Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CHARLIE HEBDO

Le journal Charlie Hebdo est né de l’interdiction de la publication de Hara-Kiri Hebdo en 1970.

À la suite des événements de Mai-68, le monde du dessin de presse subit un changement radical. Le dessin d'humour était jusqu’à lors dominé par des publications familiales, à l'esprit conservateur, auquel, malgré leur talent, les dessinateurs devaient se conformer. Après Mai-68, cet humour va être balayé par la satire politique. Les publications éphémères et les brûlots de Mai-68, Action et surtout L'Enragé, ont popularisé une insolence bien plus virulente.

L'équipe du mensuel d'humour noir Hara-Kiri (créé en 1960), dont les dessinateurs ont été fortement impliqués dans ces journaux révolutionnaires, lance Hara-Kiri Hebdo en février 1969. Ses victimes sont les cibles de toute la presse satirique : le gouvernement (de Gaulle et ses ministres), la police, la justice, la religion, les nantis, tous les pouvoirs… L'équipe est composée de talents qui deviennent rapidement des grands noms du dessin politique du pays : Georges Wolinski, Jean-Marc Reiser, Cabu, Willem, Gébé, Pierre Fournier. Ils sont accompagnés des plumes acérées de François Cavanna et Delfeil de Ton, sous la direction du Professeur Choron (Georges Bernier).

Le général de Gaulle meurt le 9 novembre 1970. La couverture de Choron, « Bal tragique à Colombey, un mort », le 16 novembre 1970, vaut l'interdiction immédiate de Hara-Kiri Hebdo. Cavanna et Choron font alors paraître un magazine similaire en changeant simplement son nom : il devient Charlie Hebdo. Entre-temps, l'équipe avait lancé un magazine de bandes dessinées, Charlie mensuel en 1969, évoquant le personnage de Charlie Brown, héros de la série des Peanuts (de Charles Schulz) venue des États-Unis. Il n'est pas anodin de noter que le général de Gaulle se prénommait lui aussi Charles.

Les successeurs du général de Gaulle sont les nouvelles cibles de Charlie Hebdo, tandis que naissent de nouvelles thématiques, comme l'écologie, dont Fournier est un des initiateurs en France. Pendant dix ans, une bonne part de la contestation française passe par l’hebdomadaire. Rien ne lui échappe, et tout ce qui se réalise d'alternatif cherche à se voir relayer par son intermédiaire. Les dessinateurs sont appelés de toutes parts pour des reportages et des illustrations. Les ventes sont très importantes : chaque numéro est tiré à 100 000 exemplaires. L'hebdomadaire est devenu la quintessence de l'opposition radicale du pays.

Avec l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, les ventes diminuent. L'ennemi habituel – les partis politiques de droite – est battu aux élections présidentielles, et François Mitterrand ne saurait en être un, même si l'hebdo se montrera très critique à son égard. De nombreux anciens combats connaissent un début d'issue, et le public voit moins l'intérêt de se réconforter à la lecture d’un journal satirique. En janvier 1982, Charlie Hebdo arrête sa publication. Les dessinateurs partent travailler dans d’autres magazines : Le Nouvel Observateur, Paris Match ou Le Journal du dimanche, voire Le Canard enchaîné.

Siné - crédits : Baumann/ SIPA

Siné

En 1991, en opposition à la guerre du Golfe, des nostalgiques d'un tel hebdomadaire créent La Grosse Bertha, sur une formule voisine. Cabu, Gébé, Siné (qui avait rejoint l’équipe de Charlie Hebdo sur la fin) et parfois Wolinski y contribuent autour de la nouvelle génération montante : Lefred-Thouron, Tignous, Honoré, Bernar, Charb, Riss et quelques rédacteurs qui les suivront bientôt. Francis Forcadell, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire, est remplacé par Philippe Val. En conflit avec l'éditeur Jean-Cyrille Godefroy, Val recrée Charlie Hebdo en 1992 avec Cabu, Cavanna et Wolinski notamment. L'équipe est complétée par de nouveaux rédacteurs et des dessinateurs de qualité.[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Yves FRÉMION. CHARLIE HEBDO [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Siné - crédits : Baumann/ SIPA

Siné

Tignous - crédits : Astrid Di Crollalanza/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Tignous

Charb - crédits : Eric Fougere/ VIP Images/ Corbis Historical/ Getty Images

Charb

Autres références

  • BLASPHÈME

    • Écrit par Thomas HOCHMANN
    • 7 019 mots
    • 5 médias
    Pologne, connaissent encore de telles lois qui, pour la plupart, sont très rarement utilisées. La publication de caricatures du prophète de l’islam, par un journal danois en 2005, puis par l’hebdomadaire français Charlie Hebdo l’année suivante, ne conduisit ainsi à aucune condamnation en Europe....
  • CABU JEAN CABUT dit (1938-2015)

    • Écrit par Nelly FEUERHAHN
    • 1 803 mots
    • 1 média

    Le goût et le talent du dessin se sont manifestés très tôt chez Jean Cabut, né le 13 janvier 1938 à Châlons-sur-Marne (Châlons-en-Champagne auj.). Son père, Marcel Cabut, peintre amateur, était professeur à l’École nationale supérieure des arts et métiers de cette ville. À dix ans, le jeune garçon...

  • CARICATURE

    • Écrit par Marc THIVOLET
    • 8 333 mots
    • 8 médias
    ...d'un ensemble de caricatures du Prophète Mahomet provoque une violente réaction du monde musulman. En février 2006, au nom de la liberté d'expression, Charlie Hebdo prend alors l'initiative de publier à son tour ces caricatures. Le procès qui lui fut intenté par les institutions islamiques s'est conclu...
  • CAVANNA FRANÇOIS (1923-2014)

    • Écrit par Yves FRÉMION
    • 970 mots
    Baladin de Paris (1960-1963). Quand Mai-68 arrive, l'équipe rédactionnelle et les dessinateurs se mobilisent dans les journaux d’extrême gauche, à l’exception de Cavanna qui est hospitalisé. Avec la même équipe, il crée Hara-Kiri Hebdo (1969), puis après son interdiction, Charlie Hebdo...
  • Afficher les 17 références

Voir aussi