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BECKER JACQUES (1906-1960)

Cinéaste français, auteur de films « à la française », alors que nombre de ses compatriotes se bornent à copier les modèles américains ou italiens. Becker était « français » dans le choix de ses sujets, de ses personnages, de ses décors, dans sa manière et aussi dans son tempérament, fait de mesure et de rigueur quasi artisanale. Il fut marqué durablement par Jean Renoir, dont il avait longtemps été l'assistant (et accessoirement l'interprète) : l'auteur de Casque d'or n'avait pas oublié la leçon d'Une partie de campagne, au point qu'un film semble « enchaîner » sur l'autre. Quelle est cette leçon ? L'incrustation dans un terroir, l'attention portée à des personnages soigneusement campés, une direction technique sans défaut, un dialogue vif et spontané, un certain sens de l'improvisation, la poétisation du paysage naturel enfin. Du réalisme si l'on veut, mais constamment sublimé par l'art. Becker avait appris de Renoir que « l'ingénuité est absolument nécessaire à la création ». Cocteau disait qu'« il tenait d'une âme enfantine ce charme efficace et qui ne s'explique pas ».

« Ce que je voudrais prouver ? se demande Jacques Becker : c'est qu'il n'y a rien à prouver ! Je m'efforce de rester un observateur. » Ne pas prendre parti, tout est là : c'est la méthode sinon du grand romancier, du moins d'un parfait conteur.

Casque d'or, J. Becker - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Casque d'or, J. Becker

Becker avait fait ses débuts de metteur en scène en réalisant en trois jours et demi une farce tirée de Courteline : Le commissaire est bon enfant (1935). À la veille de la guerre, il entreprit un film d'aventures « exotiques », L'Or du Cristobal (1939), qu'il ne put achever. Le premier long métrage qu'il reconnaisse pour sien est Dernier Atout, film policier au rythme déjà très personnel (1942). Puis ce sera un coup de maître : Goupi-Mains rouges (1942), d'après un roman de mœurs paysannes de Pierre Véry. Ses meilleures réalisations seront ensuite Antoine et Antoinette (1947) et Rendez-vous de juillet (1949), tableaux « unanimistes » pleins de fraîcheur ; Édouard et Caroline (1951), satire des milieux parisiens snobs ; Casque d'or, évocation nostalgique de l'époque de la bande à Bonnot, son chef-d'œuvre (1952) ;Touchez pas au Grisbi (1954), merveille du « polar » à la française, d'après le roman d'Albert Simonin ; Montparnasse 19 (1958), une biographie assez libre de Modigliani ; enfin Le Trou, d'après un roman de José Giovanni, son dernier film, en 1959 (terminé par son fils Jean Becker).

Créateur de quelques types inimitables, Becker cède rarement à la facilité. S'il a tendance à effleurer les milieux et les gens plutôt qu'à les creuser en profondeur, c'est le revers d'une exquise pudeur ; la netteté du croquis, la délicatesse du trait masquent ce qu'il peut y avoir de superficiel dans l'approche psychologique. « Face à tant de metteurs en scène transcendantaux, a dit Claude de Givray, Becker a donné au cinéma français le visage modeste, mais gracieux, de l'immanence. »

— Claude BEYLIE

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur émérite à l'université de Paris-I, historien du cinéma

Classification

Pour citer cet article

Claude BEYLIE. BECKER JACQUES (1906-1960) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Casque d'or, J. Becker - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Casque d'or, J. Becker

Autres références

  • CASQUE D'OR, film de Jacques Becker

    • Écrit par Laurent JULLIER
    • 853 mots
    • 1 média

    Nombre des films de Jacques Becker (1906-1960) sont passés à la postérité, qu'elle soit celle de la cinéphilie institutionnelle (Godard n'a jamais tari d'éloges sur Le Trou (1960), dont il a monté des extraits dans ses Histoire(s) du cinéma) ou celle du grand public (Ali Baba...

  • BECKER JEAN (1933- )

    • Écrit par René PRÉDAL
    • 650 mots

    Jean Becker est, dans les années 1950, l'assistant de Julien Duvivier, Henri Verneuil ainsi que de son père Jacques Becker. Il dirige même des plans de l'œuvre ultime de ce dernier, Le Trou (1960) dont il supervise le montage, le film n'étant sorti qu'après la mort de son auteur. Comme...

  • CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire

    • Écrit par Marc CERISUELO, Jean COLLET, Claude-Jean PHILIPPE
    • 21 694 mots
    • 41 médias
    ...cinéma d'avant guerre. Elle est représentée par celui qui fut l'assistant de Renoir et qui sera l'un des cinéastes les plus marquants de l'après-guerre : Jacques Becker (1906-1960). Avec Goupi Mains-Rouges (1943), celui-ci entreprend cette ambitieuse « Comédie humaine » qui va, de film en film, tenter une...
  • FRANCE (Arts et culture) - Le cinéma

    • Écrit par Jean-Pierre JEANCOLAS, René PRÉDAL
    • 11 105 mots
    • 7 médias
    ...talentueux qui font des films plus qu'ils ne construisent une œuvre. N'échappent à cette catégorie que quelques réalisateurs qu'on peut qualifier d'auteurs. Jacques Becker, dont la filmographie culmine, après quatre comédies brillantes, dans Casque d'or(1952). En 1954, avec Touchez pas au grisbi, il...
  • GÉLIN DANIEL (1921-2002)

    • Écrit par Raymond CHIRAT
    • 763 mots

    Daniel Gélin restera le symbole de la jeunesse enthousiaste et prête à croquer la vie à belles dents après les ravages de l'Occupation. Mèche noire sur le front, œil tendre et moqueur, voix de velours, il a imprimé entre 1945 et 1960 son image sur les écrans, et imposé au théâtre des personnages qui...

Voir aussi