WATTEAU ANTOINE (1684-1721)
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Watteau peintre
Les Plaisirs du bal, Sérénade italienne, L'Enchanteur, Le Conteur ou L'Indiscret, La Game d'amour, L'Île enchantée... autant de titres qui évoquent ces représentations de fêtes galantes dont Watteau est plus ou moins le créateur, donnant une tonalité particulière à la peinture du xviiie siècle. Rappelons toutefois que s'il est l'inventeur de ces sujets, leurs titres sont postérieurs à sa mort, puisque ce sont ceux des estampes que l'on a tirées de ses tableaux et que ces titres mêmes restent d'une grande ambiguïté : ainsi ignorons-nous si Les Fêtes vénitiennes (National Gallery, Édimbourg) ou L'Isle de Cythère (Städelsches Kunstinstitut, Francfort) font allusion à un épisode des pièces de ce nom, ou sont censées les représenter. C'est tout le problème de la définition de la fête galante, et de la frontière qui la sépare du théâtre. Dans Sous un habit de mezetin (Wallace Collection, Londres), l'on reconnaît Sirois et sa famille, Vleughels est représenté dans Les Fêtes vénitiennes comme dans Les Charmes de la vie (Wallace Collection, Londres), et il faut voir dans La Famille (coll. part.) les Lebouc-Santussan, familiers et collectionneurs de Watteau. Quelques exemples parmi tant d'autres qui intriguent depuis deux siècles et auxquels on a tenté, souvent vainement, d'apporter des réponses.
Antoine Watteau, Amour paisible. 1718-1719. Huile sur toile. 56 cm x 81 cm. Musée du château de Charlottenburg, Berlin.
Crédits : Stiftung Preussische Schlösser und Gärten, Berlin-Brandenburg, Postdam
Qu'est-ce au juste que la fête galante sinon la réunion, de préférence dans un jardin aux beaux arbres, animé de sculptures et de fontaines, ou sur la terrasse de quelque architecture raffinée d'hommes et de femmes assemblés pour deviser, se conter des mots d'amour, faire de la musique, danser ? Ils sont vêtus d'étoffes soyeuses, aux coloris raffinés, et le retombé des manteaux, les collerettes, les manchettes, les costumes « à l'espagnole » évoquent tantôt les modes du siècle précédent, tantôt les habits « comiques », c'est-à-dire de comédie, de théâtre. Même lorsqu'il peint Les Bergers (Charlottenbourg, Berlin) ou la Danse champêtre (coll. part., États-Unis), Watteau ne peut s'empêcher d'y placer une jeune femme en robe de satin, un jeune homme serré dans un élégant pourpoint et dont le béret est orné d'une plume. L'on ne sait pas davantage si L'Accordée de village ou la Récréation italienne font référence à une représentation théâtrale ou une scène de mœurs. Certes, dans Le Conteur ou la Sérénade italienne, dans Arlequin, Pierrot et Scapin, le Donneur de sérénade et plus encore dans le Gilles-Pierrot, l'ambiguïté semble levée, et l'on a l'impression que Watteau a juste voulu représenter de vrais comédiens dans leurs attitudes et leurs costumes traditionnels. Mais c'est oublier qu'il avait des coffres remplis de costumes de théâtre dont il priait ses amis de bien vouloir se vêtir, et une peinture comme Les Plaisirs du bal (Picture Gallery, Dulwich) regroupe dans une architecture scénographique une cinquantaine de figures, parmi lesquelles un Pierrot, un comédien en costume de Folie, des personnages vêtus à la mode Louis XIII, un page sorti tout droit de chez Rubens, un danseur dans la position de L'Indifférent, et de nombreux élégants et élégantes en robes et manteaux de satin. Cet exemple accompli de fête galante aux personnages multiples ne doit pas faire oublier les peintures consacrées à une seule figure, illustrant un type de comédien ou de danseur comme L'Indifférent et La Finette, La Pollonoise ou La Rêveuse, ou dans un autre registre La Marmotte et La Fileuse, parfois de véritables portraits comme La plus belle des fleurs, Retour de chasse et surtout Le Mezetin, (Metropolitan Museum, New York), personnage dont le visage tourmenté et le dessin préparatoire qui lui sert d'étude montrent clairement que ce costume brillant abrite un individu dont Watteau a cherché – et réussi – à montrer la véritable humanité.
Antoine Watteau, «La Danse», vers 1719. Huile sur toile, 97 cm × 116 cm. Musée du château de Charlottenbourg, Berlin.
Crédits : Erich Lessing/ AKG
Antoine Watteau, Les Bergers. 1716. Huile sur toile. 56 cm x 81 cm. Stiftung Preussische Schösser und Gärten Berlin-Brandenburg, château de Charlottenburg, Berlin.
Crédits : J. P. Anders, Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz, Berlin
Les Plaisirs du bal, A. Watteau
Antoine Watteau, Les Plaisirs du bal, huile sur toile. Dulwich Picture Gallery, Londres.
Crédits : Bridgeman Images
Il ne faudrait pas pour autant enfermer la production de Watteau – qui ne nous est connue, pour une proportion d'environ 45 p. 100, qu'à travers les estampes qu'en a fait graver Jullienne dans les deux volumes de son Recueil –dans ce genre « galant et comique », auquel on ajoutera les nombreuses peintures décoratives, chinoiseries, arabesques. Il a également cherché son inspiration dans les sujets militaires et populaires, dans la religion et la mythologie, a traité l'allégorie et le nu féminin, avec une grande sensualité, qu'il se serait reprochée au moment de mourir, demandant qu'on détruisît ses tableaux trop lestes.
Rendez-vous de chasse de Watteau
Rendez-vous de chasse du Français Antoine Watteau (1684-1721). Wallace Collection, Londres.
Crédits : Bridgeman Images
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Écrit par :
- Marianne ROLAND MICHEL : docteure en histoire de l'art, directrice de la galerie Cailleux, Paris
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Pour citer l’article
Marianne ROLAND MICHEL, « WATTEAU ANTOINE - (1684-1721) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 18 avril 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/antoine-watteau/