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Candy, CAMEO

À l'origine, au début des années 1970, Cameo est une sorte de big band de «black rock», selon la formule du créateur de ce groupe new-yorkais, Larry Blackmon, ancien batteur de jazz. À partir de 1974, le groupe suit les traces de Parliament puis de Funkadelic, les groupes de George Clinton, créateur du son P-Funk, avec lesquels il se produit en tournées. À l'aube des années 1980, la musique funk noire bénéficie d'une embellie commerciale, illustrée notamment par Rick James (James Johnson) et son tube Super Freak, extrait de l'album Street Songs (1981). Avec l'album She's Strange (1984), Cameo s'éloigne du funk, où les cuivres et le groove organique dominent, et se laisse tenter par l'electro funk, où les machines prédominent. Word up (1985), à la teneur pop, représente un sommet du genre, et la plus grande réussite commerciale de Cameo. Aux États-Unis, les classes moyennes noires, très friandes de ce type de musique, vont assurer leur succès. Le trio constitué par Larry Blackmon, Thomas Jenkins et Nathan Leftenant, noyau du groupe, se replie sur le studio. Remarqué par Miles Davis, Cameo continue dans cette veine, un peu crispée par les préceptes d'un funk technologique qui finit par glacer leur son en bridant la créativité des musiciens.

Le morceau Candy, tiré de l'album Word up, met en évidence les particularités musicales de l'electro funk, courant auquel ont adhéré à un certain moment Michael Jackson et Prince, entre autres. Le fondement rythmique est créé par une batterie de sons échantillonnés (sans doute par un séquenceur-sampler EMU SP 1200), mixés très en avant, avec une basse synthétique qui évoque le slap d'une basse électrique. L'arrangement des percussions produit deux strates sonores: la première, composée d'une grosse caisse «collée» à la basse et d'une caisse claire jouée classiquement sur les temps pairs; la seconde, constituée d'une profusion de sons de percussions qui jouent des motifs plus flottants. Par rapport aux musiques noires comme la soul «classique», l'emploi de machines entraîne une rigidité, due à la quantification automatique du temps, qui peut être perçue comme un facteur de froideur. L'instrumentation est complétée par des synthétiseurs rendus lointains par la réverbération et par une imitation de piano électromécanique (Yamaha DX 7). La guitare électrique est la grande absente: elle n'apparaît que ponctuellement, sous la forme d'une intervention saturée, comme chez Michael Jackson. Habituellement, le funk «acoustique» (celui de Curtis Mayfield ou de Kool The Gang) utilise toute la panoplie des modes de jeu de la musique noire de danse: cocottes, pédale wa wa, rythmiques grooves (Chic, Prince). En effet, la profusion des idées rythmiques ne peut être perturbée par le son continu d'une guitare, qui «masquerait» l'espace sonore.

L'autre particularité de Candy est la ligne de basse, qui suit les trois premiers degrés du mode lydien (les trois accords sont des triades), alors que la pédale en ostinato, ici absente, est habituellement un cliché du genre. Les cuivres sont aussi absents, ce qui est un comble pour un groupe qui a commencé avec une section de cuivres prédominante (le trio réintégrera des vents avec la fantastique section de l'album Machismo, 1988).

Mais la grande force de Cameo réside dans l'utilisation très particulière des voix, avec ses deux chanteurs aux caractères opposés. Larry Blackmon possède un timbre rugueux, proche de celui de Roland Gift, des Fine Young Cannibals; sa voix n'est pas projetée et évolue dans le registre médium. Celle de Thomas Jenkins, souvent en voix de tête, est plus proche des voix aiguës androgynes du funk et du disco. On peut percevoir ce contraste dans le jeu des questions-réponses où les deux protagonistes tentent un maximum de[...]

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Écrit par

  • : compositeur, auteur, musicologue et designer sonore

Pour citer cet article

Eugène LLEDO. Candy, CAMEO [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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