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PLATONIQUE AMOUR

L'expression renvoie non seulement à la continence, mais encore à la pudeur : plus précisément tout se passe comme si, avec l'amour platonique, la tendresse pouvait se passer d'une érotique. En effet, il suppose un dualisme qui autorise le développement d'une relation sentimentale aux dépens de tout geste charnel. Le plaisir du cœur y est conçu comme proportionnel à l'ascèse du corps.

Une telle notion de l'amour n'a-t-elle pas oublié la référence dont elle se réclame : Le Banquet de Platon ? Toujours rapportée à une relation hétérosexuelle, n'est-elle pas héritée du néo-platonisme chrétien du xve siècle plutôt que directement de l'amour courtois ? Mais l'amour platonique est-il bien un amour angélique ? Et sinon d'où ce sens procède-t-il ?

La conception platonicienne de l'amour se trouve exposée dans Le Banquet comme processus de désindividualisation et de désappropriation sensible. L'érotique se présente comme une démarche ascétique où tout attachement apparaît comme contradictoire, de telle sorte qu'il appelle un dépassement. En effet, toujours désirant et inquiet, l'amour constitue une élévation qui, de degré en degré, passe d'un beau corps à tous les beaux corps, des belles formes à la beauté de la conduite et des connaissances. Ainsi, au terme de la progression se trouve atteint et aimé le beau en soi.

L'amour platonique rejoint la dialectique platonicienne, dont il n'est qu'un analogue : il fait découvrir à l'âme que la beauté sensible est le reflet spéculaire de la beauté réelle. C'est donc une sorte d'exercice spirituel, hâtant le retour de l'âme à son véritable lieu. L'amour est ainsi un moyen de s'évader du sensible : sa vérité, c'est l'amour intellectuel, l'amour philosophique, qui est tout au service de la saisie de l'intelligible. Pourtant, si l'érotique est universalisable, il n'empêche que le philosophe, toujours prêt à refaire le chemin, semble très sensible aux attraits particuliers d'un disciple. Mais cette tendresse n'est jamais exclusive ni jamais refermée sur elle-même. L'amour platonique en ce sens ne refuse pas l'érotisme comme tel, mais seulement l'érotisme aliénant qui s'oppose à son dépassement.

L'introduction de la continence dans l'amour platonique semble remonter à un courant néo-platonicien qui se développe vers la fin du Moyen Âge chrétien. Les « dames » et les « troubadours », en s'inspirant de l'amitié homosexuelle des philosophes grecs, déplacent cette amitié en un amour bienveillant entre un homme et une femme. L'amour est une sorte de moteur spirituel qui permet d'accéder à l'expérience métaphysique. L'amour, dès le départ idéalisé, se porte sur un objet impossible : une femme inaccessible, parfois morte. C'est un chemin quasi mystique qui permet le passage d'une créature au créateur, et que décrivent Marcile Ficin et Pétrarque. Cependant, une tension apparaît entre cet amour humain pur et l'idéal monastique qui prône l'amour direct de Dieu. La dilection charnelle et pure, revendiquée à la suite de Platon, se trouve condamnée par l'Église.

Pourtant c'est Aristote, bien plus que Platon, qui influence l'amour courtois. La vertu d'amitié qui rend capable d'aimer l'autre plus que soi-même et de préférer à tout le bien de l'aimé devient le modèle de l'amour extra-conjugal. L'amour est une transposition dans la relation homme-femme de l'amitié masculine.

C'est donc au moment où l'héritage du dualisme platonicien se trouve amalgamé avec l'idéal monastique de la continence la plus rigoureuse, elle-même pensée sur le modèle de la virginité chrétienne, que l'amour platonique prend le sens que[...]

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Pour citer cet article

Marie-Odile MÉTRAL-STIKER. PLATONIQUE AMOUR [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PONTUS DE TYARD ou THIARD (1521-1605)

    • Écrit par Nicole QUENTIN-MAURER
    • 738 mots

    Poète de l'école lyonnaise, ami intime de Maurice Scève, Pontus de Tyard (ou de Thiard) est né dans une riche famille bourguignonne, qui compte plusieurs hauts dignitaires royaux. Destiné dès l'enfance à l'Église — Fernand Mazade écrit « qu'il fut, presque de naissance, chanoine de la cathédrale...

Voir aussi