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CENDRARS BLAISE (1887-1961)

L’écrivain Blaise Cendrars (pseudonyme de Frédéric Sauser), né le 1er septembre1887 à La Chaux-de-Fonds (Suisse) et mort à Paris, le 21 janvier 1961, est victime de la légende qu'il a lui-même créée et que ses amis, ses critiques ont enrichie : légende de l'homme d'action, de l'aventurier épris de la vie, et de la vie dangereuse, dédaigneux de l'art et des artistes, n'aimant rien tant que bourlinguer et ne détestant rien tant qu'écrire Bourlinguer. Or, cet homme qui refusait d'être homme de lettres a beaucoup écrit et continûment ; mais ses déclarations d'hostilité à la littérature et l'apparence autobiographique de son œuvre ont pu faire que l'homme éclipse l'écrivain. Si Cendrars a bourlingué, c'est bien plus dans les livres et les rêves que sur les mers du monde, et, solitaire touché par l'étoile de la Mélancolie, il a trouvé dans l'imaginaire son royaume. C'est dans cette lumière voilée, et sous un éclairage véritablement littéraire, qu'il faudrait dorénavant lire Cendrars.

Poète de l'esprit nouveau

Cendrars entre en littérature avec Les Pâques à New York (1912), La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France (1913), Le Panama ou les Aventures de mes sept oncles (achevé en 1914, publié en 1918), qui font de lui, aux côtés d'Apollinaire, un grand poète de l'esprit nouveau. Il rejette le cadre étroit du poème court et sa structure statique pour dérouler un long courant de poésie ininterrompue, dynamique, qui épouse un mouvement : marche du poète désespéré dans les rues de New York, avancement monotone du train qui emporte le poète, « triste comme un enfant », à travers les grandes plaines sibériennes, voyages aux quatre coins du monde du poète multiplié par ses sept oncles atteints, comme lui, du mal du pays. Déjà, l'aventure est intérieure et plus douloureuse qu'exaltante. La marche vaine du poète-Christ dans Les Pâques figure l'image même de sa Passion sans grand espoir de résurrection ; le voyage désenchanté – et imaginaire – du Transsibérien conduit allégoriquement le poète du « lieu de (sa) naissance » au « débarcadère » de la mort ; et si les lettres imaginaires de ses sept oncles lui ouvrent l'Univers, c'est à la Mère, centre fixe vers lequel tout converge, que nous ramène constamment le refrain nostalgique « La tristesse et le mal du pays ».

En 1914, Cendrars est « engagé volontaire étranger » dans l'armée française : en septembre 1915, un obus lui emporte le bras droit. Voici l'homme « foudroyé », l'homme « à la main coupée ». Ce drame de la mutilation – qui lui vaudra d’être naturalisé français en 1916 –, longtemps l'œuvre le passe sous silence en même temps qu'elle se dépersonnalise et se durcit. Cendrars découpe dans l'œuvre d'un autre – Gustave Lerouge – ses Documentaires (1924). L'aveu lyrique cesse subitement. Le poète revient au poème court, volontairement apoétique, photographie verbale d'un fragment de réalité, où le « Je » n'est plus que spectateur distant et comme absent de lui-même (Le Formose, 1924).

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Pour citer cet article

Yvette BOZON-SCALZITTI. CENDRARS BLAISE (1887-1961) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DU MONDE ENTIER. POÉSIES COMPLÈTES 1912-1924, Blaise Cendrars - Fiche de lecture

    • Écrit par Yves LECLAIR
    • 803 mots

    Du monde entier. Poésies complètes 1912-1924 de Blaise Cendrars (1887-1961) paraît en 1967 chez Gallimard, dans la collection « Poésie », avec une préface de Paul Morand. Ce premier volume reprend jusqu’à Documentaires la composition de la première édition complète et définitive intitulée...

  • LA PROSE DU TRANSSIBÉRIEN ET DE LA PETITE JEHANNE DE FRANCE, Blaise Cendrars - Fiche de lecture

    • Écrit par Pierre VILAR
    • 899 mots

    « Homère du Transsibérien » (Dos Passos), Frédéric Sauser dit Blaise Cendrars (1887-1961) n'a cessé de bourlinguer, depuis ses premières fugues pétersbourgeoises puis new-yorkaises (1902-1912), de trains en poèmes et de navires en récits : œuvres et transports plus ou moins réels, plus ou...

  • MORAVAGINE, Blaise Cendrars - Fiche de lecture

    • Écrit par Guy BELZANE
    • 1 211 mots

    Paru en 1926 chez Grasset, Moravagine est, après L'Or, qui avait connu l'année précédente un énorme succès, le deuxième roman de Blaise Cendrars (1887-1961). Rédigé, aux dires de son auteur, en une seule nuit, le livre frappa la critique, qui accueillit avec un mélange de surprise...

  • FRANCOPHONES LITTÉRATURES

    • Écrit par Jean-Marc MOURA
    • 7 220 mots
    • 5 médias
    ...côté de la figure majeure de Ramuz, Charles-Albert Cingria donne une œuvre d’une étonnante modernité (Les Autobiographies de Brunon Pomposo, 1928) tandis que Blaise Cendrars se veut le poète du voyage. Cette inspiration pérégrine est prolongée par Ella Maillart (Oasis interdites, 1937).
  • ILLUSTRATION

    • Écrit par Ségolène LE MEN, Constance MORÉTEAU
    • 9 135 mots
    • 11 médias
    Parue en 1913,La Prose du Transsibérien constitue la pierre angulaire d'un nouveau langage en quête d'une expérience plus totalisante. Ainsi, sur un dépliant de deux mètres de longueur, sans ligne de partage, les illustrations de Sonia Delaunay accompagnent dans une dynamique de simultanéité, véritable...
  • LIVRE

    • Écrit par Jacques-Alexandre BRETON, Henri-Jean MARTIN, Jean TOULET
    • 26 610 mots
    • 3 médias
    ...fois placée dans notre espace [...]. Ici, véritablement, l'étendue parlait, songeait, enfantait des formes temporelles. » La Prose du Transsibérien de Blaise Cendrars (1913) se présente sous la forme d'un dépliant de deux mètres de long où sont multipliés les corps et les styles de lettres pour des compositions...
  • SIX GROUPE DES, musique

    • Écrit par Pierre-Paul LACAS
    • 1 691 mots
    • 2 médias
    ...l'impressionnisme. On croyait voir une parenté révolutionnaire entre Parade et les excentricités de la littérature d'Apollinaire et de la peinture de Picasso. Blaise Cendrars prit l'initiative de réunir autour de Satie quelques musiciens et de faire entendre leur musique lors de concerts où seraient aussi présentées...

Voir aussi