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ANTHROPOLOGIE POLITIQUE

L'anthropologie politique poursuit un projet fort ancien orientant déjà la réflexion d'Aristote dans sa Politique : la définition de l'homme en tant qu'être « naturellement » politique. Elle apparaît, sous sa forme moderne, comme une discipline de constitution tardive ; elle délimite alors un domaine d'étude au sein de l'anthropologie sociale ou de l'ethnologie. Elle s'attache à la description et à l'analyse des systèmes politiques (organisations, pratiques et processus, représentations) propres aux sociétés estimées primitives ou traditionnelles. Ce qui revient à dire que l'anthropologie politique est un instrument de découverte et d'étude des diverses institutions et procédures assurant le gouvernement des hommes, ainsi que des systèmes de pensée et des symboles qui les fondent et les légitiment.

Définir l'anthropologie politique, c'est suggérer les buts principaux qui déterminent sa visée : une interprétation élargie du politique qui ne lie ce dernier ni aux seules sociétés dites historiques, ni à l'existence d'un appareil étatique ; une élucidation des processus de formation et de transformation des systèmes politiques, à la faveur d'une recherche parallèle à celle de l'historien ; une étude comparative appréhendant les différentes expressions de la réalité politique, non plus dans les limites d'une histoire particulière – celle de l'Europe –, mais dans toute leur extension historique et géographique.

C'est parmi les créateurs de la pensée politique du xviiie siècle qu'il convient de rechercher les initiateurs de la démarche anthropologique. Le précurseur privilégié reste Montesquieu ; parce qu'il « classe » les sociétés selon leurs modes de gouvernement, son apport prépare l'avènement de la sociologie et de l'anthropologie politiques. Rousseau est le plus souvent évoqué, en raison des références au Discours sur l'inégalité et au Contrat social. Il propose les premiers éléments d'une recherche sociale comparative ; il élabore une interprétation en termes de genèse : l'inégalité et les rapports de production sont les moteurs de l'histoire ; il reconnaît le déséquilibre propre à tout système social, le débat permanent entre la « force des choses » et la « force de la législation ». Avec Marx et Engels, certains courants de la pensée politique du xviiie siècle viennent en résurgence ; leur œuvre comporte l'ébauche d'une anthropologie politique avec la reprise en considération du système dit du « despotisme oriental » et de ses manifestations historiques. Ils considèrent des problèmes de genèse : celle des classes sociales et de l'État.

C'est également sous cet aspect que les premiers anthropologues ont envisagé les phénomènes politiques ; Henry Maine, dans son étude comparative des institutions indo-européennes, décèle deux « révolutions » : passage des sociétés de status aux sociétés de contrat, passage des sociétés de parenté aux sociétés politiques (Ancient Law, 1861) ; L. H. Morgan consacre plusieurs chapitres de son Ancient Society (1877) à l'« idée de gouvernement » et à l'évolution des formations sociales et politiques ; puis, à quelques années d'intervalle (1924 et 1927), deux anthropologues américains, W. C. McLeod et R. H. Lowie, tentent de déterminer le rôle respectif des facteurs internes et des facteurs externes dans la formation de l'État « primitif ». Mais le moment important en ce domaine correspond aux années trente, époque à laquelle se multiplient les recherches sur le terrain et les élaborations théoriques ou méthodologiques qui en résultent. Les unes et les autres conduisent à une meilleure délimitation du champ politique et à une meilleure appréhension de la diversité de ses aspects.[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

Classification

Pour citer cet article

Georges BALANDIER. ANTHROPOLOGIE POLITIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Geneviève Calame-Griaule - crédits : D.R.

Geneviève Calame-Griaule

Autres références

  • ANTHROPOLOGIE

    • Écrit par Élisabeth COPET-ROUGIER, Christian GHASARIAN
    • 16 158 mots
    • 1 média
    ...en la matière fut immense (E. E. Evans-Pritchard, M.  Fortes, J. Goody, R. Needham, A. R. Radcliffe-Brown). Elle développa aussi les recherches sur les systèmes politiques et classa selon ce principe les sociétés africaines. Dans l'ouvrage fondamental publié sous la direction de M. Fortes et E. E. Evans-Pritchard,...
  • ANTHROPOLOGIE ANARCHISTE

    • Écrit par Jean-Paul DEMOULE
    • 4 849 mots
    • 3 médias
    Il paraît pertinent de faire remonter ce courant anthropologique aux travaux de Pierre Clastres (1934-1977) à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Ce dernier, à partir d’enquêtes poussées chez plusieurs groupes amérindiens d’Amazonie, comme les Guayaki, les Yanomani et...
  • BALANDIER GEORGES (1920-2016)

    • Écrit par Jean-Claude PENRAD
    • 804 mots
    • 1 média

    Né le 21 décembre 1920 à Aillevillers-et-Lyaumont, en Haute-Saône, le sociologue et anthropologue Georges Balandier a vécu sa prime jeunesse dans cette région où l'insoumission et les combats de la Résistance le ramèneront, lorsque ses études à l'École pratique des hautes études et à la Sorbonne...

  • CHEFFERIE

    • Écrit par Henri LAVONDÈS, Jean-Claude PENRAD
    • 2 929 mots

    L' anthropologie sociale, plus encore peut-être que l'histoire, élargit l'interprétation courante de la définition aristotélicienne de l'homme comme être naturellement « politique » à bien d'autres références que les sociétés dites « historiques » ou que les sociétés dominées par un appareil étatique....

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Voir aussi