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DROGUE

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Le débat sur la dépénalisation et la légalisation des drogues

Lors de leur Assemblée générale exceptionnelle consacrée aux drogues (ungass), tenue en juin 1998, les Nations unies avaient notamment prévu qu'en 2008 les cultures de pavot, de cocaïers et de cannabis devraient « avoir pratiquement disparu et celles de cannabis s'être considérablement réduites. » Rendez-vous était pris en 2008 pour procéder à l'évaluation des progrès de la lutte contre les drogues menée par la communauté internationale.

Absence de résultats tangibles de la lutte antidrogue

Ces dix années écoulées, il a bien fallu constater qu'aucune réduction de la production des drogues n'avait été obtenue. La production de cocaïne, en dépit de quelque cinq milliards de dollars dépensés par les États-Unis dans les pays andins dans le cadre de vastes programmes de lutte comme le Plan Colombie ou l'Initiative andine, auxquels se sont ajoutés les centaines de millions de dollars apportés par l'Union européenne, n'a pas diminué. Cela est notamment prouvé par le fait que les prix n'ont pratiquement pas varié sur le territoire des États-Unis depuis 1998 ; qu'ils tendent même à baisser par rapport à ceux de l'Europe et que les trafiquants ont réussi à ouvrir de nouveaux marchés, de l'Afrique du Sud à la Chine. Dans le cas de l'héroïne, certes la production birmane de sa matière première, l'opium, a sensiblement diminué depuis dix ans, mais cette diminution a été plus que compensée par la hausse de celle de l'Afghanistan, qui est passé de 3 000 tonnes au milieu des années 1990, à 6 100 tonnes en 2006. Quant aux productions de cannabis et à celles des drogues de synthèse, elles connaissent une hausse exponentielle sur toute la planète. On peut se demander alors si cet échec ne va pas donner un nouvel élan aux partisans de la légalisation des drogues ou à ceux de leur dépénalisation.

Les termes du débat

Depuis le milieu des années 1980, le débat autour de ces questions n'a en effet guère été suivi de résultats pratiques. Dans la plupart des pays du monde, les gouvernements s'appuient sur leur opinion publique pour s'opposer à toute démarche en direction de la légalisation des produits, en arguant qu'une telle mesure, si elle est de nature à entraîner une diminution de la délinquance et de la criminalité, ne manquerait pas de susciter une hausse de la consommation. Face à une telle résistance, les partisans du changement ont mis en avant deux types de propositions alternatives : la légalisation du seul cannabis et la mise en place de politiques dites de « réduction des risques ». Pour la première, il est fait état qu'environ 160 millions de personnes consomment cette drogue sans que cela ne provoque de catastrophe sanitaire perceptible. Ces campagnes ont permis, dans de nombreux pays, une tolérance de fait de l'usage des dérivés du cannabis, sans que les lois répressives soient pour autant abolies : c'est le cas des Pays-Bas, de l'Espagne, de certaines régions de l'Allemagne, de la Suisse et de nombreux pays musulmans, où d'ailleurs l'usage du haschisch est plus traditionnel. Des avancées ont été également obtenues dans le domaine des usages thérapeutique du cannabis, contre les douleurs des malades en phase terminale notamment, dans certains États des États-Unis et au Canada. Mais dans tous ces pays, y compris aux Pays-Bas, la production et la vente du produit restent interdites et poursuivies.

La politique de réduction des risques, adoptée dans pratiquement tous les pays d'Europe ou au Canada, est également susceptible d'ouvrir de nouvelles voies. Elle consiste à fournir des seringues aux toxicomanes afin de leur éviter la contamination par le virus du sida et par les hépatites virales ; à distribuer des produits de substitution[...]

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Écrit par

  • : directeur du Groupement de recherche psychotropes, politique, société du C.N.R.S. et du Centre de recherches psychotropes, santé mentale, société, unité C.N.R.S., université de Paris-V
  • : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
  • : écrivain
  • : retraité de l'Éducation nationale, expert dans le domaine de la géopolitique des drogues

Classification

Pour citer cet article

Alain EHRENBERG, Encyclopædia Universalis, Olivier JUILLIARD et Alain LABROUSSE. DROGUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Principaux dépresseurs et leurs effets - crédits : Encyclopædia Universalis France

Principaux dépresseurs et leurs effets

Opiomane en Chine, XIX<sup>e</sup> siècle - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Opiomane en Chine, XIXe siècle

Principaux stimulants et leurs effets - crédits : Encyclopædia Universalis France

Principaux stimulants et leurs effets

Autres références

  • AFGHANISTAN

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    ... siècle, l'agriculture afghane dans son ensemble, et contribue d'ailleurs à la stigmatiser aux yeux du monde, c'est la place grandissante que la culture du pavot à opium y a prise en quelques décennies, au point d'avoir promu le pays au rang de premier producteur mondial d'opium dès 1991. Il...
  • ASIE (Géographie humaine et régionale) - Espaces et sociétés

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    ...social, politique, économique et culturel de l'État central, parfois en opposition ouverte ou larvée avec celui-ci. Leur économie repose généralement sur la production et le trafic de drogue, à partir de la culture du pavot : Triangle d'or à la frontière de la Birmanie, de la Thaïlande, du Laos et maintenant...
  • ASIE (Géographie humaine et régionale) - Dynamiques régionales

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    • 24 799 mots
    • 10 médias
    ...politique d'islamistes radicaux et surtout avec le trafic de drogue. L'Afghanistan est en effet devenu le premier producteur mondial d'opium. Le trafic de drogue (opium et héroïne) constitue un solide réseau économique, politique et social unifiant toute la région, d'Istanbul à Tachkent en passant...
  • BOLIVIE

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    ...légale des yungas, destinés à la consommation traditionnelle, c'est-à-dire sous forme de mastication et de tisanes, ne représentent rien par rapport aux cultures illégales de la province du Chapare (au nord de Cochabamba). Malgré les nombreux programmes de substitution financés par l'aide internationale...
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