DRUIDES
Tous les textes insulaires concernant les druides sont mythiques et la plupart des témoignages antiques se cantonnent dans les généralités. Le seul druide historique que nous connaissions, Diviciacus, est mentionné par César comme chef du gouvernement éduen. Mais César ne dit pas qu'il est druide : le renseignement est apporté par Cicéron, dans son traité sur la divination (De divinatione). En revanche, on sait exactement, par le recoupement des informations continentales et insulaires, ce qu'était un druide et la place importante qu'il tenait dans la société celtique.
Le témoignage des textes
Dans sa description de la société gauloise du ier siècle avant J.-C., César (De bello gallico, VI, 13) distingue les druides des equites (« chevaliers ») et de la plebs : « Dans toute la Gaule deux classes d'hommes comptent et sont honorées, car le peuple [...] n'ose plus rien par lui-même et il n'est consulté sur rien [...] l'une est celle des druides, l'autre est celle des chevaliers. Les premiers veillent aux choses divines, s'occupent des sacrifices publics et privés, règlent toutes les choses de la religion. Un grand nombre de jeunes gens viennent s'instruire chez eux, et ils bénéficient d'une grande considération [...]. À tous ces druides commande un chef unique, lequel exerce parmi eux l'autorité suprême [...]. À une certaine époque de l'année, ils se réunissent en un lieu consacré du pays des Carnutes que l'on tient pour le centre de la Gaule. Là, viennent de toutes parts tous ceux qui ont des contestations et ils se soumettent à leurs avis et à leurs jugements. Leur doctrine a été élaborée en Bretagne, et de là, pense-t-on, en Gaule, et aujourd'hui encore la plupart de ceux qui veulent mieux connaître cette doctrine partent là-bas pour l'apprendre [...], beaucoup viennent de leur propre chef se confier à leur enseignement et beaucoup sont envoyés par leurs parents et leurs proches. On dit qu'ils apprennent là par cœur un très grand nombre de vers : certains restent donc vingt ans à leur école. Ils sont d'avis que la religion interdit de confier cela à l'écriture [...]. Ce dont ils cherchent surtout à persuader, c'est que les âmes ne périssent pas. »
La tripartition fonctionnelle de la société gauloise, très clairement décrite par César, correspond à celle de la société irlandaise médiévale : tandis qu'en Gaule la première fonction (sacerdotale), la deuxième (guerrière) et la troisième (artisanale et productrice) sont représentées respectivement par les druides, les equites et la plebs, elles le sont en Irlande par les druíd, la fláith (noblesse) et les aes déna (« gens d'art »).
César toutefois a confondu dans une définition unique la classe artisanale et la plèbe. Sa classification paraît différer de celle des écrivains grecs postérieurs, Diodore de Sicile et Strabon, qui énumèrent des druides (philosophes), des bardes (poètes) et des vates (devins et sacrificateurs). Mais il n'y a en fait ni différence ni contradiction : César définit la classe sacerdotale dans son ensemble par rapport au reste de la société, tandis que les Grecs en décrivent la structure interne. Cette structure est identique à celle qu'on trouve en Irlande (et avec les mêmes dénominations) : druides ou druíd, bardes ou bárd, filid (poètes), vates ou fáith.
La différence unique tient à ce que l'Irlande a changé le statut du barde, qui était le spécialiste de la louange et du blâme, et qu'elle a déchu de sa dignité pour lui substituer le file (étymologiquement le « voyant ») ; celui-ci avait aussi dans ses attributions la magie, l'écriture (ogamique) et la satire. Une confusion s'est, en effet, produite entre le blâme et la satire, chantée elle aussi, poésie magique aux effets imparables et mortels. C'est ainsi[...]
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Écrit par
- Christian-Joseph GUYONVARC'H : professeur de celtique à l'université de Rennes-II-Haute-Bretagne
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