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GATTI ARMAND (1924-2017)

Un théâtre des possibles

Après la guerre, il devient journaliste pour Paris-Match et Le Parisien libéré, reçoit le prix Albert-Londres en 1954 pour un reportage – « Envoyé spécial dans la cage aux fauves » –, coécrit une biographie de Churchill et voyage en Sibérie, en Algérie, au Guatemala et en Chine avec Michel Leiris, Chris Marker et Paul Ricoeur. Mais, très vite, les mots du journalisme se révèlent inappropriés : ils ne cessent de rétrécir le réel, de le recomposer petitement. Jean Vilar (son premier père de théâtre, affirme Gatti) découvre une de ses pièces, Le Crapaud buffle. Elle est créée en 1959, au théâtre Récamier. La critique éreinte le spectacle, le jugeant hermétique et confus. Sur les conseils de Vilar, Gatti persévère, sans se soucier d'adapter son écriture aux normes dramatiques. Pour lui, le temps, l'espace, la psychologie, tels qu'ils sont représentés, ne rendent pas justice à la multiplicité du monde. Ils l'enferment au contraire dans des raisonnements purement logiques et participent de la vision carcérale que chacun a de son existence et de son devenir. Alors, plutôt que de reconstituer la mort des deux anarchistes Sacco et Vanzetti, Gatti convoque le public et demande « si Sacco et Vanzetti mourront une fois de plus ce soir » (Chant public devant deux chaises électriques, 1966). Plutôt que de tenter de retracer la vie de son père, il donne rendez-vous à tous les âges qui ont composé l'existence de l'anarchiste Auguste (La Vie imaginaire de l'éboueur Auguste G, 1963). Bernard Dort, dans Théâtre réel, cerne l'enjeu de ce travail : il s'agit d'un « théâtre des possibles », un théâtre ouvert à l'apparent insensé de la vie et qui ne tente pas de l'ordonner en deçà de ce qu'elle est. Gatti devient metteur en scène : une scène qui, comme chez le metteur en scène communiste Erwin Piscator (son deuxième père de théâtre), ne se résigne pas à reconduire le monde dans ses limites mais, au contraire, cherche à l'élargir à tous les temps et à tous les espaces.

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Écrit par

  • : maître de conférences en arts du spectacle à l'université de Strasbourg-II-Marc-Bloch

Classification

Pour citer cet article

Olivier NEVEUX. GATTI ARMAND (1924-2017) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Armand Gatti - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Getty Images

Armand Gatti

Autres références

  • DARDENNE JEAN-PIERRE (1951- ) et LUC (1954- )

    • Écrit par Frédéric STRAUSS
    • 1 069 mots
    • 1 média
    Peu après la fin de leurs études secondaires, les deux frères font une rencontre capitale :celle du dramaturge, poète et metteur en scène Armand Gatti. Jean-Pierre, qui suit des cours d'art dramatique à Bruxelles pour devenir comédien, joue dans deux de ses pièces, La Cigogne et La Colonne...
  • LA PROMESSE (J.-P. et L. Dardenne)

    • Écrit par Joël MAGNY
    • 1 331 mots

    La Promesse est arrivée sur les écrans comme surgie de nulle part. Ses auteurs, Jean-Pierre et Luc Dardenne semblaient ne se référer à aucune école particulière, ne se réclamer d'aucun maître et atteindre du premier coup une totale maîtrise de leurs moyens et de leur propos. Venue de nulle part ? En...

  • THÉÂTRE OCCIDENTAL - Le nouveau théâtre

    • Écrit par Bernard DORT
    • 5 451 mots
    • 4 médias
    ...théâtre documentaire (celui de Weiss bien plus que celui de Rolf Hochhuth qu'on a, abusivement, classé dans cette tendance). En France, le travail d'un Armand Gatti, sans être aussi étroitement rattaché à Brecht et à l'exemple du « théâtre épique », allait dans le même sens : l'éclatement des concepts...

Voir aussi