BRICS
Dans les années 2000, l’acronyme BRIC désignait le groupe de pays émergents constitué du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine, dans une acception strictement économique et financière. Ces pays ont progressivement cherché à présenter une certaine unité pour défendre des intérêts communs et s’inscrire dans une logique de gouvernance internationale différente de celle promue par l’Occident. Ainsi, depuis 2009, un sommet des BRIC – devenus BRICS en 2011, lorsque le groupe s’est élargi à l’Afrique du Sud – est organisé chaque année : il réunit les chefs d’État de ces pays et a pu aboutir à quelques réalisations concrètes. En 2024, le 16e Sommet a accueilli quatre nouveaux États membres (Égypte, Émirats arabes unis, Éthiopie, Iran), se montrant très ouvert vis-à-vis des divers partenaires. Néanmoins, l’unité, la coopération et les réalisations de ce qu’on appelle désormais les BRICS+ – groupe auquel l’Indonésie a formellement adhéré en janvier 2025, portant le nombre des pays membres à 10 – sont encore à relativiser.
Un acronyme ancien attestant progressivement d’une union relative
L’origine du terme BRIC est due à Jim O’Neill, ancien chef économiste de la banque d’affaires Goldman Sachs. Dans un article remarqué, publié en 2001, « Building better global economic BRICs », l’analyste britannique attirait l’attention sur les opportunités financières offertes par la croissance des économies du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine. En 2040, prédisait-il, le PIB cumulé de ces pays, qui représentaient à l’époque 16 % de la production mondiale et près d’un tiers de la population de planète, dépasserait celui des six premières puissances industrialisées du début du xxie siècle, remodelant ainsi profondément les rapports de force économiques mondiaux.
L’acronyme n’a en lui-même rien de foncièrement novateur. Depuis les années 1970, il est commun de faire référence au potentiel économique des « pays émergents », terme qui avait d’ailleurs pris la suite de celui de « pays en voie de développement ». Toutefois, si l’appellation marque, c’est sans doute parce qu’elle est proposée dans un contexte de mondialisation triomphante, qui laisse planer l’espoir d’un monde « multipolaire » régi par la règle de droit et la diffusion du libéralisme économique et politique. Les crises financières qui ont frappé les pays émergents dans les années 1980 et 1990 semblent déjà loin ; l’heure, pour eux, était aux réformes peu ou prou inspirées du « consensus de Washington », qui réunit de façon tacite le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale (BM) et le département du Trésor américain pour conditionner le financement des pays émergents à certaines règles économiques d’inspiration nettement libérale.
À cette époque, les BRIC parviennent de façon plus ou moins unie à exprimer des positions sur les enjeux internationaux, tels que les négociations commerciales du cycle de Doha – qu’ils ne favorisent pas –, le dossier de la prolifération nucléaire en Iran – dont la Chine, la Russie et le Brésil se mêlent tour à tour, de façon plus ou moins constructive – ou bien les conventions climat de Bonn (1999) ou de Copenhague (2009) – où tous apparaissent rétifs à l’idée de prendre beaucoup d’engagements. Les « grands émergents » ont alors à cœur de défendre leurs intérêts, leur aspiration commune à participer aux affaires mondiales et une autre vision des relations internationales et de la gouvernance mondiale que celle des pays occidentaux. En parallèle, leurs relations bilatérales prennent une ampleur conséquente, particulièrement en matière commerciale.
Forts de cette dynamique, le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine décident de formaliser leur coopération en organisant, en 2006, une réunion annuelle des ministres des Affaires étrangères puis, en 2009, un premier Sommet annuel des chefs d’État à Ekaterinbourg (Russie). Ils sont rejoints en 2011, à Sanya (Chine), par l’Afrique du Sud. Les BRIC deviennent BRICS – avec un S pour South Africa – et font entendre leur voix dans le contexte de la crise financière de 2008 pour revendiquer davantage de poids dans la gouvernance économique mondiale, trop marquée à leurs yeux par la prédominance des puissances occidentales. Plus fondamentalement, la responsabilité des pays occidentaux perçue dans l’avènement de la crise – un moment de césure dramatique dans l’histoire de l’économie mondiale – légitime leurs aspirations. L’initiative est un succès : l’élargissement des réunions du G20 aux chefs d’État de ces pays à partir de 2008 ainsi que les réformes du FMI et de la Banque mondiale initiées au même moment donnent du crédit à leurs positions, désormais plus financières qu’économiques, et marquent leur avènement au rang de puissances mondiales.
Progressivement, le rapport de force entre les BRICS et les pays occidentaux se structure. Sur le plan économique, Brasília, Moscou, New Delhi, Pékin et Pretoria tirent profit de leurs avantages comparatifs dans certains domaines (services informatiques pour l’Inde, agroalimentaire et pétrole pour le Brésil, produits manufacturés pour la Chine, matières premières pour la Russie et l’Afrique du Sud), induisant une dépendance de plus en plus forte des pays avancés envers eux. Ceux-ci leur permettent par ailleurs d’acquérir des technologies utiles à leur montée en gamme économique. Parallèlement, les BRICS poursuivent leur objectif de construction d’un ordre international différencié par le biais de leurs participations accrues, individuelles ou concertées, à certaines organisations ou alliances spécifiques (Organisation de coopération de Shanghai, G24, G77, etc.). La contestation partagée, radicale pour certains, du rôle joué par les États-Unis dans la marche du monde – souvent taxé d’antiaméricanisme – favorise une image d’unité dans la défense d’intérêts souvent communs, ou pour le moins conciliables.
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Écrit par
- Olivier MARTY : enseignant en économie européenne à Sciences Po et à l'université de Paris
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Média
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