RICARDO DAVID (1772-1823)
Ricardo dans l'histoire de la pensée économique
Malgré l'influence qu'exerça la pensée ricardienne, de très nombreuses critiques s'élevèrent dès 1830 contre la théorie de la rente, des profits et surtout contre la valeur du travail. La référence à Ricardo devint donc progressivement une clause de style et, à l'exception toutefois de ses conceptions monétaires, la prédominance de sa pensée devint plus formelle que réelle.
En marge de l'économie académique, Marx apparaît comme une très importante exception. L'œuvre économique de Marx prend en effet les Principes pour point de départ. Toutefois, l'analyse de Marx s'oppose à celle de Ricardo sur deux points essentiels : la théorie du capital et la détermination du système de production. Pour Ricardo, le capital est défini par sa vitesse de circulation (distinction entre le capital fixe et le capital circulant) ; pour Marx, au contraire, il est défini par rapport à la théorie de la valeur (distinction entre le capital constant et le capital variable). En outre, le système de production des classiques décrit par Ricardo admet ce que les mathématiciens appellent un degré de liberté. Ainsi, lorsqu'on dispose du taux de salaire, est-il possible d'en déduire le taux de profit, ou, inversement, lorsqu'on connaît le taux de profit peut-on déterminer le taux de salaire correspondant (théorème fondamental de la répartition). Pour aller plus loin, on peut donc chercher à lever cette indétermination dans deux directions différentes : du côté d'une théorie du taux de salaire ou du côté d'une théorie du taux de profit. Ricardo semble choisir la première solution en esquissant une théorie démo-économique du salaire de subsistance, tandis que Marx opte pour la seconde, à travers la détermination d'un taux d'exploitation.
Mal comprise par L. Walras, la pensée ricardienne fut réduite à l'analyse de la rente et à la théorie des coûts comparatifs par les générations successives de néo-marginalistes. Mais après un siècle environ de domination de la pensée néo-classique, on a assisté à un important regain d'intérêt pour le système ricardien, à la suite de la réédition de ses œuvres complètes par P. Sraffa et de la très profonde réinterprétation présentée par cet auteur et développée dans son propre modèle (La Production des marchandises par les marchandises : prélude à une critique de l'économie politique). Les ressources nouvelles de l'algèbre linéaire et du calcul matriciel ont fourni la possibilité d'une formalisation simple et élégante de la pensée ricardienne. Un très important débat s'est instauré depuis entre les néo-classiques américains (essentiellement P. A. Samuelson et R. Solow) et la nouvelle école de Cambridge, d'inspiration ricardienne (J. Robinson, L. L. Pasinetti et P. Caregnani).
Par-delà les aspects techniques de cette vaste polémique, la controverse porte sur la signification des concepts économiques mis en œuvre dans l'analyse du capital et, par conséquent, dans la théorie de la production et de la croissance. Les néo-ricardiens se demandent en premier lieu s'il est possible d'éviter le délicat problème de la mesure du capital. Répondant par la négative, ils pensent en second lieu que ce problème ne se réduit pas à une simple question de nombres indices, analogue à celle qui se pose dans le domaine de l'échange, lorsqu'il s'agit de trouver un indice de prix relatif, et réfutent donc l'idée selon laquelle la mesure du capital pourrait être indépendante de sa répartition.
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Écrit par
- Christian SCHMIDT : directeur de recherche à l'université de Paris-IX-Dauphine
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