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ÇA, psychanalyse

Le pronom neutre allemand substantivé Es, que l'on traduit par « ça », a été emprunté par Freud à Groddeck (Le Livre du ça), en lui donnant toutefois une signification différente ; alors que, pour Groddeck, le ça englobe tout (conscient, inconscient, système végétatif) et a un sens métaphysique, Freud réserve ce terme à l'instance qui, dans la seconde topique, se substitue au système inconscient de la première.

Dans Le Moi et le ça, Freud constate qu'au cours d'une cure analytique le moi produit une résistance inconsciente, destructrice, qui ne coïncide pas avec le refoulé et qui ne se réduit pas, comme celui-ci, par l'interprétation. Or, dans la première topique, l'inconscient se définit comme un lieu de représentations refoulées qui sont régies par les lois des processus primaires et s'avèrent compréhensibles lorsque l'interprétation s'appuie sur ces lois. Dès lors, le terme d'inconscient ne coïncide plus avec le refoulé et il perd toute signification précise qui tendrait à le définir comme un système ; il devient une caractéristique aux significations multiples, tandis que le ça, en plus du refoulé, contient des forces aveugles, inaccessibles à l'exploration analytique.

On peut alors dégager les principales différences entre le système inconscient et le ça. Dans l'inconscient, ce sont les représentations qui sont refoulées ; dans le ça, il n'y a que des motions pulsionnelles prêtes à se décharger. D'autre part, Freud, dont la seconde topique met en évidence les pulsions de mort, accorde un rôle prédominant, dans le ça, aux forces de destruction, alors qu'évidemment elles n'ont aucune place dans l'inconscient. On peut encore remarquer que le système préconscient-conscient était nettement séparé de l'inconscient, tandis que le ça est conçu de telle sorte que le moi en fait partie : « Je propose d'appeler moi l'entité qui a son point de départ dans le système préconscient et qui est, en premier lieu, préconscient, et je réserve la dénomination de ça à tous les autres éléments psychiques dans lesquels le moi se prolonge en se comportant d'une manière inconsciente » (Le Moi et le ça). Il en est de même du surmoi « qui plonge dans le ça ». De plus, le ça est davantage mêlé au biologique que ne l'était l'inconscient. Enfin, avec l'introduction de cette nouvelle instance, le sens du conflit a changé : ce n'est plus une lutte entre un pôle sexuel, refoulé, inconscient et un pôle non sexuel, refoulant et conscient, mais un conflit, d'une part, entre un pôle pulsionnel inorganisé ou faiblement organisé et un pôle différencié du premier et plus organisé que lui, d'autre part, entre des forces de liaison et des forces de « déliaison ». Si le ça est peu organisé, il reste cependant soumis à peu près aux mêmes propriétés qui régissent les processus primaires du système inconscient ; et les pulsions contradictoires y subsistent sans se supprimer ni se neutraliser.

La conception du ça a subi un certain nombre de remaniements chez différents auteurs. Pour Max Schur, cette instance est douée d'une certaine autonomie et d'une valeur adaptative. Le ça succédant à la phase indifférenciée ça-moi devient le produit de facteurs innés, capables d'évoluer avec l'expérience. Le ça ainsi que les pulsions sont phylogénétiquement et ontogénétiquement le produit de la maturation et du développement. Hartmann diminue l'importance du ça au profit d'un moi plus autonome. Lacan en fait un inconscient « structuré comme un langage » qui serait constitué par les effets du signifiant et dans lequel l'imaginaire est soumis au symbolique.

— Anne-Marie LERICHE

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Pour citer cet article

Anne-Marie LERICHE. ÇA, psychanalyse [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CLIVAGE DU SUJET (psychanalyse)

    • Écrit par Alexandre ABENSOUR
    • 1 322 mots
    ...qu'essaie de préciser Freud. Le mécanisme du clivage représente une forme extrême de compromis trouvé par le moi entre les exigences contradictoires du ça et de la réalité : dans le cas exemplaire du fétichisme, le moi tout à la fois dénie et reconnaît la castration. Le moi de l'enfant donne donc satisfaction...
  • DÉSIR (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 094 mots
    ...parties de l’âme, la plus basse, celle qui plonge ses racines dans le corps. Freud (1856-1939) reprendra la théorie platonicienne en forgeant la notion de « çà » dans ses topiques. Il y place l’ensemble de nos pulsions et considère le çà comme régi par le seul « principe de plaisir », les pulsions exigeant...
  • GRODDECK GEORG (1866-1934)

    • Écrit par François GANTHERET
    • 2 006 mots
    ...de l'appareil psychique et de ses avatars névrotiques. Les éléments de ces découvertes, lui, Groddeck, les voit à l'œuvre dans la totalité du fonctionnement corporel. Pour marquer sa différence d'avec Freud, il propose un nouveau concept ou plutôt il désigne une « figure » théorico-mythique : leça.
  • INCONSCIENT (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 276 mots
    ...donne une place centrale à la conscience, privilégie exagérément celle-ci alors que ses objectifs sont à l’opposé, va lui substituer une seconde topique distinguant le Moi, le Surmoi et le Ça. Cette seconde topique présente essentiellement l’intérêt de nous offrir une généalogie de la psychè.
  • Afficher les 13 références

Voir aussi