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TRICOT BERNARD (1920-2000)

L'intérêt général fut le fil directeur de la vie de Bernard Tricot, qui était né à Aurillac, le 17 juin 1920. Du Conseil d'État au cabinet du président du Conseil, du secrétariat général du ministère des Armées à celui de la présidence de la République, ce haut fonctionnaire de tradition – issu du dernier concours direct d'accès au Conseil d'État d'avant la création de l'E.N.A. – a été un rouage important de la décolonisation et de la République gaullienne.

Reçu auditeur au Conseil d'État en 1945, il traite d'indemnisations de dommages de guerre avant d'être chef de cabinet d'André Marie, éphémère président du Conseil en juillet-août 1948. Le Conseil d'État est sa maison durant quarante-trois ans ; tour à tour rapporteur, commissaire du gouvernement puis président de sous-section au contentieux, il préside la commission du rapport et des études (1978-1980) pour finir conseiller à la section sociale. Son collègue Jacques Rigaud salua son esprit de géométrie : « Il poursuivait son objectif et rien ne l'en faisait dévier. »

En dehors du Conseil, il participa à des événements historiques en « conservateur intelligent » (Léo Hamon). Jurisconsulte du protectorat français en Tunisie, il devint en 1959 le principal collaborateur de René Brouillet au secrétariat général de la présidence de la République pour les affaires algériennes ; il y suivit « les sentiers de la paix » et l'évolution de la pensée du général, de l'Algérie française à la « paix des braves » et à l'autodétermination.

Il seconda ensuite Christian Fouchet à Alger, après les accords d'Évian, de mars à juillet 1962. Délégué du haut-commissaire de la République en Algérie, il fit valoir les nécessités des compromis dans cette période de transition où l'Organisation de l'armée secrète, l'O.A.S., pratiquait la politique de la terre brûlée. Christian Fouchet écrivit n'avoir rencontré qu'une seule autre fois « un homme doué d'une pareille puissance de travail et d'un calme aussi imperturbable, quels que soient les événements ».

C'est ce même calme dont il fit preuve comme secrétaire général pour l'administration du ministère des Armées, à partir de juillet 1962. Il restructura la Défense nationale autour de la stratégie de la dissuasion nucléaire et réorganisa le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (S.D.E.C.E.). De 1967 à 1969, Bernard Tricot fut enfin secrétaire général de la présidence de la République. S'il n'a pas été aveuglé par le général septuagénaire, il fut le grand témoin de ses irritations pendant le printemps de 1968 et de la manière dont de Gaulle reprit la main en faisant « le vide au sommet », au prix de la rupture avec Georges Pompidou, qu'il devait décrire profondément blessé des conditions de son départ en juillet 1968.

C'est à Bernard Tricot que devaient échoir l'annonce des derniers refus gaulliens, le rejet de la dévaluation à l'automne de 1968, la démission d'avril 1969. En effet, dès le 25 avril, deux jours avant l'échec du référendum sur la réforme du Sénat, il était devenu dépositaire de la lettre de démission qu'il fit communiquer à l'agence France-Presse dès minuit, le 28 avril, avec effet à midi.

En raison de son expérience du S.D.E.C.E., il fut utilisé pour faire le premier rapport global sur le sabotage du Rainbow Warrior en 1985 ; au nom de la raison d'État, il y fit figurer des conclusions que l'enquête néo-zélandaise balaya. Il écrivit ensuite avoir surtout eu tort d'« écarter l'idée qu'un ministre ait pu prescrire, ou permettre, un acte comportant au plan moral et international un passif aussi lourd pour notre pays ».

Bernard Tricot se consacra[...]

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Écrit par

  • : docteur en études politiques et en histoire, ancien délégué-adjoint aux célébrations nationales (ministère de la Culture et de la Communication)

Classification

Pour citer cet article

Charles-Louis FOULON. TRICOT BERNARD (1920-2000) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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