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DOMESTICATION

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Semi-domestications, néo-domestications, dédomestications

Force est de constater que la domestication a souvent conduit à des résultats inégaux, dont témoignent d'innombrables cas de domestications abandonnées (gazelles, hyène tachetée et crocodiles engraissés en Égypte ancienne, biche traite par les Romains, couleuvres et genette utilisées comme prédateurs des rongeurs en Europe médiévale, élan monté en Suède jusqu'au xviie siècle...), à quoi s'ajoutent les cas de proto- ou de semi-domestications (animaux élevés dans des conditions proches de l'état naturel comme les rennes en Laponie ou les porcs dans certaines sociétés de Nouvelle-Guinée).

La domestication ne se réduit pas non plus aux premières domestications, aussi importantes et déterminantes que furent celles-ci. En témoignent notamment les néo-domestications des xixe et xxe siècles : éléphant d'Afrique au Congo belge, élan en U.R.S.S., éland du Cap et autruche en Afrique du Sud, bœuf musqué en Alaska et au Canada, cerf élaphe et bison d'Europe, divers gros rongeurs d'Amérique (aguti, cabiai, ragondin, rat musqué), etc. C'est également à l'époque moderne et pour les besoins particuliers des laboratoires que l'homme a élevé des rongeurs et des singes, élargissant ainsi le prélèvement spécifique sur la faune.

En outre, l'action de domestication doit nécessairement s'exercer de manière continue, être chaque jour renouvelée et entretenue, faute de quoi des animaux peuvent se dédomestiquer et même, dans certains cas, retourner à l'état sauvage. Ce phénomène, appelé marronnage (terme qui s'appliquait aussi aux esclaves échappés) ou féralisation (de l'anglais feral), montre qu'un animal ne peut jamais être considéré comme totalement ou définitivement domestiqué. À l'inverse, les néo-domestications ou re-domestications contemporaines indiquent, elles, qu'un animal sauvage n'est jamais entièrement à l'abri d'une tentative de domestication.

Enfin, de nombreux animaux se trouvent en perpétuelle situation d'équilibre instable entre état sauvage et état domestique, soit parce qu'ils se laissent moins aisément domestiquer que d'autres (éléphants, abeilles, pour des raisons différentes), soit parce qu'ils sont délibérément maintenus par l'homme dans un état proche de la sauvagerie (chat jusqu'au xviiie siècle, chiens de combat, taureaux de corrida, guépard et oiseaux de proie affaités pour la chasse), montrant que l'action de domestication n'est pas univoque puisqu'elle peut aussi s'exercer dans le sens d'un ensauvagement dosé et contrôlé pour conserver intacts certains comportements spécifiques utilisables par l'homme. Tous ces « cas limites » (J.-P. Digard, 1990) prouvent que la frontière sauvage/domestique n'est pas imperméable, intangible, fixée une fois pour toutes, qu'elle n'est pas la même pour tous les animaux et que ses fluctuations dépendent, en dernière instance, de l'action de l'homme.

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Pour citer cet article

Jean-Pierre DIGARD. DOMESTICATION [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Médias

Domestication : berceaux des premières plantes - crédits : Encyclopædia Universalis France

Domestication : berceaux des premières plantes

Domestication des animaux : les espèces réputées domestiques - crédits : Encyclopædia Universalis France

Domestication des animaux : les espèces réputées domestiques

Domestication des animaux : datation - crédits : Encyclopædia Universalis France

Domestication des animaux : datation

Autres références

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