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DENEUVE CATHERINE (1943- )

Le passage du temps

Désormais, Catherine Deneuve met son image de star, toujours présente aussi bien dans Place Vendôme, de Nicole Garcia en 1998, que dans Palais Royal !, de Valérie Lemercier en 2005, au service d'un cinéma d'auteur exigeant, comme celui de Manoel de Oliveira (Le Couvent, 1995 ; Je rentre à la maison, 2001 ; Un film parlé, 2003) ou de Lars von Trier(Dancing in the Dark, 2000). Elle peut ainsi aider certains réalisateurs à dépasser une réception habituellement « marginale » de leurs films : Le Vent de la nuit (1999) de Philippe Garrel ; Généalogies d'un crime (1997) et Les Lignes de Wellington (2012) de Raúl Ruiz ; Pola X (1999) de Leos Carax ; Après lui (2007) de Gaël Morel... Son registre est décidément et tout simplement le véritable film d'auteur à la fois personnel et au style bien défini : Rois et reine (2004) et Un conte de Noël (2008) d'Arnaud Desplechin, ou encore Huit femmes (2002) et Potiche (2010) de François Ozon, par exemple... Dans Huit femmes, Deneuve partage l’affiche avec des vedettes appartenant à plusieurs générations, de Danielle Darrieux à Ludivine Sagnier, en passant par Virginie Ledoyen, Fanny Ardant, Firmine Richard, Isabelle Huppert ou Emmanuelle Béart... Mais aucun effet d'affichage ici. Le principe du film d’Ozon consiste plutôt à enrichir chaque actrice de son passé, de l’histoire de son cinéma ou de sa propre histoire dans le cinéma : Les Demoiselles de Rochefort, évidemment, ou La Sirène du Mississipi en ce qui concerne spécifiquement Deneuve, mais aussi, la présence de Fanny Ardant aidant, le lien Truffaut-Deneuve. Sans négliger le souvenir du tandem Deneuve-Darrieux en écho aux Demoiselles de Rochefort. Catherine Deneuve occupe le centre du dispositif mêlant souvenirs et émotion, peurs (simulées), rires et chansons, célébrant l’actrice dans sa diversité et son identité sans cesse renouvelées.

Potiche part d’un schéma très différent mais tout aussi éprouvé. Le scénario est tiré d’une pièce de boulevard de Barillet et Grédy dont Jacqueline Maillan avait fait un triomphe. Nous assistons à l’irrésistible ascension de Suzanne Pujol (C. Deneuve). Le film la fait débuter dans la situation de « femme-potiche » au foyer, vivement critiquée par un féminisme très vigilant dans ces années 1970 où se déroule le film. À l’arrivée, Suzanne est une femme triomphante, « chef » d’entreprise et bientôt députée-maire... Tout cela en bousculant un mari patron de droit divin (Fabrice Luchini) et un adversaire syndical magouilleur, communiste, macho, par ailleurs ex-amant de ladite « potiche » (Gérard Depardieu).

Elle s’en va (2013), d’Emmanuelle Bercot, est plus intimiste et prend le contrepied de toute utopie sociale. En pleine soixantaine, l’indépendante Betty (C. Deneuve) constate son échec dans tous les domaines : affaires, vie affective et familiale... Une panne de cigarettes, et c’est la fugue au volant de sa superbe Mercedes... Betty découvre alors que le monde n’est pas tout à fait comme elle le croyait, et qu’elle vit même sur une autre planète que son petit-fils ! Surtout, plus que le décalage social, Betty doit accepter le passage du temps. C’est la fonction du surgissement soudain d’une ribambelle de Miss 1969, dont elle fit partie dans sa jeunesse, et parmi lesquelles on reconnaît quelques vedettes d’autrefois.

On a trop peu vu Catherine Deneuve dans de vraies comédies, qui relèveraient du burlesque et confineraient à l’absurde. Dans la cour (2014) est, à ce titre, une réussite, même s’il s’agit en fait plutôt d’une tragi-comédie. Cette fois, ce n’est pas Deneuve (Mathilde) qui s’en va, mais Antoine (Gustave Kervern), un musicien qui choisit de devenir gardien d’un petit immeuble parisien. Il y rencontre Mathilde obsédée par une fissure dans un mur de son appartement, devenue dans son esprit annonciatrice d’une[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

Classification

Pour citer cet article

Joël MAGNY. DENEUVE CATHERINE (1943- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>Les Demoiselles de Rochefort</em>, J. Demy - crédits : Sunset Boulevard/ Corbis/ Getty Images

Les Demoiselles de Rochefort, J. Demy

Catherine Deneuve dans <it>Belle de jour</it>, de L. Bunuel, 1966 - crédits : Paris Film/ Five Film/ Album/ AKG-images

Catherine Deneuve dans Belle de jour, de L. Bunuel, 1966

Autres références

  • CARRIÈRE JEAN-CLAUDE (1931-2021)

    • Écrit par René PRÉDAL
    • 1 066 mots
    • 2 médias

    Fils de viticulteurs, Jean-Claude Carrière naît le 19 septembre 1931 à Colombières-sur-Orb (Hérault), où il passe son enfance. Alors qu’il a treize ans, ses parents prennent la gérance d’un café à Montreuil-sous-Bois. Dès le lycée, il est attiré par le cinéma et la littérature, pense devenir...

  • GARREL PHILIPPE (1948- )

    • Écrit par Joël MAGNY
    • 1 090 mots

    Fils du comédien Maurice Garrel, Philippe Garrel est né en 1948 à Paris. Il réalise son premier court-métrage à seize ans (Les Enfants désaccordés, 1964). Un couple adolescent fait une fugue, puis se dispute, à l'image des parents. Le thème originel du cinéma de Garrel, la séparation, est déjà...

  • MA SAISON PRÉFÉRÉE, film de André Téchiné

    • Écrit par Laurent JULLIER
    • 907 mots

    Né en 1943, André Téchiné a suivi l'itinéraire classique des membres de la « seconde génération » de la Nouvelle Vague : entré en 1963 à l'I.D.H.E.C., il collabore dès l'année suivante aux Cahiers du cinéma. Il passe à la réalisation en 1970 avec Paulina s'en va...

  • OZON FRANÇOIS (1967- )

    • Écrit par René PRÉDAL
    • 1 097 mots
    • 4 médias
    ...d’Ozon reste Huit Femmes où chacune des vedettes féminines interprète une chanson. On y savoure donc le surjeu (Isabelle Huppert) ou son contraire (Catherine Deneuve) dans un huis clos scénique au décor digne de l’émission télévisée « Au théâtre ce soir », où se déroule un gigantesque et drolatique...

Voir aussi