- 1. Classification des particules
- 2. Théories de jauge et chromodynamique quantique
- 3. La liberté asymptotique des quarks et des gluons
- 4. Hadronisation des quarks et des gluons : les jets de particules
- 5. Le domaine mystérieux du confinement
- 6. Simulation numérique et calcul sur réseau
- 7. La phase déconfinée : le plasma de quarks et gluons
- 8. Axes de recherche en chromodynamique
- 9. Bibliographie
- 10. Site internet
CHROMODYNAMIQUE QUANTIQUE
Théories de jauge et chromodynamique quantique
Les théories de jauge reposent sur le théorème démontré en 1918 par la mathématicienne allemande Emmy Noether (1882-1935) : si une théorie physique est invariante dans une transformation continue, il existe alors une quantité conservée au long de la transformation. L’exemple le plus connu est la conservation de l’énergie dans une théorie invariante par translation dans le temps. Dans les années 1920, Hermann Weyl (1885-1955) applique cette idée à la conservation de la charge électrique dans le cadre de la nouvelle théorie quantique de l’électromagnétisme, l’électrodynamique quantique. La transformation continue est ici abstraite : c’est la multiplication des fonctions d'ondes des électrons par une « phase » eiaQ où Q est l'opérateur qui mesure la charge électrique. L'ensemble des multiplications par les facteurs eiaQ ayant la structure d'un groupe appelé U(1) par les mathématiciens, on parle d'invariance de jauge U(1). L'électrodynamique quantique est alors comprise comme la théorie minimale qui soit invariante lors des multiplications des fonctions d'onde des électrons par une phase variable avec le point de l'espace-temps de référence. L'existence du photon devient alors une conséquence du respect de la symétrie abstraite décrite plus haut. On dit que le photon est le champ de jauge associé à la symétrie U(1).
En 1954, Chen-Ning Yang (né en 1922, prix Nobel en 1957) et Robert Mills (1927-1999), du laboratoire de Brookhaven près de New York, généralisent ce point de vue à des groupes de transformations non abéliens (ou non commutatifs), ce qui signifie que le produit de deux transformations dépend de l’ordre dans lequel on les applique. Ainsi, deux rotations R1 et R2 dans l’espace ne donnent pas le même résultat selon qu’on applique R1 puis R2 ou R2 puis R1. Ces idées ouvrent la voie à la description moderne des interactions nucléaires dans le cadre général de la théorie quantique des champs, pour les interactions faibles et pour les interactions fortes. La chromodynamique quantique est construite sur ce principe au début des années 1970, l'invariance de jauge étant cette fois fondée sur le groupe appelé SU(3)par les mathématiciens, qu’on peut se représenter comme un ensemble de matrices à trois lignes et trois colonnes. Ce choix nécessite que les fonctions d’onde des quarks soient des vecteurs à trois composantes dans un espace abstrait et les transformations de jauge sont alors des « rotations » (représentées par des matrices à trois lignes et trois colonnes) dans cet espace qu’on appelle « espace de couleur ». On s’était d’ailleurs aperçu que certaines mesures expérimentales étaient mieux comprises si chaque quark existe sous trois états équivalents – qu’on appelle rouge, vert et bleu. La notion de couleur non observable souligne le fait que les quarks ne sont pas identifiables séparément, mais qu’ils s’associent dans des hadrons qui sont « blancs » par analogie avec la synthèse additive des couleurs.
On dispose ainsi d’une théorie quantique des champs pour les interactions fortes : les champs fondamentaux sont des triplets de quarks (un triplet par saveur) et un octet de gluons ; les quarks sont massifs et portent une charge électrique et les gluons sont de masse nulle et sont électriquement neutres. La charge électrique qui définit l’intensité dans l’électrodynamique est remplacée par une « charge de couleur » qu’on appelle par commodité rouge, verte ou bleue, mais qui n’a rien à voir avec la notion habituelle de couleur. Les quarks sont porteurs d’une couleur, les antiquarks d’une anticouleur (cyan, magenta, jaune) et les gluons d’une paire couleur-anticouleur. Les particules nucléaires, nucléons et mésons, deviennent alors des assemblages « blancs » dans lesquels s’équilibrent[...]
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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