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TIBET (XIZIANG)

Chine : carte administrative - crédits : Encyclopædia Universalis France

Chine : carte administrative

La civilisation tibétaine traditionnelle continue à exister comme un phénomène unique dans le monde moderne. Jusqu'à l'occupation du Tibet par la Chine communiste en 1959, elle était non seulement unique, mais également florissante, à en juger par ses réalisations dans les domaines religieux, littéraire et artistique. Depuis 1959, lorsque le quatorzième dalaï-lama, Tenzin Gyatso, quitta son pays pour établir en Inde un gouvernement en exil, une minorité déshéritée de Tibétains s'attacha tout particulièrement à préserver cette extraordinaire civilisation, et ils durent trouver de nouveaux moyens de subsistance dans les pays voisins, principalement en Inde, au Népal et au Bhoutan. Ces pays comprenaient déjà tous dans leurs régions frontalières un nombre considérable de Tibétains qui demeuraient fidèles à la culture tibétaine, de même que le Tessin en Suisse a une population à prédominance italienne. La culture du Sikkim (État du nord-est de l'Inde) et du Bhoutan reste essentiellement tibétaine, bien que les formes de bouddhisme tibétain qui y sont pratiquées soient d'un ordre religieux différent de celles de l'« Église d'État » officielle des dalaï-lamas du Tibet. Ces nuances, qui résultent de luttes doctrinales et politiques anciennes, rendent encore la coopération difficile sur le plan religieux et culturel, comme cela a été le cas jusque très récemment entre les diverses catégories de communautés chrétiennes en Europe. Si la civilisation tibétaine a été durement éprouvée en 1959, elle n'a sûrement pas péri et ne mourra pas tant que certains de ses représentants auront une activité créatrice.

Le caractère original de cette civilisation est le résultat d'un processus continu de régression dans toute l'Asie du type de bouddhisme qui présida à l'évolution particulière du Tibet. Jusqu'au xiie siècle de notre ère, le même genre de bouddhisme prévalait en Inde d'où il fut importé par les Tibétains. Depuis le xe siècle il était pratiqué en Asie centrale (le Turkestan chinois actuel), et les Tibétains entretenaient d'étroits contacts culturels avec les villes-États bouddhiques de cette région. Jusqu'à la conquête du Népal en 1768-1769 par les Gorkha, les Tibétains avaient aussi des relations culturelles et politiques avec les royaumes Newar, du Népal central, liens encore vivaces au xixe siècle et au début du xxe siècle en dépit de l'hostilité du régime gorkha. La Mongolie avait noué avec le Tibet au xiiie siècle les liens culturels et religieux les plus étroits, qui durèrent jusqu'à ce qu'elle devienne un État communiste en 1924, et, depuis le xviie siècle, elle s'était rangée fermement dans le camp de l'État ecclésiastique bouddhique des dalaï-lamas, qui devaient leur suprématie politique sur le Tibet lui-même en grande partie au soutien vigoureux de leurs alliés mongols. Il est donc important de souligner que, si aux temps modernes le Tibet a revêtu généralement pour les Occidentaux la physionomie d'un pays fermé doté d'une culture et d'une religion sui generis, cela n'a sûrement pas été le cas aux siècles précédents. Le Tibet était alors ouvert aux influences de tous les pays voisins : l'Inde, le Népal, la Chine, l'Asie centrale, peut-être même la lointaine Perse. Il élabora une forme distincte de civilisation bouddhique, intégrant maints éléments indigènes mais conservant beaucoup de traits communs avec les pratiques bouddhiques des pays environnants. La civilisation tibétaine n'apparut isolée et originale que lorsque l'importance du bouddhisme déclina ou disparut même complètement dans les pays qui l'entouraient. On oublie aussi que le bouddhisme tibétain, en particulier celui de la variété « Église d'État », resta la religion officielle des empereurs [...]

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Écrit par

  • : chargée de mission au musée Guimet
  • : professeur à l'université de Rome
  • : Fellow of the British Academy
  • : professeur des Universités, Institut national des langues et civilisations orientales
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis, Chantal MASSONAUD, Luciano PETECH, David SNELLGROVE et Pierre TROLLIET. TIBET (XIZIANG) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Chine : carte administrative - crédits : Encyclopædia Universalis France

Chine : carte administrative

Plateau du Tibet - crédits : J. Singer/ Click

Plateau du Tibet

Berger tibétain et son troupeau - crédits : Feng Wei Photography/ Moment Open/ Getty Images

Berger tibétain et son troupeau

Autres références

  • ASIE (Géographie humaine et régionale) - Espaces et sociétés

    • Écrit par Philippe PELLETIER
    • 23 142 mots
    • 4 médias
    ...de cette nouvelle situation au cœur de l'Asie, la Chine réalise deux projets majeurs en 2006. D'une part, elle prolonge son réseau ferroviaire jusqu'au Tibet, en ouvrant la voie Golmud-Lhassa (1 100 km), la plus haute du monde (col de Tanggula, 5 072 m), qui lui permettra de renforcer sa mainmise sur...
  • BHOUTAN

    • Écrit par Benoît CAILMAIL, François DURAND-DASTÈS, Alain LAMBALLE, Chantal MASSONAUD
    • 7 360 mots
    • 6 médias
    ...aurait été peuplé au cours du Ier millénaire par des tribus d'origine indo-mongole, confédérées en États princiers, au moment où règne au Tibet le roi Srong-btsan sGam-po. C'est alors que les Tibétains firent leurs premières incursions dans le pays qu'ils nomment Lho-yul (pays du Sud) ou...
  • BOUDDHISME (Histoire) - L'expansion

    • Écrit par Jean NAUDOU
    • 3 116 mots
    • 4 médias
    La conversion du Tibet au bouddhisme se confond avec l'introduction des civilisations indienne et chinoise, dans ce pays isolé et resté à l'écart des grands courants culturels jusqu'au milieu du viie siècle de notre ère. Le bouddhisme pourtant, d'après la légende, serait apparu au...
  • BRAHMAPOUTRE

    • Écrit par François DURAND-DASTÈS
    • 600 mots
    • 1 média

    Les Indiens donnent le nom de Brahmaputra (« fils de Brahma ») à un fleuve puissant, long de 2 900 kilomètres et drainant un bassin de 580 000 kilomètres carrés, qui prend sa source au nord de l'Himalaya pour venir finalement mêler ses eaux à celles du Gange dans un delta commun...

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Voir aussi