EDWARD EVAN (1902-1973) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANIMISME

    • Écrit par Mircea ELIADE, Nicole SINDZINGRE
    • 4 102 mots
    Le concept d'animisme est alors apparu comme aussi inconsistant et ambigu que, par exemple, celui de «  primitif », qui l'accompagnait. Dans La Religion des primitifs (1965), E. E. Evans-Pritchard met en lumière les apories de la théorie de Tylor : rien n'a jamais pu prouver que les « âmes » dont...
  • ANTHROPOLOGIE

    • Écrit par Élisabeth COPET-ROUGIER, Christian GHASARIAN
    • 16 158 mots
    • 1 média
    ...que la fonction qu'ils remplissent dans la société. La culture renvoyant aux coutumes ou aux productions, et la société aux relations sociales, E. E. Evans-Pritchard illustre ainsi la fameuse distinction : dans nos églises, dit-il, les fidèles enlèvent leur chapeau et gardent leurs chaussures, tandis...
  • ANTHROPOLOGIE RÉFLEXIVE

    • Écrit par Olivier LESERVOISIER
    • 3 448 mots
    ...la place qui lui est assignée dans la société étudiée, selon des paramètres aussi différents que l’âge, le sexe, le statut social et (ou) le phénotype. Les remarques de E. E. Evans-Pritchard sur ses expériences vécues dans les sociétés nilotiques sont sur ce point révélatrices de la manière dont...
  • ANTHROPOLOGIE POLITIQUE

    • Écrit par Georges BALANDIER
    • 5 811 mots
    • 1 média
    ...Un exemple emprunté à la littérature anthropologique classique paraît nécessaire : c'est celui des Nuer, éleveurs du Soudan étudiés par E.  Evans-Pritchard. Leur société, en réduisant au minimum les relations inégales, sans cependant les éliminer, constitue une sorte de cas limite. Dans les...
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Voir aussi