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CENDRARS BLAISE (1887-1961)

Une autobiographie mythique

Déjà, dans Une nuit dans la forêt (1929), « premier fragment d'une autobiographie », puis dans Vol à voile (1932), Cendrars nous parlait de lui, renonçant au roman sans pour autant abandonner la fiction. Les très grands livres de sa tétralogie que sont L'Homme foudroyé (1945), La Main coupée (1946), Bourlinguer (1948) et Le Lotissement du ciel (1949) développeront la formule jusqu'à produire une autobiographie à tous égards mythique, où la vérité de la mémoire est subordonnée à l'invention perpétuelle de l'écriture. Si les motifs du masque et du secret s’y font si obsédants, c'est que l'aveu s'égare dans les tours et les détours d'un texte à la fois désagrégé et enchevêtré, savamment structuré dans sa complication « rhapsodique ». Les souvenirs (ou ce qui se donne pour tel), les personnages mis en place et en scène autour du « Je » du narrateur constituent autant de figures qui minent son identité en la disséminant. À cette fuite du moi dans la fugue de l'écriture, le voyage picaresque, l'errance « gitane » servent de support et de métaphore.

La conquête de la maîtrise, de soi et de l'écriture, reste cependant l'objectif de l'aventure autobiographique, et le double foudroiement de la mutilation et de l'amour (L'Homme foudroyé), cette descente aux enfers que fut la guerre (La Main coupée), l'exil de l'homme en quête de paradis artificiels qui puissent remplacer le paradis perdu de l'enfance (Bourlinguer), l'exploration des ténèbres de l'inconscient (Le Lotissement du ciel) sont autant d'épreuves initiatiques destinées à rendre l'écrivain « maître de la nuit ». Toutefois, la maîtrise n'est jamais acquise et le texte toujours à recommencer. Le pseudonyme de Blaise Cendrars, braise et cendres, est bien celui de l'homme qui écrit, de l'homme foudroyé, ce mort vivant, qui meurt et revit sans cesse dans la flamme de l'écriture : « J'ai pris feu dans ma solitude, car écrire c'est se consumer [...]. Car écrire c'est brûler vif, mais c'est aussi renaître de ses cendres. »

— Yvette BOZON-SCALZITTI

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Pour citer cet article

Yvette BOZON-SCALZITTI. CENDRARS BLAISE (1887-1961) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DU MONDE ENTIER. POÉSIES COMPLÈTES 1912-1924, Blaise Cendrars - Fiche de lecture

    • Écrit par Yves LECLAIR
    • 803 mots

    Du monde entier. Poésies complètes 1912-1924 de Blaise Cendrars (1887-1961) paraît en 1967 chez Gallimard, dans la collection « Poésie », avec une préface de Paul Morand. Ce premier volume reprend jusqu’à Documentaires la composition de la première édition complète et définitive intitulée...

  • LA PROSE DU TRANSSIBÉRIEN ET DE LA PETITE JEHANNE DE FRANCE, Blaise Cendrars - Fiche de lecture

    • Écrit par Pierre VILAR
    • 899 mots

    « Homère du Transsibérien » (Dos Passos), Frédéric Sauser dit Blaise Cendrars (1887-1961) n'a cessé de bourlinguer, depuis ses premières fugues pétersbourgeoises puis new-yorkaises (1902-1912), de trains en poèmes et de navires en récits : œuvres et transports plus ou moins réels, plus ou...

  • MORAVAGINE, Blaise Cendrars - Fiche de lecture

    • Écrit par Guy BELZANE
    • 1 211 mots

    Paru en 1926 chez Grasset, Moravagine est, après L'Or, qui avait connu l'année précédente un énorme succès, le deuxième roman de Blaise Cendrars (1887-1961). Rédigé, aux dires de son auteur, en une seule nuit, le livre frappa la critique, qui accueillit avec un mélange de surprise...

  • FRANCOPHONES LITTÉRATURES

    • Écrit par Jean-Marc MOURA
    • 7 220 mots
    • 5 médias
    ...côté de la figure majeure de Ramuz, Charles-Albert Cingria donne une œuvre d’une étonnante modernité (Les Autobiographies de Brunon Pomposo, 1928) tandis que Blaise Cendrars se veut le poète du voyage. Cette inspiration pérégrine est prolongée par Ella Maillart (Oasis interdites, 1937).
  • ILLUSTRATION

    • Écrit par Ségolène LE MEN, Constance MORÉTEAU
    • 9 135 mots
    • 11 médias
    Parue en 1913,La Prose du Transsibérien constitue la pierre angulaire d'un nouveau langage en quête d'une expérience plus totalisante. Ainsi, sur un dépliant de deux mètres de longueur, sans ligne de partage, les illustrations de Sonia Delaunay accompagnent dans une dynamique de simultanéité, véritable...
  • LIVRE

    • Écrit par Jacques-Alexandre BRETON, Henri-Jean MARTIN, Jean TOULET
    • 26 610 mots
    • 3 médias
    ...fois placée dans notre espace [...]. Ici, véritablement, l'étendue parlait, songeait, enfantait des formes temporelles. » La Prose du Transsibérien de Blaise Cendrars (1913) se présente sous la forme d'un dépliant de deux mètres de long où sont multipliés les corps et les styles de lettres pour des compositions...
  • SIX GROUPE DES, musique

    • Écrit par Pierre-Paul LACAS
    • 1 691 mots
    • 2 médias
    ...l'impressionnisme. On croyait voir une parenté révolutionnaire entre Parade et les excentricités de la littérature d'Apollinaire et de la peinture de Picasso. Blaise Cendrars prit l'initiative de réunir autour de Satie quelques musiciens et de faire entendre leur musique lors de concerts où seraient aussi présentées...

Voir aussi