Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

COMITÉS D'ÉTHIQUE BIOMÉDICALE

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par

Histoire et représentation de l'expérimentation sur l'homme

L'histoire de l'expérimentation sur l'homme est fréquemment évoquée par les chercheurs et les médecins pour éclairer le sens des pratiques actuelles. Le développement du recours au jugement éthique rend nécessaires les évocations historiques. Mais de quelle histoire s'agit-il ?

Le sociologue François Isambert, dans un article consacré à « L'Expérimentation sur l'homme comme pratique et comme représentation », montre qu'il s'agit « d'une légende, plus que d'une histoire », qui reflète les phases d'un discours de justification sociale : à la fixation affective sur les aberrations du passé qui culminent avec les expérimentations nazies succède « l'appréciation rassurante d'une modernité humanisée ». Il y a donc construction d'une représentation destinée à calmer les esprits d'un public inquiet du caractère transgressif de certaines pratiques et, dans le même temps, fortification d'un pouvoir scientifique, au nom de l'utilité sociale.

De la biologie à l'éthique, un livre récent du professeur Jean Bernard, qui fut le premier président du Comité national d'éthique, illustre cette démarche. Au chapitre i, « Histoire », il est distingué deux révolutions : « la révolution thérapeutique » de 1937, avec la découverte des sulfamides, et « la révolution biologique » (non datée). Trois périodes sont présentées : « le temps de l'ignorance » (xixe et début du xxe siècle), « le temps des balbutiements » (après 1937) et une troisième période intitulée « de Claude Bernard à Jacques Monod et François Jacob », attirant l'attention sur le rôle des acteurs individuels dans la recherche du progrès scientifique.

Jean Bernard - crédits : Violaine Paquereau

Jean Bernard

François Jacob - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

François Jacob

Dans le chapitre très rapide intitulé « Hitler », il est dénié aux expérimentations scientifiques des nazis toute relation à la science : « elles furent à la fois barbares et absurdes ». Dans cette perspective, l'activité scientifique est lavée de tout soupçon politique qui pourrait ternir ces entreprises. « La naissance de la bioéthique », élevée à la fois au rang d'un mouvement international et d'une réflexion fondamentale, parachève cette construction en témoignant d'une nécessaire concordance entre progrès scientifique et démocratie.

Niels Bohr - crédits : Ullstein Bild/ Getty Images

Niels Bohr

Ces pages ignorent la tension existant entre les caractéristiques de la recherche scientifique, qui débouchent sur l'imprévu parce qu'elle dépasse sans cesse ses propres limites et certitudes, et un désir de sécurité accrédité par la persistance d'une idéologie « scientiste », issue du xixe siècle sous la forme garantie d'un « progrès pour ainsi dire automatique », comme l'indique très justement le philosophe Dominique Lecourt. Cette tension fut néanmoins reconnue et thématisée lorsque des inventeurs voulurent arrêter leurs expériences, les estimant dangereuses pour l'humanité et proposant des moratoires. Ce recul manifesté par une minorité d'hommes de science est inséparable de l'histoire même des découvertes : par exemple, les efforts du physicien danois Niels Bohr, qui, en 1944, tenta d'alerter Roosevelt et Churchill sur les dangers de l'arme nucléaire, et l'appel à l'autorestriction dans les travaux de recherche lancé, en 1974, par les biogénéticiens, auteurs des premières recombinaisons génétiques.

Il y a peut-être une cruauté inhérente à l'expérimentation sur l'homme, une dimension sacrificielle – substitution de la vie de quelques-uns au bien de tous. Le philosophe Hans Jonas a signalé les incertitudes qui marquent le cadre de référence conceptuelle mis en place par l'expérimentation sur l'homme, I'incertitude sur la nature de ce bien, l'incertitude sur les circonstances de l'opération[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Christine FAURE. COMITÉS D'ÉTHIQUE BIOMÉDICALE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 18/01/2019

Médias

Jean Bernard - crédits : Violaine Paquereau

Jean Bernard

François Jacob - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

François Jacob

Niels Bohr - crédits : Ullstein Bild/ Getty Images

Niels Bohr

Autres références

  • COMITÉ CONSULTATIF NATIONAL D'ÉTHIQUE

    • Écrit par
    • 830 mots

    Le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) est une instance pluridisciplinaire de réflexion dont la mission porte sur les « questions de société soulevées par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la...

  • BREVET D'INVENTION

    • Écrit par , et
    • 10 776 mots
    ...et, s'il s'agit d'une simple découverte, ne serait-on pas en présence d'une véritable captation de l'information génétique par des entreprises privées ? C'est pourquoi le gouvernement français a saisi pour avis le Comité consultatif national d'éthique (C.C.N.E.) sur l'avant-projet de loi portant...
  • BIOÉTHIQUE ou ÉTHIQUE BIOMÉDICALE

    • Écrit par
    • 7 796 mots
    • 1 média
    La créativité institutionnelle accompagne la prise de conscience des problèmes éthiques suscités par la R&D biomédicale. Dès 1966, les premiers comités d’éthique de la recherche sont établis aux États-Unis (IRB : Intitutional Review Boards). Ils procèdent à l’évaluation collective, aux plans scientifique...
  • MÉDECINE - Médecine prédictive

    • Écrit par et
    • 4 092 mots
    En France, le Comité national d'éthique a souligné à ce propos : « Les examens des caractéristiques génétiques présentent une particularité essentielle sur laquelle il convient d'insister : les résultats qu'ils fournissent sont des données constitutionnelles, qui identifient l'individu sur le plan biologique...
  • MÉDICAL DROIT

    • Écrit par et
    • 3 317 mots
    ...les médecins : décret du 28 juin 1979). L'adaptation éventuelle du droit aux nouvelles possibilités de la science est confiée aux recommandations du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, créé par le décret du 23 février 1983. La profession médicale...