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CENDRARS BLAISE (1887-1961)

« Je suis l'Autre, l'homme qui écrit »

De 1915 à 1926, Cendrars se retire de son œuvre. Il se fait critique d'art (Peintres, 1919) et compilateur (Anthologie nègre, 1921) ; il s'évade dans la fable (La Fin du monde, 1919 ; L'Eubage, 1926). L'Or (1925), son premier roman, participe encore de cette volonté de neutralité ; pas d'intervention de l'auteur dans le récit, pas d'élément décoratif, une concision qui ne laisse subsister que le pur schéma de l'action, dont l'emploi permanent du présent de l'indicatif impose la présence brute et immédiate. Moravagine (1926), grand roman surréaliste, où l'irrationnel s'exaspère dans la violence sanglante, la révolution, la vie sauvage, la guerre, la folie, brise avec éclat l'impersonnalité des années précédentes. Le narrateur y parle à la première personne et un jeu complexe de miroirs multiplie les reflets de l'auteur : « On n'écrit que soi. » L'œuvre romanesque n'est qu'une autobiographie déguisée, où le fonctionnement d'un univers fictif intéresse autant Cendrars que la recherche et la révélation de soi sous le masque de la fiction : « Je suis l'Autre, l'homme qui écrit. »

Dans Moravagine, Cendrars s'est libéré de son double sombre. Dan Yack (1929) poursuit cette tentative de conquête de soi par l'écriture. La première partie du livre, Le Plan de l'Aiguille, écrite à la troisième personne, nous montre un héros agissant, mais qui déjà trouve dans l'action frénétique un divertissement pascalien plutôt qu'une joie véritable. Le foudroiement d'un impossible amour le condamne à une terrible solitude où seule la parole est salvatrice. La seconde partie du roman, en effet, Les Confessions de Dan Yack – dictées par l'auteur – fait entendre une voix désespérée qui parle dans le silence, qui s'élève du néant, et cette parole est aussi la seule issue. Par ce changement de voix narrative, ce passage de l'extériorité à l'intériorité, Dan Yack consacre la mort du héros, l'éclatement du cadre romanesque.

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Pour citer cet article

Yvette BOZON-SCALZITTI. CENDRARS BLAISE (1887-1961) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DU MONDE ENTIER. POÉSIES COMPLÈTES 1912-1924, Blaise Cendrars - Fiche de lecture

    • Écrit par Yves LECLAIR
    • 803 mots

    Du monde entier. Poésies complètes 1912-1924 de Blaise Cendrars (1887-1961) paraît en 1967 chez Gallimard, dans la collection « Poésie », avec une préface de Paul Morand. Ce premier volume reprend jusqu’à Documentaires la composition de la première édition complète et définitive intitulée...

  • LA PROSE DU TRANSSIBÉRIEN ET DE LA PETITE JEHANNE DE FRANCE, Blaise Cendrars - Fiche de lecture

    • Écrit par Pierre VILAR
    • 899 mots

    « Homère du Transsibérien » (Dos Passos), Frédéric Sauser dit Blaise Cendrars (1887-1961) n'a cessé de bourlinguer, depuis ses premières fugues pétersbourgeoises puis new-yorkaises (1902-1912), de trains en poèmes et de navires en récits : œuvres et transports plus ou moins réels, plus ou...

  • MORAVAGINE, Blaise Cendrars - Fiche de lecture

    • Écrit par Guy BELZANE
    • 1 211 mots

    Paru en 1926 chez Grasset, Moravagine est, après L'Or, qui avait connu l'année précédente un énorme succès, le deuxième roman de Blaise Cendrars (1887-1961). Rédigé, aux dires de son auteur, en une seule nuit, le livre frappa la critique, qui accueillit avec un mélange de surprise...

  • FRANCOPHONES LITTÉRATURES

    • Écrit par Jean-Marc MOURA
    • 7 220 mots
    • 5 médias
    ...côté de la figure majeure de Ramuz, Charles-Albert Cingria donne une œuvre d’une étonnante modernité (Les Autobiographies de Brunon Pomposo, 1928) tandis que Blaise Cendrars se veut le poète du voyage. Cette inspiration pérégrine est prolongée par Ella Maillart (Oasis interdites, 1937).
  • ILLUSTRATION

    • Écrit par Ségolène LE MEN, Constance MORÉTEAU
    • 9 135 mots
    • 11 médias
    Parue en 1913,La Prose du Transsibérien constitue la pierre angulaire d'un nouveau langage en quête d'une expérience plus totalisante. Ainsi, sur un dépliant de deux mètres de longueur, sans ligne de partage, les illustrations de Sonia Delaunay accompagnent dans une dynamique de simultanéité, véritable...
  • LIVRE

    • Écrit par Jacques-Alexandre BRETON, Henri-Jean MARTIN, Jean TOULET
    • 26 610 mots
    • 3 médias
    ...fois placée dans notre espace [...]. Ici, véritablement, l'étendue parlait, songeait, enfantait des formes temporelles. » La Prose du Transsibérien de Blaise Cendrars (1913) se présente sous la forme d'un dépliant de deux mètres de long où sont multipliés les corps et les styles de lettres pour des compositions...
  • SIX GROUPE DES, musique

    • Écrit par Pierre-Paul LACAS
    • 1 691 mots
    • 2 médias
    ...l'impressionnisme. On croyait voir une parenté révolutionnaire entre Parade et les excentricités de la littérature d'Apollinaire et de la peinture de Picasso. Blaise Cendrars prit l'initiative de réunir autour de Satie quelques musiciens et de faire entendre leur musique lors de concerts où seraient aussi présentées...

Voir aussi