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CHROMODYNAMIQUE QUANTIQUE

Hadronisation des quarks et des gluons : les jets de particules

Cependant, de la même façon qu’on ne les « voit » pas isolés à l’extérieur des hadrons, les quarks ne sont pas directement reconnaissables dans les ensembles de détection que les physiciens assemblent près des lieux de collisions des particules issues des accélérateurs ; ils n’apparaissent que sous la forme de jets de particules. Par un processus symétrique du phénomène de confinement qui empêche les quarks de sortir du proton, les quarks produits par des processus violents semblent rapidement extraire du vide environnant d’autres quarks, antiquarks et gluons pour apparaître dans les instruments comme des jets de hadrons, le plus souvent des mésons, parfois des baryons, apparaissant comme des faisceaux de particules aux vitesses quasiment parallèles. Ce processus d’hadronisation des quarks, sans être compris en détail, permet cependant d’analyser de façon fiable les processus de collision entre particules, car il se révèle universel et apte à une modélisation mathématique.

Traces des particules émises dans l’annihilation électron-positron - crédits : Deutsches Elektronen-Synchrotron DESY

Traces des particules émises dans l’annihilation électron-positron

Ainsi, par l’intermédiaire d’un photon, l’annihilation d’un électron et d’un positron donne naissance à une paire « quark + antiquark », et chacune de ces particules se révèle en un jet de hadrons. Quark et antiquark peuvent chacun rayonner un ou deux gluons (ou davantage) et ainsi produire des configurations dans lesquelles on reconnaîtra trois ou quatre jets, avec des probabilités décroissantes si les conditions sont telles que la liberté asymptotique s’applique, c’est-à-dire si les énergies mises en jeu sont grandes. C’est de cette façon que, dès 1979, les chercheurs du centre DESY (pour Deutsches Electron SYnchrotron) à Hambourg (Allemagne) mettent en évidence l'existence du gluon. Par une analyse précise de la topologie des trajectoires de particules créées dans l'annihilation d'un électron et d'un positron à haute énergie, ces physiciens démontrent que, dans quelque 10 % des cas, les particules produites se regroupent en trois jets. Ce signe de la présence d'un gluon accompagnant une paire quark-antiquark issue de la réaction est conforme aux prédictions théoriques de la chromodynamique quantique.

Après plusieurs décennies d’expériences avec des collisions électron-positron, électron-proton ou proton-proton, l’étude des jets de particules a fortifié la confiance des physiciens dans les prédictions de la chromodynamique quantique. Cette méthode s’est révélée comme le meilleur moyen de « voir » les quarks et les gluons produits dans les réactions de très haute énergie, même s’ils ne gardent leur individualité qu’une minuscule fraction de seconde (de l’ordre de 10–24 s). Elle ne permet pourtant pas de comprendre précisément les caractéristiques de chacun des mésons et des baryons présents dans les jets, ce qui nécessiterait en fait de comprendre le mécanisme du confinement des quarks et des gluons dans les hadrons. Elle ne s’applique pas non plus à tous les événements observés car les critères permettant une telle analyse sont restrictifs et ne s’appliquent pas au cas fréquent où les collisions provoquent des transferts d’énergie trop faibles pour que la liberté asymptotique justifie le calcul théorique.

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

Classification

Pour citer cet article

Bernard PIRE. CHROMODYNAMIQUE QUANTIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Les particules élémentaires - crédits : Encyclopædia Universalis France

Les particules élémentaires

Intérieur d’un proton - crédits : Encyclopædia Universalis France

Intérieur d’un proton

Couplages élémentaires de la chromodynamique quantique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Couplages élémentaires de la chromodynamique quantique

Autres références

  • PARTICULES ÉLÉMENTAIRES

    • Écrit par Maurice JACOB, Bernard PIRE
    • 8 172 mots
    • 12 médias
    ...C'est le cas de la théorie électrofaible qui regroupe l'électrodynamique quantique et l'interaction faible. C'est aussi le cas de la chromodynamique quantique qui décrit l'interaction forte au niveau des quarks et des gluons. Ces théories sont plus complexes et généralisent l'électrodynamique...
  • AXIONS

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 2 118 mots
    • 2 médias
    ...catalogue des objets élémentaires n’est pas la conséquence d’une observation, mais au contraire, de l’analyse des propriétés mathématiques d’une théorie, la chromodynamique quantique (QCD, pour Quantum ChromoDynamics), construite au début des années 1970 pour rendre compte des manifestations de l’interaction...
  • BOSONS ET FERMIONS

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 1 709 mots
    ...électromagnétique et le gluon celui des interactions nucléaires fortes selon leurs descriptions modernes par, respectivement, l’électrodynamique et la chromodynamique quantiques. Leurs masses nulles semblent liées à une propriété de symétrie (dite de jauge) des forces qu’ils véhiculent. Avec les bosons...
  • CHAMPS THÉORIE DES

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 4 463 mots
    • 1 média
    La chromodynamique, théorie des interactions fortes dont les champs fondamentaux sont les triplets de quarks et un octet de gluons est construite sur le même principe, l'invariance de jauge étant cette fois fondée sur le groupe SU(3). Une de ses intéressantes propriétés est que le phénomène...
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Voir aussi