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ART SACRÉ

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Les principes esthétiques

Maurice Denis s'est fait théoricien face à la génération montante des artistes qui, après 1910, se réclamaient davantage du pouvoir de l'instinct. Une note inscrite dans son Journal en janvier 1909 montre son intérêt pour « des élèves, et qui vous écoutent, et qui tirent profit, non seulement des idées qu'on leur donne, mais des mots dont on se sert pour parler ». C'est ainsi qu'il a publié en cette même année 1909 une synthèse intitulée De Gauguin et de Van Gogh au classicisme, reprise dans Théories (1912) et dédiée À[ses]chers élèves de l'Académie Ranson, où l'on trouve exposés les éléments fondamentaux de sa pensée artistique, confirmés dans Le Symbolisme et l'art religieux moderne (1918, réédité dans Nouvelles Théories 1922).

En réaction à l'académisme du xixe siècle qui avait entretenu à tort la confusion entre l'objet créé par l'artiste et le spectacle de la nature, le symbolisme est défini comme « l'art de traduire et de provoquer des états d'âme au moyen des rapports de couleurs et de formes. Ces rapports, inventés ou empruntés à la nature, deviennent les signes ou symboles de ces états d'âme : ils ont le pouvoir de les suggérer. L'artiste doit chercher, selon le mot de Cézanne, non pas à reproduire la nature, mais à la représenter, par des équivalents, des équivalents plastiques. C'est le moyen d'expression (lignes, formes, volumes, couleurs), et non l'objet représenté, qui doit lui-même être expressif ». Pour Maurice Denis, cette définition de l'œuvre d'art pouvait, et même devait être mise au service de l'art chrétien, car elle conduisait à l'alliance entre la décoration et l'expression, entre l'« ornement et [la] poésie » et à « fuir le trompe-l'œil et le mensonge ». Ce qui est agréable à l'œil doit également nourrir l'esprit et, comme au Moyen Âge, doit enseigner, c'est-à-dire être édifiant ; or l'édification passe par le maintien du sujet en peinture – affirmation courageuse à une époque où la mode était au rejet du sujet par crainte du sentimentalisme. Mais, l'effort de sincérité demandé à l'artiste devait lui éviter de tomber dans l'imagerie « doucereuse » ou dans « la peinture d'histoire appliquée à la religion ». En conclusion, « l'artiste chrétien nous doit donner un art vivant, tiré de son propre fond, et parler le langage du cœur. Adopter une telle méthode, chercher les correspondances entre les signes plastiques et les modalités de sa propre sensibilité religieuse », voilà l'ascèse qui offrira un art chrétien pour notre temps. C'est ce qui est pratiqué aux Ateliers d'art sacré, où pour enrichir l'expérience de l'artiste, outre les cours dispensés sur le dogme, la théologie, la philosophie et bien sûr les différentes techniques, il est recommandé de « vivre une vie » empreinte de foi chrétienne.

Dans cette atmosphère se sont formés, en effet, des artistes dont les œuvres et la personnalité ont incontestablement marqué leur temps, à commencer par le père dominicain Marie-Alain Couturier, qui jouera un rôle majeur après la Seconde Guerre mondiale sans jamais renier sa formation initiale de peintre et de verrier.

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Pour citer cet article

Françoise PERROT. ART SACRÉ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • ARCHITECTURE RELIGIEUSE AU XXe SIÈCLE, France

    • Écrit par
    • 5 277 mots
    • 2 médias
    ...l'architecte soit nécessairement croyant ? Le philosophe chrétien Jacques Maritain avait soulevé le problème, dans son ouvrage Art et scolastique (1920) ; c'est toutefois le père Couturier qui sera, après 1945, le principal artisan de ce renouveau théorique. Décidé à pallier la médiocrité de l'art sacré produit...
  • ART SOUS L'OCCUPATION

    • Écrit par
    • 7 408 mots
    • 2 médias
    ...ingénu, neuf, vif, violemment structuré et coloré. De même qu'ils avaient répondu aux commandes du Front populaire, de même ils travaillèrent bientôt aux chantiers collectifs d'art sacré, réunis autour des idées réformistes des pères thomistes Couturier et Régamey, qui dirigeaient la revue L'Art...
  • ART SACRÉ L', revue

    • Écrit par
    • 2 012 mots

    La petite revue monochrome L'Art sacré dont l'existence s'échelonne de 1935 à 1969 s'est rapidement imposée par la rigueur de son contenu et par les qualités de sa présentation. Consacrée à la fois à l'art et à la spiritualité, elle fut seule de son genre en France jusqu'en 1955. Son apogée a...

  • AZTÈQUES (notions de base)

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    La société aztèque accordait une importance particulière à l’art monumental et à l’artisanat de luxe. Architectes, sculpteurs et peintres se vouaient exclusivement à un art officiel et sacré. Tous les monuments de l’époque aztèque correspondent à des types architecturaux codifiés en fonction de leur...
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