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GRODDECK GEORG (1866-1934)

Parmi les figures les plus marquantes de l'histoire du mouvement psychanalytique, Georg Groddeck tient une place très particulière. En contact épistolaire étroit avec Freud autour des années 1920, soutenu par celui-ci contre la réserve, voire l'hostilité de la plupart des analystes de l'époque, il ne peut cependant, même s'il réclamait ce titre, être considéré comme un disciple du fondateur de la psychanalyse. En opposition avec celui-ci sur des points théoriques essentiels, il a développé une pensée originale, sans qu'on puisse toutefois le tenir pour dissident ou scissionniste. Il s'est inspiré de Freud et Freud s'est inspiré de lui, mais un débat sur la priorité de l'un par rapport à l'autre n'aurait guère de sens : leurs deux modes de pensée s'opposent et s'interpénètrent dialectiquement, chacun dessinant le négatif de l'autre.

Groddeck et Freud

Walter Georg Groddeck, né à Bad Kösen, en Allemagne, était le cinquième enfant d'une famille de la grande bourgeoisie. Son père Karl, médecin omnipraticien réputé, était connu dans les cercles intellectuels de l'époque pour des travaux qui intéressaient la médecine, la philosophie et la sociologie politique. Il composa une dissertation inaugurale intitulée De morbo democratico, nova insaniae forma, qui passe pour avoir influencé Nietzsche. Original expansif et vigoureux, il a laissé une forte impression sur son fils Georg, qui lui vouait une grande admiration comme sur tous ceux qui l'ont connu. Il ne semble pas avoir marqué de la même façon sa femme Caroline, froide et réservée, qui était la fille d'August Koberstein, historien connu de la littérature allemande, et qui vécut dans le culte de ce dernier, son mari et ses enfants s'efforçant, assez vainement, d'attirer son attention et son estime. Cela ne fut certainement pas sans importance pour le développement de la pensée de Groddeck, toute centrée sur une puissance prédominante de la figure maternelle, qui éclipse le père. Freud devait lui en faire la remarque et même le lui reprocher.

Très tôt, Karl Groddeck avait décidé que son fils serait médecin et il l'adressa à un maître que lui-même révérait, Ernst Schweninger, dont Georg allait être l'élève, puis l'assistant. Médecin célèbre, attaché à la personne de Bismarck, autodidacte doué d'une très forte personnalité, Schweninger a certainement beaucoup marqué Groddeck. Il s'appuyait sur des techniques corporelles telles que l'hydrothérapie et le massage, que Groddeck allait utiliser lui-même. Surtout, il établissait avec ses patients un rapport d'autorité absolue, qu'il tenait pour un agent principal du traitement et qui n'est pas sans affinités avec la suggestion hypnotique préanalytique. Sa devise, Natura sanat, medicus curat (Nasamecu), devait servir de titre à l'ouvrage que Groddeck consacra, en 1913, à son ancien maître.

En 1900, Groddeck ouvrit, à Baden-Baden, son propre « sanatorium », où il employait surtout des techniques de « médecine physique » (hydrothérapie, diètes, massages) très inspirées des principes de Schweninger. Il écrit alors des articles médicaux, mais surtout des feuilletons, des romans et des poèmes ; en outre, il a une activité intense d'animateur social dans des clubs ou des coopératives. Il acquiert ainsi une renommée qui dépasse les limites locales. Mais en 1913 son livre sur Schweninger ouvre une nouvelle période ; Groddeck y attaque vivement la psychanalyse, mais d'une façon dont lui-même ressent bientôt qu'elle est passionnelle et sans avoir d'arguments ni même de documentation rigoureux. De 1913 à 1917, il étudie de plus près les œuvres de Freud et se décide, en 1917, à écrire à celui-ci. Ce premier échange, par lequel s'ouvre une fréquentation de plusieurs années, comporte une ambiguïté qui marquera tout le décours des[...]

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Écrit par

  • : maître assistant à l'université de Paris-VII, psychanalyste, membre de l'Association psychanalytique de France

Classification

Pour citer cet article

François GANTHERET. GRODDECK GEORG (1866-1934) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ÇA, psychanalyse

    • Écrit par Anne-Marie LERICHE
    • 649 mots

    Le pronom neutre allemand substantivé Es, que l'on traduit par « ça », a été emprunté par Freud à Groddeck (Le Livre du ça), en lui donnant toutefois une signification différente ; alors que, pour Groddeck, le ça englobe tout (conscient, inconscient, système végétatif) et a un...

Voir aussi