ASIE DU SUD-EST (art et archéologie)La formation des États indianisés
Carte mentale
Élargissez votre recherche dans Universalis
Parmi les recherches archéologiques de la dernière décennie se distingue une série d'ouvrages et de travaux portant précisément sur le problème fondamental de l'évolution des premières villes du Sud-Est asiatique et sur la formation des premiers États. Il y a dix ans, l'énoncé même d'une chronologie allant du iie siècle avant J.-C. au vie siècle de notre ère aurait provoqué un vif débat. Aujourd'hui, s'il reste nombre de questions à résoudre, on a quand même fait un certain progrès dans la recherche des origines urbaines en Asie du Sud-Est.
Asie du Sud-Est, IIe s. av. J.-C. - VIe s. apr. J.-C.
Sites anciens du Sud-Est asiatique, avec l'indice chronologique de leurs origines: les débuts de la civilisation, des premières villes à la formation des premiers États, IIe s. av. J.-C. - VIe s. apr. J.-C. (J.M. Stargardt).
Crédits : Encyclopædia Universalis France
Les grandes villes pyues
Au premier rang se trouvent les résultats des recherches du Service archéologique birman. Des fouilles systématiques menées sur les sites de trois grandes villes pyues, Beikthano, Halin et Śrī Kṣetra, dont l'aire fortifiée est respectivement de 9, 6 et 9 kilomètres carrés, ont bien enrichi la documentation concernant les origines de la civilisation en Birmanie et ont permis de rapporter la chronologie de quelque six siècles, situant ces origines au ier ou iie siècle avant J.-C. (U Aung Thaw, 1968 ; U Myint Aung, 1968). La nouvelle documentation est très large. Elle concerne cinq sortes de structures en brique : les murailles et portes d'entrée des citadelles et des villes de Beikthano, Halin et Śrī Kṣetra (dans l'ordre chronologique) ; des monuments du style préindien (seulement à Beikthano et à Halin) ; des monuments indianisés ; des structures à plusieurs pièces (probablement des trésoreries) et de petits tombeaux. Il y avait de plus dans chaque ville un nombre extraordinaire d'urnes funéraires, remplies d'os humains calcinés et mêlés à de l'argile et du sable. L'emplacement et l'association rituelle de ces urnes ont varié d'une façon significative au cours des siècles. Les trois sites révélaient aussi beaucoup de pièces de monnaie en argent ornées de la conque, du Śrīvatṣa, du vajra et d'autres symboles auspicieux, de semblables pièces étant déjà connues à Oc-èo, Nagara P'atóm et Ut'ong ; un moule en schiste d'Oc-èo (à Beikthano seulement) ; des céramiques et perles romano-indiennes, et du verre d'Alexandrie (à Beikthano) ; des statues bouddhiques et quelques statues hindoues (uniquement à Śrī Kṣetra) et une série d'inscriptions sur pierre, sur or, sur argent et sur cuivre – dont plusieurs en pāli et pyu et deux en sanskrit et pyu – qui ne se trouvent qu'à Śrī Kṣetra et à la dernière phase de Halin, dominée par l'influence de Śrī Kṣetra. Pour la chronologie des sites, on dispose de datations au 14C pour Beikthano et Halin, de l'analyse des styles architecturaux pour les trois villes, et de l'épigraphie et de l'iconographie pour Śrī Kṣetra et la dernière phase de Halin.
Dans cet ensemble fort important, on a pu déterminer des phases successives de la culture ancienne pyue en Birmanie, qui révèlent sur neuf siècles, à la fois une certaine continuité et des changements profonds (Stargardt, 1978). De la première phase date une série de halles immenses, de forme rectangulaire, construites en brique et comprenant intérieurement des colonnes massives en bois. Il y en avait trois à Beikthano et une à Halin. Une des halles de Beikthano (site 9) ayant subi un premier incendie en 1950 ± 95 B.P. (before present), ses origines remontent donc plus loin, au ier sinon au iie siècle avant J.-C. Sans modèle indien, ces monuments se réfèrent à la tradition architecturale indigène d'Asie orientale. Les halles pyues servaient à la célébration des rites funéraires également sans modèle indien. Dépourvues de statuaire et du moindre élément décoratif, elles abritaient des urnes funéraires multiples groupées autour des colonnes, de chaque côté de l'entrée et le long du mur. Les urnes des grandes halles sont les plus remarquables des centaines de spécimens mis au jour à Beikthano. Il semble s'agir là d'un groupe de monuments funéraires destiné aux membres des familles princières et à leur entourage, pendant la première phase de la culture pyue. Selon une série de datations au 14C effectuées sur les halles de Beikthano et les fortifications de Halin, cette première phase s'est déroulée entre le iie siècle avant J.-C. et le iiie siècle après J.-C. Elle s'associe partout au style monumental autochtone et aux cultes funéraires, également indigènes, de l'enterrement des urnes multiples dans la couche de fondation ou – plus rarement – de l'ensevelissement des morts [...]
1
2
3
4
5
…
pour nos abonnés,
l’article se compose de 8 pages
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par :
- Janice STARGARDT : Directeur du projet de l'université de Cambridge sur les Civilisations du Sud-Est Asiatique
Classification
Autres références
« ASIE DU SUD-EST, art et archéologie » est également traité dans :
ASIE DU SUD-EST (art et archéologie) - Les grands empires
Comme entraînées par leur vitalité, l'Inde et la Chine, vers les débuts de notre ère, débordèrent leurs frontières naturelles et civilisèrent les deltas et les îles d'Indochine et d'Indonésie, venant finalement à la rencontre l'une de l'autre, comme elles le firent – presque au même moment – en Asie centrale. Cette expansion, dont elles n'eurent pas même conscience ! et qui fut de peu d'importance […] Lire la suite
ASIE DU SUD-EST (art et archéologie) - Préhistoire et protohistoire
Nous assistons actuellement à une véritable révolution de la recherche préhistorique et protohistorique en Asie du Sud-Est. Les connaissances accumulées pendant plus d'un demi-siècle par le travail patient d'une poignée de chercheurs européens ou américains sont remises en question pour être remplacées par de nouvelles hypothèses élaborées surtout par une nouvelle génération d'archéologues sud-est […] Lire la suite
INDE (Arts et culture) - L'expansion de l'art indien
Nul océan ne mérite mieux son nom que l'océan Indien. Non seulement l'Inde y enfonce son formidable soc mais, de plus, sa civilisation en a parcouru toutes les eaux et en a modelé les rivages orientaux à son image. Par son amplitude géographique et son poids sur le cours des peuples, l'expansion indienne est un des mouvements les plus importants de l'histoire.À l'ouest, certes, les échanges ont su […] Lire la suite
ANGKOR
L' occupation de la région d'Angkor remonte au moins au I er millénaire avant notre ère (connue par les fouilles de B.-P. Groslier) mais les premiers monuments ne datent que du vii e siècle de notre ère ; ils se trouvent à l'ouest sur le Stung Puok. Le viii e siècle est marqué par des constructions dans le secteur de Rolûos. Elles s'y multiplient au ix e siècle après la « fondation » de la mon […] Lire la suite
AYUTHYA
La ville d'Ayuthya, fondée en 1350 par le prince d'U Thong dans une île formée par le Ménam et ses affluents à cinquante kilomètres au sud de Lopburi, sera, durant quatre cent dix-sept ans, la capitale du Siam. Ayuthya se veut l'héritière de Dvāravatī, de la puissance d'Angkor (1431) et la maîtresse du royaume de Sukhothai (1438) et son art est influencé par cette triple vocation. Composite et ric […] Lire la suite
BIRMANIE (MYANMAR)
Dans le chapitre « Arts et archéologie » : […] La Birmanie est un des pôles de l' Asie du Sud-Est, mais son rôle est parfois sous-estimé. C'est particulièrement vrai pour son art qui, à Pagan par exemple, rivalise avec ceux d'Angkor ou de Java, et fut l'expression la plus achevée de la tradition bouddhique des Thera. Dans ses riches plaines fluviales – les monts qui les encerclent ont surtout été infestés de tribus guerrières toujours tentées […] Lire la suite
GROSLIER BERNARD PHILIPPE (1926-1986)
Le nom de Bernard Philippe Groslier, né le 10 mai 1926 à Phnom Penh, restera à jamais lié à celui du Cambodge, où il vécut de longues années et à l'histoire duquel il a consacré ses plus belles études. Son père, George Groslier, né en 1887, avait été l'un des « khmérisants » les plus sensibles de la génération précédente ; directeur des Arts et conservateur du Musée national du Cambodge, auteur de […] Lire la suite
KHMER ART
Par essence, l'art khmer est celui du Cambodge, mais l'expression est plus spécialement utilisée pour l'art d'une période, longue de quelque huit siècles, s'étendant de la fin du vi e siècle ou du début du vii e (débuts de la royauté khmère et premiers monuments datables ) à la fin du xiv e siècle ou aux premières décennies du xv e (moment de l'abandon d'Angkor par les souverains khmers). L'im […] Lire la suite
LA MORT N'EN SAURA RIEN, RELIQUES D'EUROPE ET D'OCÉANIE (exposition)
« La mort n'en dira rien/Priez les dévots mornes/Nous dansons sur les tombes/La mort n'en saura rien. » Ce dernier vers, tiré de « Funérailles », un poème du recueil Le Guetteur mélancolique de Guillaume Apollinaire, sert de titre à l'une des expositions des plus singulières. Les expositions thématiques sont encore trop rares en France où l'on préfère revoir « Chardin » plutôt que se hasarder à […] Lire la suite
MÔN
Dans le chapitre « Plus de mille ans d'histoire » : […] Les spécialistes – anglais notamment – ont longtemps débattu de l'origine des peuples môn-khmer : venaient-ils de la vallée du Yangzijiang ? Constituaient-ils le fond de population de la péninsule ? Depuis une vingtaine d'années, les chercheurs ont délaissé cette question, issue de l'ethnologie, pour se consacrer, à partir de fouilles archéologiques minutieuses, à l'établissement de périodes préci […] Lire la suite
Voir aussi
Pour citer l’article
Janice STARGARDT, « ASIE DU SUD-EST (art et archéologie) - La formation des États indianisés », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 02 février 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/asie-du-sud-est-art-et-archeologie-la-formation-des-etats-indianises/