CENDRARS BLAISE (1887-1961)

Blaise Cendrars (pseudonyme de Frédéric Sauser-Hall), né à La Chaux-de-Fonds (Suisse), mort à Paris, est l'écrivain victime de la légende qu'il a lui-même créée et que ses amis, ses critiques ont enrichie : légende de l'homme d'action, de l'aventurier épris de la vie, et de la vie dangereuse, dédaigneux de l'art et des artistes, n'aimant rien tant que bourlinguer et ne détestant rien tant qu'écrire Bourlinguer. Or cet homme qui refusait d'être homme de lettres a beaucoup écrit et continûment ; mais ses déclarations d'hostilité à la littérature et l'apparence autobiographique de son œuvre ont pu faire que l'homme éclipse l'écrivain. Si Cendrars a bourlingué, c'est bien plus dans les livres et les rêves que sur les mers du monde, et, solitaire touché par l'étoile de la Mélancolie, il a trouvé dans l'imaginaire son royaume. C'est dans cette lumière voilée, et sous un éclairage véritablement littéraire, qu'il faudrait dorénavant lire Cendrars.

Poète de l'esprit nouveau

Blaise Cendrars

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Blaise Cendrars

Pour Blaise Cendrars, la poésie doit être vécue autant qu'écrite. Le voyage devient le moyen…

Cendrars entre en littérature avec Les Pâques à New York (1912), La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France (1913), Le Panama, ou les Aventures de mes sept oncles (achevé en 1914, publié en 1918), qui font de lui, aux côtés d'Apollinaire, un grand poète de l'esprit nouveau. Il rejette le cadre étroit du poème court et sa structure statique pour dérouler un long courant de poésie ininterrompue, dynamique, qui épouse un mouvement : marche du poète désespéré dans les rues de New York, avancement monotone du train qui emporte le poète, « triste comme un enfant », à travers les grandes plaines sibériennes, voyages aux quatre coins du monde du poète multiplié par ses sept oncles atteints comme lui du mal du pays. Déjà l'aventure est intérieure et plus douloureuse qu'exaltante. La marche vaine du poète-Christ dans Les Pâques est l'image même de sa Passion sans grand espoir de résurrection ; le voyage désenchanté – et imaginaire – du Transsibérien conduit allégoriquement le poète du « lieu de (sa) naissance » au « débarcadère » de la mort ; et si les lettres imaginaires de ses sept oncles lui ouvrent l'univers, c'est à la Mère, centre fixe vers lequel tout converge, que nous ramène constamment le refrain nostalgique : « la tristesse et le mal du pays ».

En 1914, Cendrars est « engagé volontaire étranger » dans l'armée française : en septembre 1915, un obus lui emporte le bras droit. Voici l'homme « foudroyé », l'homme « à la main coupée ». Ce drame de la mutilation, longtemps l'œuvre le passe sous silence en même temps qu'elle se dépersonnalise et se durcit. Cendrars découpe dans l'œuvre d'un autre – Gustave Lerouge – ses Documentaires (1924). L'aveu lyrique cesse subitement. Le poète revient au poème court, volontairement apoétique, photographie verbale d'un fragment de réalité, où le « Je » n'est plus que spectateur distant et comme absent de lui-même (Le Formose, 1924).

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Yvette BOZON-SCALZITTI, « CENDRARS BLAISE (1887-1961) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

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Blaise Cendrars

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Blaise Cendrars

Pour Blaise Cendrars, la poésie doit être vécue autant qu'écrite. Le voyage devient le moyen…

Autres références

  • LA PROSE DU TRANSSIBÉRIEN ET DE LA PETITE JEHANNE DE FRANCE, Blaise Cendrars - Fiche de lecture

    • Écrit par Pierre VILAR
    • 791 mots
    • 1 média

    « Homère du Transsibérien » (Dos Passos), Frédéric Sauser dit Blaise Cendrars (1887-1961) n'a cessé de bourlinguer, depuis ses premières fugues pétersbourgeoises puis new-yorkaises (1902-1912), de trains en poèmes et de navires en récits : œuvres et transports plus ou moins réels, plus ou...

  • MORAVAGINE, Blaise Cendrars - Fiche de lecture

    • Écrit par Guy BELZANE
    • 1 066 mots

    Paru en 1926 chez Grasset, Moravagine est, après L'Or, qui avait connu l'année précédente un énorme succès, le deuxième roman de Blaise Cendrars (1887-1961). Rédigé, aux dires de son auteur, en une seule nuit, le livre frappa la critique, qui accueillit avec un mélange de surprise...

  • FRANCOPHONES LITTÉRATURES

    • Écrit par Jean-Marc MOURA
    • 6 354 mots
    • 5 médias
    ...côté de la figure majeure de Ramuz, Charles-Albert Cingria donne une œuvre d’une étonnante modernité (Les Autobiographies de Brunon Pomposo, 1928) tandis que Blaise Cendrars se veut le poète du voyage. Cette inspiration pérégrine est prolongée par Ella Maillart (Oasis interdites, 1937).
  • ILLUSTRATION

    • Écrit par Ségolène LE MEN, Constance MORÉTEAU
    • 8 039 mots
    • 11 médias
    Parue en 1913, La Prose du Transsibérien constitue la pierre angulaire d'un nouveau langage en quête d'une expérience plus totalisante. Ainsi, sur un dépliant de deux mètres de longueur, sans ligne de partage, les illustrations de Sonia Delaunay accompagnent dans une dynamique de simultanéité,...
  • LIVRE

    • Écrit par Jacques-Alexandre BRETON, Henri-Jean MARTIN, Jean TOULET
    • 23 417 mots
    • 3 médias
    ...fois placée dans notre espace [...]. Ici, véritablement, l'étendue parlait, songeait, enfantait des formes temporelles. » La Prose du Transsibérien de Blaise Cendrars (1913) se présente sous la forme d'un dépliant de deux mètres de long où sont multipliés les corps et les styles de lettres pour des compositions...
  • SIX GROUPE DES, musique

    • Écrit par Pierre-Paul LACAS
    • 1 488 mots
    • 2 médias
    ...l'impressionnisme. On croyait voir une parenté révolutionnaire entre Parade et les excentricités de la littérature d'Apollinaire et de la peinture de Picasso. Blaise Cendrars prit l'initiative de réunir autour de Satie quelques musiciens et de faire entendre leur musique lors de concerts où seraient aussi présentées...
  • SUISSE

    • Écrit par Bernard DEBARBIEUX, Frédéric ESPOSITO, Universalis, Bertil GALLAND, Paul GUICHONNET, Adrien PASQUALI, Dusan SIDJANSKI
    • 21 448 mots
    • 8 médias
    ...quitte le canton de Neuchâtel, change du tout au tout. Dans La Chaux-de-Fonds des horlogers et des bûcherons fleurissent les sectes, les bricoleurs philosophes, les ambitions trimardeuses, les idées décapantes ; c'est le pays de Le Corbusier et de BlaiseCendrars (1887-1961), né Sauser-Hall.

Voir aussi