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ÉDUCATION Sociologie de l'éducation

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Les épreuves de l'école de masse

Aujourd'hui, l'école républicaine est devenue une école démocratique de masse. Presque 100 p. 100 des membres d'une classe d'âge se retrouvent au collège, un peu plus de 70 p. 100 d'une classe d'âge obtiennent un baccalauréat, contre 10 p. 100 à la fin des années 1950, et le nombre d'étudiants a été multiplié par cinq depuis 1968. Cette explosion de la démographie scolaire a bouleversé l'école, elle en a multiplié les inquiétudes et les épreuves. Contrairement aux craintes les plus répandues, Christian Baudelot et Roger Establet démontrent que le niveau des élèves s'est plutôt élevé et que les filles ont largement bénéficié de la massification scolaire ; souvent, leurs résultats sont meilleurs que ceux des garçons, même si leurs orientations scolaires sont moins favorables à leur réussite professionnelle. En élargissant considérablement l'accès aux diplômes, notamment au baccalauréat et à l'enseignement supérieur, la massification scolaire a incontestablement entraîné une démocratisation générale de l'éducation : les formations longues ne sont plus réservées aux enfants issus de l'élite sociale et de l'excellence scolaire. Cependant, comme le montre Pierre Merle, cette démocratisation est aussi très fortement ségrégative quand on considère les écarts entre les filières et les types de diplômes. Les formations et les diplômes sont fortement hiérarchisés en fonction de leur valeur et des publics scolaires. Il arrive même que les écarts se creusent entre le sommet et le bas de la hiérarchie scolaire, entre les établissements les plus favorisés et ceux qui le sont le moins. Comme l'ensemble de la société, le système scolaire élargit l'accès de tous aux biens élémentaires tout en creusant les inégalités.

L'élargissement de la population scolaire dans l'enseignement secondaire et supérieur a profondément changé la nature des relations scolaires et, peut-être même, la nature de l'école qui ne peut plus être pensée comme un ordre stable et intégré, comme une institution réservée aux élèves qui en acceptent « naturellement » les règles. Les nouveaux publics scolarisés, et scolarisés longtemps, ne sont ni des « héritiers », ni des « boursiers », mais des collégiens, des lycéens et des étudiants important dans l'école la culture de masse juvénile et les cultures populaires jusque-là tenues en marge de l'enseignement secondaire. Ces nouveaux élèves déstabilisent profondément les relations pédagogiques et les relations de l'école à son environnement. Alors que l'école était considérée comme un sanctuaire, elle a de plus en plus de difficultés à se protéger des problèmes sociaux puisque la massification s'est développée dans une période de grandes difficultés économiques et sociales.

Dès lors, la sociologie de l'éducation voit émerger de nouveaux objets. Toute une série de travaux, comme ceux d'Éric Debarbieux, sont consacrés à la violence et aux incivilités scolaires qui se multiplient et provoquent de grandes tensions dans certains établissements. D'autres s'intéressent aux carrières et aux conduites scolaires des élèves issus de l'immigration et aux réactions de l'école face aux divers groupes de migrants et à leur culture. Des recherches portent aussi sur le décrochage scolaire de nombreux élèves ou bien encore sur les relations de l'école avec les parents. Bref, le thème de l'inégalité scolaire est largement débordé par l'étude de tout un ensemble de difficultés qui mettent en cause la stabilité même des relations pédagogiques en plongeant l'école dans un sentiment de crise endémique, dans un « malaise » dont témoignent de multiples essais, même si de grands bilans, comme celui de Claude Thélot, s'efforcent de produire des représentations[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

Classification

Pour citer cet article

François DUBET. ÉDUCATION - Sociologie de l'éducation [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 31/07/2015

Médias

Émile Durkheim - crédits : Bettman/ Getty Images

Émile Durkheim

Raymond Boudon - crédits : D.R.

Raymond Boudon

Enseignement des sciences à l'école primaire: le mouvement «La main à la pâte» - crédits : La main à la pâte, 2001

Enseignement des sciences à l'école primaire: le mouvement «La main à la pâte»

Autres références

  • ÉDUCATION / INSTRUCTION, notion d'

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  • AFGHANISTAN

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    Né le 13 juin 1795 à East Cowes, sur l'île de Wight, Thomas Arnold fait...

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