Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DVOŘÁK ANTONIN (1841-1904)

Antonín Dvorák - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Antonín Dvorák

Dans la chronologie des quatre grands compositeurs de Bohême-Moravie, Dvořák occupe la deuxième place, après Smetana (1824-1884), devançant Janáček (1854-1928) et Martinů (1890-1959). Si Smetana, l'aîné, est considéré comme le père fondateur de l'école musicale tchèque de la renaissance nationale au xixe siècle, Dvořák, par l'abondance et la diversité de son œuvre, a pris part à cette renaissance de manière presque aussi importante. Ses dons de mélodiste et d'orchestrateur sont à l'origine d'un style parfaitement identifiable, dans un souci d'authenticité et d'universalité, à la fois à sa propre nature terrienne et visionnaire et à la patrie mythique, historique et poétique.

Culture tchèque et audience internationale

À considérer l'évolution de la musique nationale tchèque, le rôle joué par Dvořák est éclipsé par celui de Smetana. Ce dernier était intellectuellement et politiquement plus engagé que son compatriote, plus lucide, plus conscient des problèmes de l'émancipation de la Bohême, tenue depuis plus de deux siècles sous la domination des Habsbourg. La culture tchèque n'avait de meilleur refuge que la clandestinité des campagnes ou l'intrépidité de certaines couches intellectuelles progressistes. Smetana en était, mais Dvořák, d'origine humble et paysanne, avait simplement – mais farouchement – le sens de la terre natale. Né à Nelahozeves, non loin de Prague, sur les bords de la Vltava, il fit tout d'abord de la musique en campagnard, pour l'église et pour le bal, avant de devenir l'élève d'un instituteur organiste de Zlonice, localité voisine où ses parents l'envoyèrent pour apprendre l'allemand et le métier de boucher.

La vie de Dvořák serait banale, malgré son exceptionnelle réussite, si on la détachait de son contexte historique, politique, patriotique. Progressivement, des conquêtes « nationalistes » jalonnaient la longue route de l'indépendance nationale : reconnaissance officielle de la langue tchèque, fondation de l'Académie tchèque des sciences et des arts, construction et inauguration grandiose du Théâtre national tchèque.

Ce théâtre – fruit d'une souscription patriotique – caractérise suffisamment le rôle de la culture dans cette évolution lente, mais irrésistible, qui n'aboutira qu'en 1919, avec la formation de l'État tchécoslovaque. Dans le combat, la musique – surtout l'opéra – était un véritable drapeau. Ainsi que le remarquait un siècle plus tôt Da Ponte (le librettiste de Mozart) : « Chaque peuple a son organisation particulière ; celle de la Bohême paraît être le génie musical poussé au degré de perfection. » Si l'on compare Dvořák à Smetana, on constate effectivement que le premier n'a pas le sens politique du second, mais qu'il compense cette lacune par une intuition globale de l'importance de son rôle d'artiste dans la situation donnée, à commencer par le respect de la langue nationale.

Homme simple, rude, vertueux, il connaît, sans recherche du succès personnel, sans compromission et dans l'unique but de servir la cause de la Bohême, une gloire d'une exceptionnelle universalité. Mieux que le groupe des Cinq et que Tchaïkovski, pourtant grand voyageur, plus que Grieg, il fut l'« exemple » dont les musiciens avaient besoin pour se soustraire à l'influence allemande et italienne. À ce titre, il fut choisi pour diriger le Conservatoire national de New York (1892-1895), sa présence et son expérience étant de nature à favoriser l'éclosion d'une musique nationale américaine. Sa vie, après les dures années de jeunesse, d'apprentissage et d'attente du premier succès, fut partagée entre le travail obscur, à Prague et dans la campagne de Bohême, et les succès étrangers, recueillis surtout à Londres, qui l'avait adopté à l'égal de[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : écrivain et musicologue, secrétaire général adjoint de l'Académie Charles-Cros

Classification

Pour citer cet article

Guy ERISMANN. DVOŘÁK ANTONIN (1841-1904) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Antonín Dvorák - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Antonín Dvorák

Pablo Casals en 1937 - crédits : Erich Auerbach/ Getty Images

Pablo Casals en 1937

Autres références

  • PRAGUE THÉÂTRE NATIONAL DE

    • Écrit par Guy ERISMANN
    • 1 233 mots

    Intimement lié au mouvement de renaissance culturelle et linguistique qui marqua la totalité du xixe siècle en mobilisant tout à la fois artistes et intellectuels, l' opéra occupe une place particulière dans la société tchèque depuis les années 1860. Le théâtre dramatique et le théâtre musical – essentiellement...

  • SUK JOSEF (1874-1935)

    • Écrit par Alain FÉRON
    • 881 mots

    Le compositeur, violoniste et pédagogue tchèque Josef Suk naît à Křečovice (Bohême) le 4 janvier 1874. Son père, instituteur et musicien lui-même, lui fait commencer l'étude du violon dès l'âge de quatre ans. Au Conservatoire de Prague (1885-1892), il a comme professeurs Antonín Bennewitz (violon),...

  • Symphonie n° 9 « Du Nouveau Monde », DVOŘÁK (Antonín)

    • Écrit par Alain FÉRON
    • 491 mots
    Originaire de Bohême, Dvorák assoit sa renommée de compositeur en 1873, avec Hymnus, pour chœur et orchestre. Il effectue de nombreux voyages en Europe et dirige le Conservatoire national de New York de 1892 à 1895. Considéré dans son pays comme une gloire nationale, il est nommé directeur du Conservatoire...
  • TCHÈQUE MUSIQUE

    • Écrit par Éric BAUDE
    • 1 002 mots
    • 1 média

    L'histoire musicale des pays tchèques – Bohême et Moravie – est foisonnante mais méconnue.

    Il ne subsiste pas de sources musicales antérieures à l'évangélisation par Cyrille et Méthode en Grande-Moravie (862-863). L'un des plus anciens cantiques tchèques est attribué à saint Adalbert,...

Voir aussi