COCAÏNE
L'Erythroxylon coca (famille des Linacées), cultivée surtout en Amérique du Sud d'où la plante est originaire, produit la cocaïne au niveau des feuilles par transformation de l'ornithine. Les racines paraissent totalement dépourvues d'alcaloïde. La teneur en alcaloïde varie selon les échantillons et, en particulier, selon l'âge des feuilles récoltées, de cinq à vingt grammes par kilogramme. Ces alcaloïdes sont fragiles : pour éviter leur altération, on traite les feuilles sur place aussi rapidement que possible. Après pulvérisation, on procède à une extraction continue, en présence d'une base faible, par un solvant organique non miscible à l'eau. Le produit ainsi obtenu renferme de 75 à 90 % de cocaïne pure. Certaines variétés de coca (coca de Java), riches en cinnamylocaïne mais pauvres en cocaïne, permettent d'obtenir cette dernière par hémisynthèse.
La cocaïne est une base tertiaire monovalente, dont les fonctions esters sont facilement hydrolysées. Elle est l'ester méthylique de la benzoyl-ecgonine répondant à la formule C17H21NO4. L'ecgonine C9H15NO3 dérive du tropane, noyau bicyclique associant la pipéridine à la N-méthyl pyrrolidine ; c'est l'acide hydroxy-3 tropane carboxylique-2. Par estérification des fonctions alcool et acide respectivement (par des acides et des alcools de nature variable) se forment différentes molécules appelées par extension « cocaïnes ».
La cocaïne se caractérise essentiellement par trois activités fondamentales : psycholeptique, sympathomimétique et anesthésique locale.
L'activité psycholeptique se manifeste après passage dans la circulation générale à la suite d'une injection intraveineuse ou de la traversée d'une muqueuse (prise nasale). L'effet stimulant central produit une hyperloquacité, une excitation du psychisme et des facultés intellectuelles, une diminution de la sensation de fatigue qui favorise l'effort physique. Avec de fortes doses, des tremblements, de l'incoordination motrice et des convulsions peuvent apparaître. Une phase de dépression pénible succède à l'ivresse joyeuse, appelant impérieusement une nouvelle prise de drogue. Peu à peu, l'organisme s'habitue à des doses plus fortes (accoutumance ou assuétude) et manifeste une déchéance physique et morale croissante.
L'action sympathomimétique s'exprime surtout par une accélération cardiaque, une hypertension souvent accompagnée d'hyperthermie. C'est le seul anesthésique local vasoconstricteur ; utilisée en synergie avec les catécholamines, la cocaïne renforce leur action (phénomène de potentialisation). La dilatation active de la pupille ou mydriase donne à l'œil un éclat caractéristique.
Une solution de chlorhydrate de cocaïne mise sur la langue y produit des picotements suivis d'une anesthésie rapide. Ce sont ces propriétés anesthésiques locales qui donnent à la cocaïne son intérêt majeur. Un anesthésique local est une substance qui, mise en contact avec un nerf ou un tronc nerveux, par injection ou par application sur une muqueuse, bloque la conduction nerveuse. En thérapeutique, on recherche l'arrêt de la production ou de la transmission de l'influx nerveux. La sensibilité est abolie avant la motricité. Progressivement disparaissent les sensations douloureuses, puis thermiques, enfin tactiles. L'effet est réversible.
Introduite dans la circulation générale, la cocaïne est détruite par le foie ; le rein peut en éliminer une petite partie. L'absorption de doses trop fortes ou l'administration sur une muqueuse enflammée peut provoquer des intoxications aiguës. L'action dépressive s'étend des centres supérieurs à la moelle, causant, entre autres, des troubles cardio-respiratoires et des syncopes brutales mortelles.
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Écrit par
- A. M. HAZEBROUCQ : pharmacien-conseil à la Sécurité sociale
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